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Grands Enjeux Contemporains - De l’Université aux universités

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Par   •  14 Octobre 2016  •  Dissertation  •  2 933 Mots (12 Pages)  •  1 452 Vues

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Grands Enjeux Contemporains

De l’Université aux universités

Selon Durkheim, quelle que soit l’œuvre scientifique des universités, ce sont avant tout des établissements d’éducation qui ont un rôle décisif à jouer dans la vie morale du pays. Si le peuple est en relation continue avec les universités, « il ne songera même pas à se demander à quoi elles peuvent servir et si elles ne sont pas une sorte de luxe dont il pourrait à la rigueur se passer ». L’université est l’une des plus anciennes institutions. Elle était, au Moyen-Âge, l’institution ecclésiastique chargée de l’enseignement et a évolué pour devenir les universités que nous connaissons aujourd’hui. Parler du passage de l’Université aux universités renvoie au double développement qui a eu lieu dans la dernière moitié du XXe siècle. Non seulement les établissements se sont multipliés mais ils accueillent également de plus en plus d’étudiants. L’Université représentait alors la théologie, l’éducation de la théorie pour devenir une pluralité d’universités enseignant aussi bien la théorie que la pratique ; insistant sur le milieu professionnel. Non seulement les universités ont évolué mais la société et le contexte historique également. C’est donc une « nouvelle » institution dans une nouvelle société. Dès lors, dans quelle mesure le corpus de texte proposé met en lumière les changements auxquels doit faire face l’université du XXIe siècle ?  Nous verrons l’évolution des fonctions de l’université puis en quoi cette dernière est confrontée à de multiples enjeux actuels.  

I - L’évolution des fonctions propres à l’université

        A -  Des changements en terme d’éducation

Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle on a  assisté à une transformation des fonctions sociales et des objectifs d’éducation des universités. L’université est passée d’une formation d’une élite restreinte destinée à travailler dans les professions libérales à une éducation sous forme d’une formation pluridisciplinaire, articulée autour de nombreuses connaissances qui permettent aux étudiants de se présenter sur différents marchés du travail. L’université a donc aujourd’hui pour but de professionnaliser ses étudiants. L’Université était étroitement associée à la classe dirigeante c'est-à-dire qu’elle était principalement un lieu de transmission d’un code culturel. Or, de nos jours, les universités deviennent de plus en plus articulées autour d’un but stratégique qui est davantage celui de l’élaboration de connaissances. On passe également d’une étude de la science théorique à une étude qui permet d’appliquer des organisations scientifiques à la société actuelle. Selon Stefan COLLINI dans le texte What Universities Are For ?, l’éducation à l’université est passée d’une pédagogie traditionnelle à une pédagogie intégrant de plus en plus de nouvelles technologies et des formes d’e-learning comme par exemple les Massive Open Online Courses ; cours accessibles à tous les internautes pour un nombre illimité de participants et qui se clôturent par l’obtention d’un certificat dont parle Pascal ENGEL. De plus, toujours selon les observations de COLLINI, l’université au sens actuel a pour objectif d’éduquer la population nationale mais également d’échanger et de communiquer son savoir à l’étranger pour qu’il bénéficie à d’autres et qu’elle bénéficie de cet échange. Il souligne que l’université, en terme d’éducation, n’a plus pour unique fonction d’enseigner des théories aux étudiants mais doit d’aider les individus à se placer dans la société et dans les relations sociales. C’est d’ailleurs le point commun entre les universités et les musées. L’université ne peut se laisser aller à la tendance actuelle à « faciliter » les choses aux individus en les rendant faciles à comprendre et à appréhender car, par cette vulgarisation, l’université rabaisserait sa fonction éducative. La réflexion personnelle et la capacité d’analyse ne peuvent s’exprimer et s’exercer si les étudiants sont toujours confrontées à des choses intellectuellement facilement accessibles. Enfin, il explique que, malgré les changements de la société qui ont fait évoluer les fonctions de l’université, cette dernière n’a pas uniquement pour vocation de former la nouvelle génération pour qu’elle contribue à l’économie mais pour qu’elle soit capable de comprendre et d’appréhender le monde par elle-même même si cela se fait nécessairement par l’apprentissage de compétences qui pourront être utiles dans les futurs emplois de cette nouvelle génération. Néanmoins, pour COLLINI, l’aspect important des universités est d’ouvrir les esprits des étudiants. DERRIDA dans L’Université sans condition explique que « l’université moderne devrait être sans condition » c'est-à-dire que l’université devrait être libre de tout enseigner, autrement dit toute connaissance, qu’importe le domaine, qui nécessite une recherche et un investissement visant à aboutir à une vérité. L’université est le lieu privilégié de discussion et d’apprentissage qui vise à atteindre la vérité, le vrai savoir dans les différentes disciplines. Dans cette nouvelle société marquée par la mondialisation, il est selon lui plus juste de parler de « nouvelles » universités. Cette recherche et cette étude doivent être la fonction principale de l’université moderne et ne peuvent prendre place que dans les universités, non pas pour que cette connaissance reste enfermée dans le cadre universitaire, mais, au contraire, pour que le cadre de l’université se mette au service de la connaissance en donnant accès aux nouvelles technologies de communication, aux outils de recherche perfectionnés et à des ressources permettant la production de savoir qui y sont réunis. Néanmoins il est conscient que cette université parfaite et « sans condition » n’existe pas alors même qu’elle devrait être le moyen le plus important pour lutter contre le savoir que l’on nous impose en le remettant en question. La fonction principale de l’université aujourd’hui devrait être de tout remettre en question pour nous aider à prendre du recul face aux idées préconçues.

