Frédéric II de Hohenstauffen et la papauté
Dissertation : Frédéric II de Hohenstauffen et la papauté. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Claire Hasnier • 14 Novembre 2016 • Dissertation • 5 160 Mots (21 Pages) • 1 693 Vues
Frédéric II et la papauté
« Etre césar dans le pays des césars, la terre d’origine de l’empire, c’était là pour lui et pour l’univers l’ultime accomplissement (…) si Rome était, non seulement au sens spirituel du terme mais dans le sens politique et réaliste, la capitale effective de l’Italie et de l’empire romain, la souveraineté des césars redevenait tangible et, en même temps, l’empire atteignait son achèvement conformément aux exigence du temps ». Voilà comment Ernst Kantorowicz dans son ouvrage Frédéric II, devenu une référence qualifie Frédéric de Hohenstaufen qui régna sur le Saint-Empire de 1220 à 1250 et qui fut roi de Germanie, de Sicile et de Jérusalem. Homme lettré parlant au moins six langues, il fut le 2ème homme à reconquérir les lieux saints de la chrétienté et ceux pacifiquement. Dernier empereur de la dynastie des Hohenstaufen, il devint une légende. De ses contemporains, il reçut les surnoms de Stupor Mundi (la « Stupeur du monde ») et de « prodigieux transformateur des choses ». Son règne est surtout connu pour la transformation par plusieurs traités de l’organisation administratives du Saint Empire et sa lutte acharnée avec la papauté. Du pape Innocent III, son tuteur, au pape Innocent IV, cinq papes rentreront dans une lutte avec l’empereur désireux de retrouver la gloire de l’empire romain.
Comment une pupille de la papauté a-t-elle pu devenir un empereur en lutte permanente avec le sacerdoce au point d’être qualifié par l’église d’ « antéchrist » ? Dans une première partie, nous aborderons le rêve d’empire de Frédéric II qui finira excommunié puis nous parlerons de l’étrange croisade de l’empereur en terre sainte et contre la papauté
- Frédéric 2 ou le rêve excommunié
- Naitre empereur ou le devenir ?
Frédéric II est né en 1194 de l’union de l’empereur allemand Henri VI et Constance, reine de Sicile. Très tôt orphelin, héritier de deux royaumes donc porteur de deux couronnes, il est confié à la tutelle du pape Innocent III. Innocent III soutient l’idée que le pape détient seul l’auctoritas des Romains c’est-à-dire l’entière souveraineté. Les princes possèdent quant à eux la potestas, c’est-à-dire la puissance politique qui leur est donnée directement par Dieu qui ne leur permet pas de se soustraire à l’autorité pontificale. Le pouvoir spirituel est donc supérieur au pouvoir temporel mais Innocent III, limite l’intervention pontificale à trois cas : un grave péché des princes, la défense des biens ecclésiastiques et la nécessité de trancher dans un domaine où nulle juridiction n’est compétente. C’est la doctrine appelée des deux glaives.
Frédéric II dispose en théorie d’un pouvoir temporel immense mais, dû s’en emparer de longue lutte comme le souligne un écrit attribué à Nicolas de Jamsilla « alors qu’il était mineur, après la mort de ses parents, il vécut comme un agneau au milieu des loups, parmi les tyrans qui déchiquetèrent sa personne et ses biens, sous la seule protection de la main du Seigneur ». Plusieurs problèmes se posent. Tout d’abord, l’unification institutionnelle d’un empire composite associant une monarchie élective en Allemagne, une monarchie héréditaire en Sicile et plusieurs territoires inféodés. De plus, l’empire encercle les états pontificaux qui voient d’un mauvais œil ce territoire qui pourrait nuire à leur pouvoir. Le jeune âge de Frédéric II ainsi que le morcellement du royaume créa durant la régence de l’empire par Innocent III, une période d’instabilité avec une forte lutte pour le pouvoir. En Allemagne, on assista ainsi à une lutte acharnée pour succéder à Henri VI entre les Welfs et les Staufen soutenant respectivement Otton de Brunswick et Philippe duc de souabe, frère du défunt. Innocent III profita de cette division autour du nouvel empereur pour réaffirmer la supériorité de la papauté. Dans le Per Venerabilem de 1202, il affirma qu’en cas de contestation de l’élection impériale, la décision finale appartient au pape.
Parallèlement à ce conflit, Frédéric épousa constance, veuve du roi d’Hongrie et sœur de Pierre d’Aragon en octobre 1208. Le 26 décembre de la même année, il atteint l’âge de 14 ans ce qui lui permit d’exercer ses droits de souverain. Il s’opposa tout de suite à son ancien tuteur au sujet de l’élection de l’archevêque de Palerme avant de se résigner. La mort de Philippe de Souabe et le mariage de Otto avec la fille de ce dernier, réconciliant les Welfs et les Staufen, marginalisa par là-même Frédéric II dans l’accession à la tête[a] de l’empire. Déçu par le caractère indomptable de Frédéric II, Innocent III couronna le 4 octobre 1209, Otton de Brunswick, empereur. Très rapidement celui-ci passa outre ses engagements envers les états pontificaux et fut excommunié le 18 novembre. Frédéric II fut alors élu en Allemagne pour récupérer le trône, mais ce dernier ne connaissant pas l’Allemagne et ne disposant de peu de forces militaires hésita selon sylvain Gouguenheim à reprendre le trône laissé par son père. W. Sturner voit dans sa décision « la preuve de la conviction profonde du jeune roi d’être soutenu par dieu qui, par l’intermédiaire des princes allemands, lui montrait la voie ».
