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Commentaire sur Rhinocéros de Ionesco

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ar les didascalies. Arrivent alors le Vieux Monsieur et le Logicien. Leur conversation se déroule, imbriquée dans celle des deux premiers locuteurs. En effet, le raisonnement concernant le fonctionnement du syllogisme, qui intéresse le Vieux Monsieur et le Logicien (l. 22 à 28), se trouve entrecoupé (l. 26) d'une constatation désabusée de Bérenger concernant la difficulté à vivre. Ensuite (l. 29 à 44), l'échange entre ce dernier et Jean prédomine, interrompu par deux répliques émanant de l'autre couple (l.32-33). Ici, les deux conversations semblent coïncider, comme si le Vieux Monsieur répondait à Jean : JEAN - ... vous n'avez aucune logique, LE VIEUX MONSIEUR - C'est très beau la logique. Enfin, le dialogue concernant les syllogismes se poursuit (l.45 à 49).

Le jeu scénique

Un jeu scénique vient souligner cette interférence entre les deux couples, comme le signifient les didascalies (" un bras de Jean heurte... le bras du Logicien "). Il est notable que c'est Jean qui entre, physiquement donc ostensiblement, en contact avec le Vieux Monsieur et le Logicien, à l'instant même où lui se trouvait dans une posture ridicule, les bras levés. La bousculade revêt une signification symbolique, apparente Jean aux deux personnages grotesques. Elle suscite, par ailleurs, un bref échange de politesse entre eux trois (l. 14 à 17) : le Vieux Monsieur s'adresse par deux fois à Jean (l. 14 et 17), tous deux se demandent pardon (l. 14-15). C'est là le seul point de rencontre entre les personnages ; le reste de la scène présente deux conversations parallèles aux thèmes et préoccupations différents.

Les similitudes

Toutefois, leurs propos offrent des similitudes en témoignent la répétition des formules d'excuse (l.14 à 17), reflétant la politesse mécanique mais ne constituant pas un véritable échange. En outre, lignes 31-32 (nous l'avons noté), les deux conversations portent sur le même thème, " la logique " alors que Jean vient de reprocher à Bérenger son manque de logique (l. 31), le Vieux Monsieur affirme au Logicien son admiration pour celle-ci (l.32), semblant renchérir, compléter les propos de Jean.

Les contrastes

Des contrastes ou des différences d'un dialogue à l'autre sont néanmoins perceptibles.

Jean et Bérenger traitent de la difficulté de vivre comme en témoignent les champs lexicaux de la peur, du fardeau, de la vie elle-même (que nous détaillerons ultérieurement). Ils expriment donc des soucis profondément humains. En revanche, le Vieux Monsieur et le Logicien discutent de syllogismes absurdes, plus soucieux du fonctionnement démonstratif que de la vérité. En effet, le Logicien procède rationnellement: il propose d'abord " un exemple de syllogisme ", soucieux d'illustrer concrètement le processus logique. Son discours est émaillé de charnières articulant les différentes étapes d'un raisonnement (" voici donc ", " donc ", " mais ", " à condition "). Enfin, il procède par affirmations, à l'aide de phrases brèves, de définitions comme en témoigne la récurrence de l'auxiliaire " être ". Ces certitudes reposent sur le fonctionnement même du syllogisme, exposé par deux fois (l. 22-23 et 45-46). A partir de deux constatations initiales, l'une générale (" le chat a quatre pattes " ou " tous les chats sont mortels "), l'autre particulière (" Isidore et Fricot ont chacun quatre pattes ", " Socrate est mortel "), ils aboutissent à une déduction considérée comme infaillible (" Donc Isidore et Fricot sont chats ", " Donc Socrate est un chat "). Ces exemples soulignent la rigidité du raisonnement mais aussi son aberration puisque l'on débouche sur des non-sens.

Deux couples évoluent donc sur scène, l'un apparemment plus désincarné que l'autre. En effet, les deux premiers personnages, dotés d'une identité, se démarquent des deux autres, dont les appellations désignent plus des fonctions que des personnes. Ceux- ci traitent de questions dérisoires, contrepoint comique à la gravité des deux amis. Dès lors, on peut voir dans le Vieux Monsieur et le Logicien les doubles grotesques de Jean et Bérenger. Mais peut- être auront-ils une autre utilité l'absurdité de leurs propos ne risque-t-elle pas de contaminer les discours sérieux des deux autres ? C'est pourquoi il nous faut tout d'abord nous attarder davantage sur les paroles proférées par Jean et Bérenger, les informations qu'elles apportent sur chacun.