        B – Une position différente au sein de la société

De même que les fonctions éducatives, les fonctions et les modes organisationnels ont évolué. Se pose alors la question du nouveau financement des universités, des cursus suivis par les enseignants embauchés, de la sélection des étudiants, des types de diplômes que les universités permettent d’acquérir, etc. D’après l’analyse de COLLINI dans What Universities Are For ?, les études supérieures étaient vues comme un bien public, c'est-à-dire un bien dont l’usage procure à l’ensemble de la collectivité des avantages biens supérieurs à leur coût. Or elles sont désormais de plus en plus vues comme un bien privé par la société. De plus, l’éducation supérieure auparavant vue comme nationale est aujourd’hui une extension de la mondialisation et résulte d’une convergence des systèmes et pratiques d’éducation entre pays. L’université a subi des changements qui lui ont donné une place plus importante au sein de la société en cela qu’elle a poussé au développement du prestige universitaire ainsi qu’à celui des marchés pour les étudiants universitaires. COLLINI étudie aussi la position de l’institution universitaire par rapport à l’Etat et remarque que l’université - anciennement alliée du gouvernement, jouissant d’accréditations nationales et de beaucoup de subventions – est aujourd’hui considérée comme une adversaire du gouvernement et a vu les subventions étatiques baisser, ce qui a poussé à une augmentation des frais d’inscription et une diversification des sources de financements. En effet, l’université n’est plus une institution liée à l’Etat comme elle a pu l’être mais, au contraire, est de plus en plus privatisée car financée par de nombreux acteurs privés telles que des entreprises, devenant alors presque une « entreprise de l’éducation ». Les fonctions éducatives de l’université jouent aussi un rôle sur son positionnement dans la société. En effet, comme on l’a vu, DERRIDA attend de l’université que cette dernière se fasse un devoir d’assurer la liberté inconditionnelle pouvant se manifester par des questionnements, des propositions, en somme le droit de tout dire publiquement. Elle serait alors le lieu privilégié de la discussion et de la réflexion. Non pas comme un enfermement ou un isolement du monde mais au contraire comme un nouvel espace public dont le but premier serait la vérité, en tant qu'essence même de l'Homme. Les fonctions de résistance, de liberté, d’autonomie, de dissidence seraient donc celles propres à l’Université et à sa position par rapport à la société. La conséquence de cette idée est que, l’université, en réfléchissant sur tous les pouvoirs et les idées de la société, serait en conflit avec les différents pouvoirs qui délimitent aujourd’hui notre société et ses valeurs. 

