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Commentaire de la fin de l'extrait de J.Anouilh, la répétition ou l'amour puni ( 1951 )

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x. C'était parfait. C'est ce que je voulais. Continuez.

Hortensia _ Vous jouez de nous comme de tontons! Vous lasserez bientôt notre patience.

Le comte _ Tous les metteurs en scène géniaux font ainsi. Encore heureux que je n'hurle pas, que je ne déchire pas les brochures. Il n'y a pas de mise en scène de génie sans crise de nerfs. L'insulte est la monnaie courante, quelques très grands metteurs en scène vont jusqu'à la gifle. Et ne croyez pas que cela soit gratuit. Cela se sent toujours, après, quand on écarte la pièce, si le maître a été vraiment viril. Une pièce mise en scène par un homme poli, il est bien rare que cela sente le génie. Enchaînez, Sylvia, enchaînez. « Eh bien ! qu'il tâche de m'oublier. »

Lucile _ « Eh bien ! qu'il tâche de m'oublier, qu'il me renvoie, qu'il voit d'autres filles. Il y en a ici qui ont leur amant comme moi, mais cela ne les empêche pas d'aimer tout le monde. J'ai bien vu que cela ne leur coûte rien. Mais pour moi, c'est impossible. »

Hortensia _ « Eh ! ma chère enfant avons nous rien ici qui vous vaille,qui approche de vous. »

Le compte _ Fort bien, le fiel sous le sourire. Vous avez dû travailler toute la nuit pour mettre cela au point, Hortensia !

Commentaire :

Pièce en cinq actes et en prose de Jean Anouilh (1910-1987), créée à Paris au théâtre Marigny le 25 octobre 1950, et publiée à Paris aux Éditions La Palatine la même année, La Répétition ou l’amour puni appartient au cycle des « pièces brillantes ».

Si les catégories «pièces noires» (voir Antigone) ou «pièces roses» (voir Léocadia) inventées par Anouilh pour classer ses pièces sont aisément définissables, il n’en va pas de même des «pièces brillantes» où se rangent des œuvres plus tardives comme Colombe ou la Répétition. Au moins dans ces deux pièces le «brillant» est largement celui du théâtre même, du «théâtre dans le théâtre» qui, parant la réalité des chatoiements de l’illusion, agit comme un révélateur sur les personnages mis en scène.

Le Comte, prénommé Tigre, organise en son château de Ferbroques une fête dont le clou sera la représentation de la Double Inconstance de Marivaux: les acteurs, amateurs, sont venus quelques jours plus tôt pour répéter. On trouve là, réunis, la Comtesse et son amant Villebrosse, Hortensia, la maîtresse du Comte, et un ami de celui-ci, Héro. Ce sont tous des mondains désabusés. Pour jouer Silvia, l’ingénue, Tigre a choisi une jeune fille pauvre et pure, Lucile, nièce de M. Damiens, l’homme d’affaires de la Comtesse. L’amour possible de Tigre pour Lucile effraie tous les autres. Pendant la répétition, les tensions s’exaspèrent, tant se manifeste l’intérêt du Comte pour Lucile. Il s’agira de voir en quoi dans cet extrait se mêlent et se fondent les deux pièces.

Nous verrons dans une première partie la structure du texte et son caractère polydiscursif ; puis, dans une deuxième partie, le pastiche à l’œuvre dans cet extrait ; enfin, dans une troisième partie, le phénomène de théâtre dans le théâtre – ou le pirandellisme.

I Structure du texte

A/ Hypotexte et hypertexte : l’intertextualité

http://www.lettres.net/files/intertextualite.html

L’hypotexte constitue le texte de départ à partir duquel se crée un nouveau texte (en l’occurrence La Double Inconstance de Marivaux), et l’hypertexte constitue le texte d’arrivée (la pièce d’Anouilh ici). L’étude de l’intertextualité sera donc l’étude du passage de l’hypotexte à l’hypertexte. A noter que tout texte, dès lors, est susceptible d’être un hypotexte à un texte ultérieur ; et, bien souvent, tous les textes sont dans une certaine mesure des hypertextes.