L'OPPOSITION ENTRE LE DOUTE ET LA CERTITUDE, À TRAVERS LES PERSONNAGES DE JEAN ET DE BÉRENGER

Le personnage de Bérenger, ses caractères spécifiques

• L'angoisse. Exprimée sous forme de craintes, d'un malaise vague, comme le prouve la récurrence de certains termes (" ça ne va pas ", " avoir peur ", " angoisse ", " je me sens mal à l'aise "), elle est la cause de ses abus d'alcool qui lui fournissent un apaisement (l.5).

L'idée de lassitude physique vient préciser ce malaise. Elle s'exprime grâce à la répétition du participe " fatigué ", et à l'image de la pesanteur (" je sens... mon corps, comme s'il était de plomb ", " le fardeau ", " me pèse ").

Diverses souffrances morales sont en outre énumérées : le refus de soi ("je ne sais pas si je suis moi "), la peur de la solitude, d'autrui, et de la vie en général (" La solitude me pèse. La société aussi ", " c'est une chose anormale de vivre "). En effet, l'existence se réduit à une " chose ", extérieure, étrangère, " anormale " puisque la mort, omniprésente, plane (" les morts sont plus nombreux que les vivants. Leur nombre augmente "). Cette prise de conscience de l'étrangeté de la vie explique le refus de soi ou plus exactement la crise d'identité qui déchire Bérenger (" je me demande moi-même si j'existe ! ").

• L'incertitude. Le discours de Bérenger, marqué par le doute, les hésitations, les remises en cause révèle un personnage en crise. L'incertitude omniprésente est signalée grâce aux négations répétées (" je ne sais pas trop ", " je ne sais pas si "), aux adverbes (" à peine ", " peut-être ") et à l'interrogation indirecte (" je me demande... si... ") exprimant l'indécision. Une contradiction apparente (" La solitude me pèse. La société aussi ", l. 29) et une aberration (" c'est une chose anormale de vivre ", l.34) soulignent les errances du personnage, à la fois hésitant et affirmatif. Cette dualité se retrouve par ailleurs dans le retour insistant (nous l'avons vu) des formules dubitatives, opposé à une tournure brève, assertive (" c'est une chose anormale de vivre ") pour exprimer le mal de vivre.

• La difficulté de vivre. Récurrente, l'idée de difficulté est suggérée grâce à un adjectif (" difficiles à... "), des locutions verbales (" j'ai du mal à... ", " j'ai à peine la force de ... "), des comparaisons (" comme si... ou comme si ... "). Elle traduit, certes, la faiblesse de Bérenger mais surtout renforce ses douloureuses interrogations face à la complexité, parfois absurde, de l'existence, dont il a confusément conscience. La difficulté à assumer son propre corps, à affermir sa pensée proviennent du sentiment d'étrangeté d'un personnage destiné à subir une vie dont il ne connaît pas la signification. Ainsi, la récurrence de termes connotant tous le souci existentiel (" être soi ", " devenir ", " vivre ", " morts ", " vivants ", " existe ") traduit clairement ses préoccupations.

Le personnage de Jean

Il apparaît plus solide, convaincu et simple.

• Des affirmations assurées. On note ainsi une série d'oppositions entre les deux personnages. Aux hésitations de Bérenger répondent les affirmations de Jean (l.8), étayées de définitions, d'explications toutes faites. Face aux doutes et à la " pesanteur " de son interlocuteur, il revendique l'optimisme, comme en attestent la reprise de l'adjectif " léger " (l. 12) et son " rire " (l. 40), renchéris par la répétition du mot " force " (l. 19) : il se veut donc à la fois insouciant et solide car il a confiance en lui-même.

En outre, cette conviction lui permet de corriger les errances intellectuelles de Bérenger, en recourant à l'esprit rationnel et méthodique, exprimé notamment par ces phrases : " Vous vous contredisez. Est-ce la solitude qui pèse [...] vous n'avez aucune logique " (l. 30-31) ; " Au contraire [...] tout

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