Paroles Sur La Dune-Victor Hugo
Documents Gratuits : Paroles Sur La Dune-Victor Hugo. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresne, Jusqu'à l'heure où l'on voit// apparaître et rêver Les yeux sinistres// de la lune. Elle monte,// elle jette// un long rayon dormant A l'espace,// au mystère,// au gouffre ; Et nous nous regardons// tous les deux fixement, Elle qui brille// et moi qui souffre.
Où donc s'en sont allés// mes jours évanouis ? Est-il quelqu'un// qui me connaisse ? Ai-je encor quelque chose// en mes yeux éblouis, De la clarté// de ma jeunesse ? Tout s'est-il envolé ?// Je suis seul,// je suis las ; J'appelle// sans qu'on me réponde ; Ô vents !// ô flots !// ne suis-je aussi qu'un souffle, hélas ! Hélas !// ne suis-je aussi qu'une onde ? Ne verrai-je plus rien// de tout ce que j'aimais ? Au-dedans de moi// le soir tombe. Ô terre,// dont la brume efface les sommets, Suis-je le spectre,// et toi la tombe ? Ai-je donc vidé tout,// vie,// amour,// joie,// espoir ? J'attends,// je demande,// j'implore ; Je penche// tour à tour// mes urnes pour avoir De chacune// une goutte encore ! Comme le souvenir// est voisin du remord ! Comme à pleurer// tout nous ramène ! Et que je te sens froide// en te touchant,// ô mort, Noir verrou// de la porte humaine ! Et je pense,// écoutant gémir le vent amer, Et l'onde// aux plis infranchissables ; L'été rit,// et l'on voit// sur le bord de la mer Fleurir le chardon bleu des sables. 5 août 1854, anniversaire de mon arrivée à Jersey
Structure et éléments de versification
Ce poème est composé de treize strophes de quatre vers et est caractérisé par des strophes hétérométriques combinant un vers en alexandrin suivi d’un vers en octosyllabe. Cette alternance est régulière à travers tout le poème. La régularité est aussi prévalente avec la dynamique des rimes croisées car il y a homophonie AbAb, CdCd, etc. De la même manière, Victor Hugo respecte minutieusement l’alternance des rimes en commençant par une rime masculine puis féminine et ainsi de suite jusqu’à la fin. Bien que ce poème ne présente aucune extravagance au niveau structure basique dite classique, Hugo prend certaines libertés au niveau des césures créant des rythmes spécifiques. (césures proposées avec //). Sachant que la versification classique de l’alexandrin du Moyen Âge se partage en hémistiche 6+6 pour rythme binaire et 4+4+4 pour ternaire. Hugo se conforme à ce trimètre romantique tout en modifiant les rythmes et en introduisant ses propres notions de césures. C’est ainsi que cette liberté établit une signature de Hugo qui attribue un sens particulier à chaque vers. Il en serait de même pour la césure des octosyllabes qui changent constamment d’un vers à l’autre, v2 hémistiche à 4+4 ou par exemple v12 à 2+6 ou encore v16 où l’on ne distingue pas de césure spécifique. De plus, notons aussi que ce poème est non seulement rythmé par les césures mais aussi soutenu par de multiples ponctuations qui donnent l’effet d’un monologue que le narrateur est en train de réciter. Quant à la richesse des rimes, nous observons qu’il n’y a jamais de rimes pauvres. En effet, le poème commence avec des rimes suffisantes (surlignées en jaune) et sillonne en crescendo pour aboutir à des rimes riches (surlignées en turquoise) qui atteignent l’apogée dans la dernière strophe avec des sons à quatre phonèmes (surlignées en rose). Aussi, Hugo honore la pureté classique des rimes et en respecte autant le son que l’orthographe des mots conservée dans la plupart des strophes à l’exception des alexandrins des strophes 3, 7, 10 et 12. En effet, ceux-ci révèlent une désinvolture délibérée de Hugo qui ne satisfont que l’ouïe car ils n’ont que l’homogénéité homophone et non orthographique. Nous remarquons quelques rimes grammaticales telles que « évanouis » avec « éblouis » en tant qu’adjectifs, « entraînées » avec « sonnées » qui sont des participe passé ou encore « lever » avec « rêver » en infinitif que Hugo met en lien avec finesse dans des strophes spécifiques. En ce qui concerne le phénomène du « e » caduc, nous consatons que tous les « e » des rimes féminines sont apocopés à la fin des vers alors que les rimes masculines ne se terminent jamais avec « e ». Alors qu’il n’y a dans ce poème que peu d’hiatus (soulignés), nous observons de multiples exemples exposant les « e » élidés car ils sont suivis d’une autre voyelle, diphtongue ou « h » aspiré (en gras). Il n’y a dans ce poème qu’une seule diérèse au v18 (en rouge), qui stipule clairement le rôle du poète à joindre les éléments célestes au terrestres et le macrocosme au microcosme . Les figures de style qui m’ont le plus interpellée sont la personnification, les comparaisons, les apostrophes et les anaphores. Cette dernière figure est très récurrente avec les termes « je » et « maintenant ». Notons que l’œuvre Les Contemplations est constitué de deux parties principales, « Autrefois » (1830-1843) et« Aujourd’hui » (1843-1855). De ce fait, ce poème fait partie de cette dernière section de l’œuvre exposant les états d’âme du poète.