En voyage en Allemagne en 1212 pour imposer ses droits, Frédéric II donna plus de liberté aux princes grâce à deux actes : le Statutum in favorem principum pour les princes temporels et le Confoederatio cum principibus ecclesiasticis pour les ecclésiastiques. Ces privilèges furent le début de la formation des États à l'échelle des territoires impériaux dans la dernière partie du Moyen Âge. A propos de confederatio cum principus ecclesiastias KANTOROVICZ parle d’un abandon partiel de la souveraineté royale puisque « la mise au ban de l’église entrainait d’emblée et tout à fait indépendamment de l’empereur la mise en ban de l’empire ». Il s’oppose ainsi à KLINGELHOFFER pour qui Frédéric II aurait moins procédé à des concessions que reconnu un état de fait. Ce qui est sûr et que cet acte, premier d’une longue liste contre le pouvoir central de l’église, rendra les relations avec Innocent III tendu.
Il fut néanmoins couronné roi à Aix-la-Chapelle en 1215 après de nombreuses concessions inscrites dans la bulle d’or délivrée à Eger le 12 juillet 1213, dont la séparation du royaume allemand et de Sicile et déjà présentes dans le serment de 1212 lors de la rencontre au palais de Latran : « nous abandonnons à vous, souverain pontife, et aux autres prélats de l’église, toutes les choses spirituelles, car il convient que tout ce qui appartient à césar revienne à césar et ce qui appartient à dieu soit donné à dieu. Nous vous prêterons une aide efficace pour extirper l’hérésie ; nous respecterons la liberté et la sécurité des possessions que l’église romaine a déjà récupérées et nous vous promettons de bonne foi de vous aider à récupérer les autres ». E. Kantorowicz employa ultérieurement une formule qui au vu de la suite des évènements semble approprié « la funeste et tristement célèbre bulle d’Eger ».
Le lendemain de son couronnement Frédéric II annonça vouloir partir conquérir la terre sainte. Pour Pierre Boulle, cela représente une volonté pour l’empereur de s’affirmer « comme l’initiateur de toute possible croisade, d’en prendre lui-même la direction, et surtout ne pas la laisser au Pape, pour qui elle n’était qu’un moyen d’accroitre les territoires et la puissance de l’église » .
- Entre « fils chéri de l’église » et « antéchrist »
Le couronnement à Aix-la-Chapelle n’avait pas dissipé les craintes d’innocent III de la volonté de Frédéric II de rétablir l’unité de l’empire. Il poussa ce dernier à choisir entre l’empire germanique et la couronne de Sicile. La mort subite d’innocent III permit à Frédéric II de repousser sa décision. Honorius III qui succéda à Innocent III exposa ses craintes en 1220 à la veille d’un nouveau couronnement de Frédéric II. Ce dernier venait au mois d’avril de faire élire son fils Henri comme roi des romains, avait convoquer les Grands de Sicile pour renouveler leur serment de fidélité lors de la cérémonie de couronnement impérial et avait remplacé la fusion administrative de l’Allemagne et de la Sicile par une « union personnelle » dont il demeura le maitre, ce qui laissait entrevoir le refus de Frédéric II d’abandonner l’un des 2 royaumes. Frédéric II dissipa ses doutes comme le souligne Sylvain Gouguenheim : « après tout la réunion tant redoutée, si elle s’opérait au profit d’un fidèle serviteur de l’église comme lui, n’était-elle pas un avantage pour le pape ». De plus, les ports de Sicile étaient d’un intérêt stratégique évident pour partir en croisade. Frédéric et Constance furent sacré empereur dans la basilique de Saint pierre le 21 novembre 1220 ce qui parut scellé définitivement la réconciliation entre la papauté et Frédéric II. Celui-ci renouvelle, de plus, sa volonté de partir en croisade pour le 21 aout 1221.
Après le couronnement Frédéric répondit aux craintes du pape. II fonda ainsi l’université de Naples qui remit à l’honneur le droit romain, bannit des universités par la papauté, ainsi que l’école de médecine de Salerne qui autorisait les études sur des cadavres, ce qui est jugé à l’époque satanique par l’église. Il avait également fait un pacte avec les sarrasins qu’il réimplanta sur le continent et les autorisa à prier Allah. Ces épisodes se déroulèrent également durant l’échec de la 5ème croisade à Damiette que le pape imputa publiquement à l’empereur. Six années après son sacre et sa promesse de croisade en terre sainte, Frédéric II n’était toujours pas parti, s’exposant ainsi à l’excommunication. Si la rupture qui paraissait imminente fut éviter de justesse, ce fut grâce aux efforts de Hermann von Salza, chargé par Frédéric II des relations avec la Curie. Après 2 rencontres à Veroli et à Ferentino, fut signé à San Germano un traité in-extremis qui engagé Frédéric « sur le salut de son âme » à se rendre en terre sainte au plus tard le 27 aout 1227 avec un millier de chevalier. E. Kantorowicz a souligné l’habileté diplomatique de Frédéric II, capable de démêler d’un coup plusieurs fils inextricablement associés.
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