Le Mythe De La Langue Univercelle
Compte Rendu : Le Mythe De La Langue Univercelle. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresson caractère arbitraire, ainsi que son caractère culturel et social, sa particularité. Alors que le langage est une capacité propre à tout homme en tant qu’homme, et à toute société, aussi primitive soit-elle (tout le monde parle), la langue, si évidemment elle est aussi, en ce sens, présente partout, est plutôt à penser comme une différenciation, ou une particularisation, de la faculté universelle qu’est le langage.
B- Le caractère conventionnel et culturel de la langue est un obstacle à l’existence langue universelle (la critique du cratylisme et de l’idéal d’une langue naturelle, première expression de la langue universelle)
Il semble donc que la définition même du terme de "langue", nous invite à affirmer que la langue universelle s’avère être :
1) non seulement inexistante en fait, mais encore,
2) littéralement impossible à réaliser.
En effet,
1) Il est évident que la langue universelle n’a aucune existence de fait. Il semble que de tous temps les hommes ont existé en communautés séparées, et qu’ils n’ont pas utilisé les mêmes termes pour désigner les mêmes choses.
2) Mais surtout, le caractère culturel de la langue est ce qui semble faire obstacle à la réalisation d’un tel projet.
En effet, si la langue est liée à une culture particulière, il semble bien qu’il soit impossible qu’il puisse exister une même langue pour tous, au sens où elle serait alors commune à tout homme. Peut-on ou pourra-t-on jamais, parler un jour la même langue? -Il semble plutôt qu’il y ait des frontières à jamais infranchissables dans ce domaine.
Ainsi, la thèse de Saussure signifie que la langue n’est nullement une relation simple entre signifiant et signifié. Ou même, qu’elle n’est nullement assimilable à la relation naturelle entre le mot et la chose, contrairement à ce que soutenait Cratyle, dans le dialogue du même nom de PLATON. Ainsi, en 383a, Cratyle affirme-t-il que le nom n’est rien d’autre que la propriété naturelle de la chose. Ainsi, selon Cratyle, qui soutient une théorie naturaliste du langage, "il existe une dénomination naturelle pour chacun des êtres", "un nom n’est pas l’appellation que certains donnent à l’objet après accord, en le désignant par une parcelle de leur langage, mais, il existe naturellement, et pour les Grecs et pour les Barbares, une juste façon de dénommer qui est la même pour tous".
Si cette thèse est vraie, alors, la langue universelle est tout à fait réalisable. C’est ce que nous montre bien la dernière phrase de ce texte. C’est bien l’idéal d’une langue universelle, la même pour tous les hommes, au-delà des particularités culturelles, qui est ici reproduit. Cratyle ne dit pas, certes, que cette langue universelle, qui est ici synonyme de langue naturelle, existe effectivement. D’ailleurs, il apparaît que des choses, ou des êtres, sont mal nommés : on leur a donné des noms qui n’étaient pas conformes à leur nature, et ils sont faux. Ainsi Cratyle dit-il à Hermogène, tenant de la théorie conventionnaliste du langage, en 384a, que " Hermogène " n’est pas son vrai nom : en effet, le nom signifie "de la race d’Hermès", dieu du gain ; or, Hermogène a des ennuis d’argent.
Ce que veut dire Cratyle, c’est que la langue universelle est tout à fait possible : il suffit de modeler les noms sur les propriétés réelles et naturelles des choses. Alors, en effet, nous aurions un moyen d’entente facile : il suffirait de désigner chaque chose par le mot qui lui appartient en propre. En ce sens, on ne voit pas ce qui pourrait bien faire obstacle à la réalisation d’une langue universelle :
a) elle ne serait plus liée aux décisions propres particulières à chaque société ou culture, et ne serait donc pas emprunte de tout le sous-bassement propre à chaque culture;
b) et surtout, il serait possible que tout homme en tant qu’homme la pratique en toute objectivité : nous dirions alors les mêmes choses avec les mêmes mots.
C- Difficulté du cratylisme : la langue n’est pas naturelle (Saussure)
Mais on voit que si, chez Cratyle, la langue universelle est réalisable, en tant que langue naturelle, et retour à ce qu’il peut y avoir avant toute intervention des conventions humaines, c’est à la condition que la langue se réduise à la relation simple mot/chose. En ce sens, effectivement, il est tout à fait possible qu’il puisse y avoir une langue universelle, puisque parler la même langue se réduit à employer les mêmes mots, pour désigner les mêmes objets.