- délimiter d’abord de façon précise les différents niveaux du discours

- étudier le rôle des guillemets dans la répartition des différentes strates du texte. Montrer comment l’acteur jouant la pièce d’Anouilh a un travail particulier a effectuer pour rendre sensible ce passage d’un texte à l’autre.

B/ Le Comte en organisateur de la parole

- étudier la répartition des interventions discursives du Comte : il ouvre et ferme l’extrait, et ponctue la « répétition » entre Hortensia et Lucile de ses remarques métathéâtrales (= qui portent sur le théâtre : http://www.ditl.info/arttest/art2934.php).

- Voir les réflexions et les commentaires qu’ils apportent sur la répétition en cours (« Bien », « Fort bien », « Enchaînez »…) et surtout le commentaire qu’il apporte sur la teneur du discours.

- Montrer que la plupart des répliques des deux autres personnages, et parfois même leurs répliques de Marivaux, fonctionnent comme des réponses aux remarques du Comte

C/ La pénétration des discours

On constate ainsi une interpénétration des discours au niveau de la pièce : plusieurs discours se téléscopent :

- la répétition proprement dite de la pièce de Marivaux (discours indiqué textuellement par les guillemets)

- les commentaires des acteurs eux-mêmes sur leur propre jeu théâtral : discours qui peut lui-même être lu à deux niveaux : un commentaire dans le texte sur leur répétition de la pièce de Marivaux, et un commentaire des acteurs jouant la pièce d’Anouilh sur la présentation qu’ils sont en train de faire

- les commentaires scéniques du Comte

- les commentaires décalés du Comte

Montrer en quoi la pièce d’Anouilh progresse à partir de cette interpénétration des discours. On évoquera également le phénomène de « réplique à l’italienne » (lorsqu’une nouvelle réplique se fonde sur un terme, un expression, ou une référence de la réplique précédente : voir le terme « sincère » par exemple)

Cette scène se construit donc sur un jeu virtuose du foisonnement de l’interpénétration des différents discours qui occupent l’espace scénique. Ce travail de l’intertextualité est si poussé qu’il vire parfois au pastiche.

II Le pastiche et l’humour

A/ La perversité du Comte

Voir la manipulation du Comte dans cet extrait :

- il se donne le meilleur rôle (le « Prince »), celui qui doit séduire Lucile, la jeune fille pauvre et pure

- le propos de Lucile est intentionnellement badin et elle joue le rôle de la « vierge effarouchée », séduite par le Prince, et celui-ci s’en délecte (« C’est trop joli. Continuez. »). Il n’a pas choisi cette pièce par hasard.

- Les moqueries du comte à l’égard de Hortensia, supposée être sa « maîtresse » dans la pièce

B/ Lucile : la jeune fille pauvre et pure

- voir l’ingénuité de ces répliques marivaudiennes : elle joue le rôle de la jeune fille pure et innocente. Rôle en adéquation avec sa personnalité.

- L’incapacité à distinguer le jeu du « réel » (qui est certes également un jeu ici) : voir la réplique de « La Comtesse au Comte » qui indique que Lucile ne fait pas vraiment la différence entre la pièce qu’elle joue et son comportement dans la pièce d’Anouilh

- L’absence de commentaire de Lucile sur son propre jeu et sur la pièce en général : elle est enfermée dans un seul schéma discursif, et sa non-maîtrise de la parole forme les prolégomènes à son asservissement au discours du Comte

C/ Le libertinage mondain : un pastiche du marivaudage

- Hortensia et son amant, le Comte, semblent diriger de concert la débauche future de Lucile : référence intertextuelle à Valmont et Merteuil (personnages des Liaisons dangereuses de Laclos)

- Les moqueries intelligentes et autres jeux d’esprit : jeu sur la « sincérité », sur les « tontons », sur le « fiel sous le sourire » à la fin de l’extrait. Montrer en quoi ces deux personnages semblent appartenir à un milieu bien particulier auquel Lucile n’a pas accès (on parlera de sociolecte : http://fr.wikipedia.org/wiki/Sociolecte)

- La représentation théâtrale comme divertissement mondain : voir le contexte dans lequel s’inscrit cet extrait : cette pièce est censée être l’apogée d’une fête organisée par le Comte dans son château de Ferbroques.

- Cette pièce pastiche ainsi en un sens le marivaudage des pièces de Marivaux

La

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