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Commentaire de l’arrêt CEDH, AFFAIRE HANDYSIDE c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976

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Par   •  22 Avril 2020  •  Commentaire d'arrêt  •  1 913 Mots (8 Pages)  •  2 859 Vues

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Commentaire de l’arrêt CEDH, AFFAIRE HANDYSIDE c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976

« Je suis Charlie », ce slogan a été revendiqué par des millions de personnes défendant la liberté d’expression au lendemain des attentats contre la rédaction de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo.

Cet évènement, comme tant d’autres, ont ranimé les débats autour de la liberté d’expression et notamment concernant ses limites.

L’arrêt CEDH, AFFAIRE HANDYSIDE c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976 avait permis d’élargir le champ d’application de la liberté d’expression.

En l’espèce le requérant, M. Handyside, avait été condamné en Angleterre en juillet 1971 en vertu des lois de 1959 et 1964 sur les publications obscènes pour avoir publié et distribué une édition en langue anglaise du petit livre rouge à l’usage des écoliers (The little red school book). En outre, quelque 10% de son stock de livres avait été saisi. Ce livre, paru d’abord au Danemark puis, après traduction, dans treize pays d’Europe, était destiné à des écoliers de douze à dix-huit ans, critiquait l’autorité, comportait des renseignements et des conseils explicites en matière sexuelle. En octobre 1971, une nouvelle édition anglaise fut publiée et distribuée sans entrave.

Il était alors condamné pour obscénité et incitation à une sexualité précoce au Royaume Uni, le livre était ensuite confisqué, pilonné et l’Editeur sanctionné pécuniairement d’une amende.

M. Richard Handyside, en qualité de requérant, avait saisi la Commission européenne des Droits de l'Homme sollicitant une décision de celle-ci sur le point de savoir si les faits de la cause révélaient ou non, de la part de l'État défendeur, un manquement aux obligations qui lui incombent aux termes de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales consacrant le droit à la liberté d’expression.

La Cour a estimé que la question de savoir si les personnes qui ont exercé leur droit à la liberté d’expression se sont acquittées des devoirs et responsabilités que leur reconnaît l’article 10 paragraphe 2 relève de la marge d’appréciation de chaque Etat, que la portée de ces devoirs dépend des circonstances de l’espèce ainsi que du mode d’expression utilisé et qu’il était fondé de considérer la condamnation et la saisie comme nécessaires

Il est ici question d’observer la consécration jurisprudentielle du principe de liberté d’expression au service d’une protection accrue (I) puis d’étudier une première définition du régime des mesures de restriction de la liberté d’expression (II)

I/ La consécration jurisprudentiel du principe de liberté d’expression au service d’une protection accrue

Il s’agit d’analyser le contrôle de l’atteinte porté à la liberté d’expression par la Cour (A) puis de constater la consécration de la définition du champ d’exercice de la liberté d’expression(B).

  1. Le contrôle de l’atteinte porté à la liberté d’expression par la Cour 

« La liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels de pareille société ».

La liberté d’expression est d’abord le droit d’exprimer des opinions, des idées et des croyances intimes. D’un côté, elle est liée à la liberté de conscience qui a été au cœur de la Réforme en Europe dès le XVIe siècle, d’un autre côté, elle est liée à la liberté de communiquer des opinions, d’échanger des arguments, de débattre publiquement. Le lien avec la démocratie devient évident, elle est la condition essentielle de la participation politique et de la capacité pour les citoyens de défendre leurs droits et de protester contre ce qu’ils considèrent, à tort ou à raison, comme injuste. En démocratie chaque individu doit avoir le droit d’avoir des opinions quelles qu’elles soient de les exprimer de les propager.

Par cette décision, la Cour européenne des droits de l’homme, dans son « rôle de surveillance » fait de la liberté d’expression qu’elle assimile à l’un des principes propres à une société démocratique une pierre angulaire du droit européen.

Dans la continuité de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, repris par l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux prévoit que toute personne a droit à la liberté d'expression, ce droit comprenant la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière, la Cour définit la liberté d’expression comme l’une des conditions de base pour le progrès d’une société démocratique et pour développement de chaque individu. 

  1. La consécration de la définition du champ d’exercice de la liberté d’expression

La formulation adoptée par la Commission lui permet d’interpréter le principe de liberté d’expression de manière extrêmement large, intégrant ainsi la liberté de la presse, l’art ou encore le discours politique.

En effet, l’arrêt prévoit que « la liberté d’expression vaut pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent. » Autrement dit, les opinions, tribunes ou œuvres susceptibles de choquer et de susciter l’indignation sont en principe permis et bénéficient d’une « présomption » de conformité 1 à la convention. C’est au nom de cette conception large de la liberté d’expression que la Cour juge que la liberté journalistique comprend le recours possible à une certaine dose d’exagération, voire de provocation 2 et que les autorités d’un Etat démocratique doivent ainsi tolérer la critique y compris lorsqu’elle peut être considérée comme provocatrice ou insultante.

Il est ici possible de formuler une critique de l’arrêt qui soutient la décision prise par les juges nationaux. En effet la manifestation d’idées qui heurtent, choquent ou inquiètent est protégée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. C’est la raison pour laquelle il est particulièrement préoccupant qu’une juridiction censée dire le droit des droits de l’homme se permette de cautionner l’attitude d’États qui ont censuré des films ou des livres uniquement parce qu’ils heurtaient la sensibilité d’une partie.

Outre « les idées », la formulation adoptée par l’arrêt évoque « les informations », dégageant ainsi le droit à l’information dans une société démocratique. Ainsi, c’est au nom de ce droit à l’information que la Cour juge qu’il incombe à la presse de communiquer des informations et des idées sur les questions politiques 4 et d’intérêt public 5 et de jouer, dans le respect de ses devoirs et de ses responsabilités, son rôle indispensable de « chien de garde. » 6

L’exercice de la liberté d’expression peut néanmoins être soumis à des conditions, formalités, restrictions et sanctions, « proportionnées au but légitime poursuivi » (II).

II/ Une première définition du régime des mesures de restriction de la liberté d’expression  

Il est ici question d’observer la consécration du critère de proportionnalité des mesures de restriction (A) puis d’étudier la naissance du critère du but légitime poursuivi comme actuel fondement de la lutte contre les discours de haine et d’atteinte aux droits d’autrui (B).

A/ La consécration du critère de proportionnalité des mesures de restriction

La formulation de l’arrêt évoque néanmoins des réserves, établies par le paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

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