Or, revenons à la définition saussurienne de la langue : il y avait l’idée d’une correspondance (instituée par l’homme en société) entre un signifié et un signifiant. Nous allons voir que tout n’est pas aussi simple que ce que croyait Cratyle!
En effet, dans son Cours de linguistique générale, Saussure dit bien que le signifiant est l’empreinte psychique d’un son, et le signifié, est l’idée à laquelle renvoie cette image. Ie, le signifié, ce à quoi réfère le signifiant, n’est pas la "chose", mais le "concept". (De même, le signifiant n’est pas le mot). Le signe linguistique est donc, non le rapport d’un nom et d’une chose, mais le rapport interne entre deux éléments psychiques.
Si bien que le rêve cratyliste d’une langue naturelle semble s’envoler, puisque :
a) la langue n’est pas une nomenclature
b) et surtout, elle implique un découpage linguistique et/ou conceptuel de la réalité.
Ainsi devient-il irréalisable d’avoir une langue naturelle (puisque le rapport entre signifié et signifiant est complètement immotivé et arbitraire) ; et complètement utopiste de croire pouvoir avoir une même langue pour tous. La langue ne consiste pas seulement à parler : ie, ce qui suffit à dire que nous parlons français ou anglais, n’est nullement l’emploi de mots comme "soeur" ou "sister", mais c’est que nous découpons, et classons, la réalité tout autrement les uns des autres. Et aussi, que les mots sont irrémédiablement, de par leur origine sociale, chargés d’un sens qui n’est parfois pas assimilable par d’autres.
Par exemple :
1) dire le mot "vache" en France et en Inde : nous avons beau parler hindou, quand nous utilisons le mot hindou qui correspond à notre mot pour désigner ce que nous croyons être la même chose, nous ne parlons pas de la même chose ou plutôt, du même concept. Pour un hindou, c’est en effet quelque chose de sacré, etc. Or, cela, la "chose" ne nous le dit pas. Il ne se passe donc pas la même chose en nous que chez l’hindou, quand nous prononçons le même mot -même si la chose est la même.
2) Cf. aussi l’exemple de Levi Strauss, au début de la Pensée sauvage : chez les chinook, on dit "la méchanceté de l’homme tue la pauvreté de l’enfant". On ne peut pas dire que cette phrase chinook correspond à la phrase française "le méchant homme tue le pauvre enfant".
En effet la phrase chinook est liée à la façon qu’ont les indigènes de voir le monde. Le découpage linguistique du réel, différent du nôtre, est irréductible, car il est lié au sous-bassement culturel propre à cette tribu (qui, en l’occurence, multiplie les espèces, alors que nous, nous séparons individus, genres, espèces). On ne peut donc pas par définition traduire authentiquement une langue différente de la nôtre, puisqu’on ne peut sortir de notre schème conceptuel.
Et, si on ne peut sortir de notre schème culturel, de notre culture, aors, on voit mal comment la langue universelle pourrait bien être réalisable. Il semble que l’obstacle majeur à la langue universelle soit donc, tout simplement, la différence et particularité des cultures. La langue est profondément culturelle et sociale, et, comme nous le disions au début, particulière par définition. On ne peut sortir de cette particularité.
S’il n’existe pas de langue universelle, c’est donc parce qu’il n’existe pas une nature humaine unique ; mais cette dernière est toujours particularisée.
II- La langue universelle ne serait-elle pas plutôt à entendre comme l’ensemble des propriétés communes à toute langue? (Chomsky)
Mais peut-être après tout avons-nous vu ci-dessus pris l’expression de langue universelle au pied de la lettre, ou, en un sens trop fort.
En effet, peut-être avons-nous été trop naïfs devant cette expression de "langue universelle". Nous avons dit qu’elle signifiait une même langue pour tous les hommes -et la question était alors de savoir si les hommes sont capables d’avoir une même langue. A cela, nous avons répondu par la négative, et nous avons dit que toute langue est particulière par définition (au sens de particulière à chaque peuple). En effet, si nous voulons alors dire que la langue
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