Enfance De Nathalie Sarraute
Mémoires Gratuits : Enfance De Nathalie Sarraute. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresarents se séparent. Puis sa mère s’installe à Paris avec elle et son futur mari, Nicolas Boretzki (Kolia). Les premières années, Nathalie passe un mois par an avec son père, soit à Ivanovo, soit en Suisse. À partir de 1906, elle retourne en Russie, puis c’est un incessant va-et-vient entre la France et son pays natal jusqu’à ce que elle quitte St. Petersbourg et sa mère définitivement en février 1909, pour vivre chez son père, lui aussi remarié, à Paris. Désormais, elle n’aura que peu de contact avec sa mère et ses relations avec elle ne seront que faibles et mauvaises. Ce n’est qu’à partir de 1932 que Nathalie Sarraute se consacre de plus en plus à l’écriture, mais sa première publication Tropismes, en 1939, passe plus ou moins inaperçue. Sa carrière littéraire se poursuit par de nombreux romans, essais et pièces, dont les plus connus sont surtout Le Planétarium, paru en 1959 et Les Fruits d’or en 1963. Celui-ci obtient le Prix international de Littérature en 1964. Ses derniers ouvrages, Ici et Ouvrez, sont publiés seulement quelques années avant son décès, respectivement en 1995 et 1997. Dans Tropismes elle traque les « mouvements intérieurs » 1 et imperceptibles à partir desquels il s’agit de dégager une réalité nouvelle. Dès cette oeuvre, son ton particulier est donné : il faut débusquer l’univers de la « sous-conversation », lieu authentique où se jouent les passions et les complexités de l’être vrai :
Ce sont des mouvements indéfinissables, qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience ; ils sont à l’origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu’il est possible de définir. Ils me paraissaient et me paraissent encore constituer la source secrète de notre existence. 2
Dans Enfance, paru en 1983, Nathalie Sarraute rassemble des souvenirs de ses onze premières années. Avec des parents divorcés qui ne se parlent plus, il est inévitable de ne pas se demander quel a été l’effet de divorce sur la petite fille. L’influence de sa mère pèse lourdement sur la petite, mais on est surtout frappé par son absence en général dans tout le récit, et spécialement par sa distance et son manque d’empathie envers son enfant. Alors, est1 2
Sarraute, Nathalie. L’ère du soupçon, Essais sur le roman, Paris : Gallimard, folio 1956, p. 120 Op.cit., p. 8
3 ce possible que les expériences de son enfance et le chagrin provoqué par l’abandon de sa maman aient véritablement poussés Natacha à devenir une écrivaine ? Cette souffrance estelle à l’origine de sa vocation littéraire ? De plus, je vais essayer d’élucider le triangle père-mère-enfant et la signification de la naissaince des « idées » qui obsèdent l’enfant. D’une part, elles mettent en évidence la singularité de l’enfant, et d’autre part, provoquent sa culpabilité envers sa maman, puis la séparation d’avec elle. Donc, est-ce possible que le retour vers son père et la loi paternelle lui permet de retrouver le langage symbolique qui lui permet de sortir de sa psychose et de son état hystérique ? Selon Julia Kristeva, il faut suivre une dialectique du langage sémiotique du réel de l’enfance au langage symbolique pour qu’il y ait créativité. En plus, il faut traiter brièvement les substituts maternels, dont la plus importante est Véra, la sconde épouse du père de Nathalie. Enfance est normalement consideré comme une autobiographie, et il est vrai que la définition du pacte autobiographique de Philippe Lejeune, correspond d’une certaine manière à l’oeuvre en question. Nous citons : « récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité » 3 . Cependant, Nathalie Sarraute elle-même, postule qu’« il ne s’agit pas d’une autobiographie » 4 , parce qu’il y a des parcelles d’elle qui sont répandues partout. Cette oeuvre est néanmoins regardée comme une sorte d’autobiographie ou un projet d’autobiobiographie où elle nous donne le mot clef pour toute son oeuvre :
Le souvenir, lorsqu’il n’est pas repris dans le travail, est tellement grossier. J’ai séléctionné, comme pour tous mes autres livres, des instants dont je pourrais retrouver les sensations. Cette fois j’ai dit qu’il s’agissait de moi, non pas d’il ou elle. [...] Il ne s’agit pas d’un rapport sur toute ma vie, pas même sur mon enfance.5
Donc, en tenant compte qu’elle revient à sa mémoire pour ne pas faire une autobiographie traditionnelle, on pourrait ainsi discuter si cet ouvrage est ce que Gérard Genette propose d’appeler un paratexte.