L’université, loin de disparaître, intègre ces changements et évolue autour des nouveaux enjeux auxquels elle fait face. Quels sont alors ces nouveaux enjeux ?


II – Une nouvelle université confrontée à de multiples enjeux et défis

        A – Des problématiques de gestion dans la société actuelle : une position sociale de plus en plus compliquée pour l’université

Les universités sont au centre de la société, au cœur de relations entre beaucoup de pouvoirs qui veulent s’en emparer, les influencer. De plus, on a vu que les modes d’organisation avaient évolué et cela transforme l’institution de l’université dont la gestion interne devient plus difficile car elle prend aujourd’hui en charge des tâches de plus en plus diversifiées, doit s’adapter aux rapides changements économiques et sociaux et doit faire face à la concurrence des autres universités. Selon DERRIDA, l’université devrait pouvoir tout « déconstruire » en réfléchissant sur n’importe quel sujet et partager le fruit de ses recherches. Pourtant cela n’a jamais été le cas et ne peut pas l’être aujourd’hui car l’université est à la fois contre le pouvoir mais aussi entourée de multiples pouvoirs qui essaient de l’influencer et qui la commandent : elle n’a donc pas de réel pouvoir, elle est étroitement liée aux différents pouvoirs de la société et ne peut, dès lors, être considérée comme une institution extérieure à ces relations de pouvoir qui peut se permettre de tout questionner librement, en toute indépendance. Cette université, censée être libre, est alors très vulnérable à tous les pouvoirs qui l’entourent car elle n’en possède elle-même aucun pour se défendre de leur influence. Ce problème est d’autant plus central aujourd’hui que l’on a vu un changement dans le financement des universités. En effet, ces dernières sont souvent soutenues par des financements privés et sont donc sous l’emprise de sociétés privées puissantes qui influent sur l’université et donc sur l’organisation, la recherche et l’apprentissage. Se pose donc le problème de l’indépendance de l’université qu’elle est censée posséder et revendiquer. Cette indépendance peut-elle réellement exister au vu des pouvoirs qui cherchent à s’emparer de ces institutions ainsi que des pouvoirs qui influent, par le financement, sur les universités ? Il est alors nécessaire que les universités résistent à ces risques de « capitulation sans condition ». La liberté de tout dire qui devrait, comme on l’a vu, être la caractéristique de l’université est, dans les faits, compliquée à appliquer. De plus, selon COLLINI, les universités sont un problème pour l’Etat et, pour ce dernier, les deux seules justifications des universités qui pourront être acceptées  par l’électorat sont la formation de future main d’œuvre et de futurs employés et les avantages qui peuvent provenir de la recherche dans différents domaines comme la médecine. Une autre justification qui devrait prendre de l’importance au sein de la société mais qui, pour le moment, n’est que secondaire est la socialisation civique de la population. En effet, les universités inculquent les normes de ce qui est un « bon comportement citoyen ». Mais malgré cela la société est sceptique car elle ne peut contrôler ce qui se passe réellement dans l’éducation supérieure. Beaucoup de procédés sont mis en place pour rassurer l’opinion publique sur la qualité de l’éducation fournie mais malgré cela, et même si la plupart font confiance à ces rapports sur l’éducation, la société n’a aucun réel moyen de regard sur ce qui se passe réellement dans une université. Toujours selon COLLINI, un autre aspect de l’attitude défensive de la société face aux universités est qu’elles insistent sur la constante amélioration de l’éducation. Pour les universités il faut toujours faire mieux or, selon la société, cette course à l’excellence pourrait faire « perdre » cette excellence à force d’essayer de l’améliorer. Pourquoi ne pas garder en l’état ce qui fonctionne déjà ? Enfin, le problème des universités au sein de la société est qu’elles sont trop comparées à des entreprises et elles se comparent à des entreprises alors qu’elles ne devraient ni être en compétition, ni essayer de se « vendre ».

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