Jean Paul Sartre
Compte Rendu : Jean Paul Sartre. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresl'on surgit – ce qui n'aurait point de sens – mais se choisir dans le monde, quel qu'il soit. » On peut ainsi être libre au milieu d'une guerre, dans un camp de travail, en prison ou même en montant sur l'échafaud. La liberté est toujours en situation, mais elle ne dépend pas de cette dernière. Elle a, dans la nature humaine, une assise plus profonde.
Mais pourquoi Sartre va-t-il plus loin en affirmant que « nous n'avons jamais été aussi libres que sous l'Occupation » ? Les années de paix se placent-elles en dessous des années noires, sous ce rapport ? « Puisque le venin nazi se glissait jusque dans notre pensée, chaque pensée juste était une conquête », « puisque nous étions traqués, chacun de nos gestes avait le poids d'un engagement », poursuit Sartre dans l'article. Vivre sous l'Occupation, c'est être exposé en permanence au danger ; c'est avoir, à chaque seconde, la conscience d'être vulnérable et mortel. Les actes, les paroles, les pensées prennent dès lors un poids qu'ils n'ont pas d'ordinaire. En temps de paix, nous accordons moins de prix à la liberté : tel est ici le paradoxe pointé par le philosophe.
Agaçante, la phrase de Sartre s'éclaire peu à peu… Comment l'intellectuel lui-même s'est-il comporté sous l'Occupation ? Son attitude a fait l'objet de maintes polémiques. Précisons cependant que le tableau n'est pas aussi noir que le voudraient ses détracteurs, ni aussi blanc que le décrivent ses hagiographes. À son débit : Sartre a fourni quelques textes à l'hebdomadaire collaborationniste Comoedia ; il a composé avec les forces occupantes pour faire jouer deux de ses pièces, Les Mouches en 1943, Huis clos en 1944 ; il n'a pas refusé de se voir attribuer, au lycée Condorcet, le poste du professeur de philosophie Henri Dreyfus-Lefoyer, mis à la retraite forcée par les lois antisémites de Vichy. À son crédit : Les Mouches sont une exaltation de l'insoumission et Huis clos, une injure à la conception vichyssoise des bonnes moeurs ; dès 1941, en compagnie de Maurice Merleau-Ponty et de Simone de Beauvoir, il a créé Socialisme et liberté, un groupe de résistance intellectuelle au nazisme ; il a sillonné la France à bicyclette pour distribuer des tracts. S'il n'a pas pris les armes à l'instar d'un Jean Cavaillès ou d'un Georges Canguilhem, il a toujours vu dans le régime de Pétain un ennemi à combattre. Son morceau de bravoure n'est d'ailleurs peut-être pas à chercher du côté de l'action. À l'heure du triomphe du totalitarisme nazi en Europe, la parution de L'Être et le Néant, une oeuvre aussi ambitieuse, affirmant la valeur de l'existence et l'expérience de la liberté, est à elle seule remarquable.
BIBLIOGRAPHIE
340-102 Les conceptions de l’être humain (Jean-Paul Sartre), Recueil de texte par Raymond Dionne.
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