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Lejeune, Philippe Le pacte autobiographique, Paris : Seuil, 1975, réédité en 1996, p. 14 Gosselin, Monique commente Enfance de Nathalie Sarraute, Paris : Gallimard, Foliothèque, 1996, p. 194 5 Op.cit., loc.cit.
4 Le dialogue est l’aboutissement des « mouvements intérieurs », et l’une des originalités du récit dans Enfance réside justement dans le dédoublement de la narratrice : d’une part, l’auteur qui raconte sa vie, d’autre part, un double critique qui l’interpelle et interrompt régulièrement le fil de la narration pour mettre l’auteur en garde contre les schémas préétablis et la falsification qu’ils constituent pour l’autobiographie. Ce mode de « jeu du je », lui permet de s’approcher de l’indicible. Nous nous demandons aussi quelle est l’importance de la structure ternaire à la façon de Dante et la façon dont Sarraute assemble ses souvenirs en fragments comme un collage d’images autonomes par des chapitres apparemment discontinus, qui pourtant s’enchevêtrent et entraînent le flou de la narration. Pour résumer : Mon mémoire sera consacré à déceler l’originalité de l’auteur et de sa quête de soi. Il s’agit d’une exigence de vérité de soi, inaccessible à ses yeux, qu’elle cherche. Aussi pourrait-on dire qu’écrire au présent une histoire passée, c’est plutôt analyser des comportements dans le mouvement de l’écriture, en cherchant leur signification, que les reproduire. Enfin, c’est la connaissance qui donne accès à l’inconnu pour aller jusqu’au bout de soi. Mon interprétation se fera donc sous un angle psychanalytique.
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1. Une Nouvelle Autobiographie ?
« Dites bien que ce que j’ai fait, avant moi personne ne l’avait fait. » 6 Dès 1939 et sa première oeuvre publiée, Tropismes, un recueil de textes brefs, Nathalie Sarraute est à la recherche de formes neuves pour investir un réel lui-même neuf. Elle appartenait au groupe d’auteurs du Nouveau Roman, dont une des tâches principales était de réduire le personnage vers l’anonymité. Le nouveau style se base sur une perte du sujet narratif et d’une destitution du narrateur omniscient. Les Nouveaux Romanciers se refusent à faire reposer le récit sur la figure traditionnelle du héros et marquent ainsi une rupture essentielle avec les formes antérieures du genre. Ils cherchent plutôt des effets de personnages vidés de leur substances, soit ils désirent constituer un caractère universel pour que le lecteur puisse s’identifier à lui. Par ce que ces romanciers ont ainsi dépassé les limites du roman traditionnel, l’influence du Nouveau Roman a été importante pour la vie littéraire de l’aprèsguerre. Mais bien que les écrivains de cette époque aient refusé le style de jadis et naguère, rappelons que la déclaration de Nathalie Sarraute ci-dessus ressemble à ce que Jean-Jacques Rousseau proclamait dans le préambule de son ouvrage Les Confessions à peu près deux siècles auparavant : « Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple [...] » 7 . Disons que ces deux énoncés contribuent à souligner l’héritage commun et universel de l’artiste et de l’homme, mais aussi que la manière de décrire des types humains et de représenter la réalité se déplace à travers les époques. Enfin, il s’agit plutôt d’une évolution plus ou moins continuelle au cours de l’histoire sous des forme d’expressions différentes.
Nathalie Sarraute et son style singulier
Dans son receuil d’essais, L’ère du soupçon 8 (EDS), qui est considéré comme un des textes fondateurs du mouvement des Nouveaux Romanciers, Sarraute analyse les modalités de la disparition du personnage, qui n’a plus ni nom, ni famille, ni passé. C’est un « ‘je’ anonyme » 9 qui occupe la place et reflète l’auteur. En fait, le personnage ne doit plus être le point de focalisation de l’oeuvre. Sarraute postule que l’auteur et le lecteur se méfient du personnage de roman et qu’ils se méfient mutuellement, et le personnage se trouve ainsi « privé de ce double soutien. » 10 Puis, ni le romancier, ni le lecteur n’arrivent plus à croire à
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Tadié, Jean Yves : Revue Critique nº 656-657 jan-fév 2002 : Nathalie Sarraute ou l’usage de l’écriture, p. 141 Rousseau : Les Confessions I, GF Flammarion : Paris, 2002, p. 29 8 Sarraute : EDS, pp. 59-79 9 Sarraute : EDS, p. 61 10 Op.cit., p. 60
6 ces personnages. C’est pourquoi le roman ne repose plus sur des actions brutales et spectaculaires qui façonnent le caractère du personnage, ni sur l’intrigue. Ainsi le personnage se dissout-il avec l’intrigue. Par ailleurs, il faut qu’il y ait le moins d’indices possibles, car le lecteur,
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