Découpage et Analyse
J’ai choisi de découper ce poème en quatre parties distinctes. Les trois premières strophes forment la première partie qui représente l’introspection du poète. Les strophes quatre à sept exposent le poète observateur de la nature. Les strophes huit à onze composent la troisième partie manifestant les questionnements du poète, et les deux dernières strophes manifestent la mélancolie du poète qui est à la recherche des réponses. Dans la première partie, le poète est focalisé sur lui-même et exprime le moment présent caractérisé par l’anaphore « maintenant ». Ceci exprime que le poète parle d’un moment précis, et usé par ses douleurs et le temps, arrive à un moment de sa vie où il n’a plus rien à prouver car ses « tâches sont terminées » et pense que plus rien ne le retient à rester en vie. La comparaison en v1 montre l’analogie du poète, dont le feu arrive à sa fin à cause du temps, qui s’éteint inéluctablement et qu’il n’a aucun contrôle sur sa destinée, v3 et v4. Aussi, nous notons que « flambeau » et « tombeau » sont inter reliés par le fait que par manque d’oxygène le feu s’éteint dans une tombe par étouffement. Ainsi, nous pouvons comprendre que le poète, touché par la vieillesse, sera sujet au même processus. Nous observons des déceptions inéluctables de la vie que le poète subit, v9 et v10 exprimant la vérité en tant que leurre qui n’est pas fiable et ne lui apporte que souffrance au quotidien, v11 et v12. Aussi, le bonheur qu’il avait auparavant l’a abandonné en disparaissant dans l’immensité de l’univers et en le laissant seul dans le désespoir v6. Ceci peut nous laisser entendre que le poète « courbé » préfère la mort et veut s’en aller afin de rejoindre dans l’au-delà tout ce qu’il a aimé puisque ici-bas les « mensonges » le surchargent de fardeaux qui le pèse. Après un certain moment d’autoréflexion replié sur soi-même, le poète dirige son regard vers la vaste nature et le cosmos v13 dans la deuxième partie. Il est à présent observateur de la nature, comme le témoignent les verbes, « regarde », « entends », « écoute », ce qui présume un éveil des sens causé par le recueil. Nous distinguons que le poète passe du « voir » à « regarder », du « entendre » à « écouter », ce qui démontre que chaque perception sensorielle commence par une observation passive s’acheminant à une exploration active. Le chiasme du v17 attribue à chaque objet son élément, le « vent » au ciel donc céleste et le « récif » à la « mer » donc terrestre. Le poète, médiane entre la terre et le ciel, est positionné sur la dune d’où il peut contempler le spectacle d’en bas et celui d’en haut. Ainsi, spectateur du drame terrestre et céleste, il met en parallèle ses tourments intérieurs de l’« esprit pensif » frappé par les aléas de la vie comme le « récif » heurté par l’agitation de la mer. Nous pouvons néanmoins opposer le « récif » à « l’esprit » parce que le récif, bien que marqué par les vagues violentes, reste encore inébranlable et solide malgré la puissance de la mer alors que le poète est bouleversé et se laisse dépérir par les épreuves douloureuses de sa vie, « toute la toison des nuées » qui s’est envolée. Dans les strophes six et sept, il est intéressant de relever le tableau animé et vivant grâce à la personnification de la lune active aux « yeux sinistres » reflétant ainsi la tristesse du poète. Les rimes semi-équivoquées, « dune » avec « lune » et « gouffre » avec « souffre » manifestent un jeu d’homophonie qui peut provoquer une confusion par une certaine ambiguïté phonique. De même que les paradoxes tels que « apparaître et rêver » et « rayon dormant » viennent ajouter un chaos supplémentaire à cette ambiguïté. Ces éléments peuvent révéler que le narrateur couché sur la dune est dans un état d’une telle transe que malgré le chaos, les choses sont encore reliées formant un tout. C’est ainsi que le poète souffrant comme la lueur faible du « rayon dormant » observe la brillance de la lune qui malgré tout renvoie une image négative de ce dernier. Dès lors, il sera poussé dans un questionnement existentiel et frénétique causé par son incompréhension du pourquoi lui ne brille pas comme cette lune qui le regarde malgré son regard grave. C’est ainsi que, dans la troisième partie,
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