Les Médias Et l'Éthique Du Sport
Dissertations Gratuits : Les Médias Et l'Éthique Du Sport. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiress moyens d'information sur l'événement provoque des
phénomènes de fission: les médias sont, dans ce sens, une source d'énergie - pour le meilleur ou pour le pire, selon
les acteurs et les situations.
Tantôt la concentration sur le même écran d'informations dispersées engendre un effet de fusion, ou plutôt de
confusion. A force de placer tous les faits sur le même plan, les médias favorisent un confusionnisme intellectuel et
moral qui inhibe le jugement et désarme l'esprit critique. Ce sont alors des facteurs, non d'énergie mais, tout au
contraire, d'inertie, qui laissent l'opinion sans défense, exposée à tous les amalgames, à toutes les idéologies.
Ce rappel de quelques notions-clés, rapide et, je l'espère, point trop abstrait, était nécessaire pour développer les
analyses que je voudrais maintenant proposer pour éclairer les rapports entre les médias et le sport. Il est peu de
domaines en effet où l'ambivalence des médias, sous ses deux modes d'action - transparence et effet de loupe -
apparaît de façon plus nette.
La compétition sportive, il est banal de le dire, est devenue un spectacle dans lequel l'argent tient une place et a
acquis une visibilité prépondérantes. Et pourtant, jamais le sport n'a été plus populaire, jamais l'athlète n'a réalisé
de performances plus admirables, acquises au prix d'un entraînement sacrificiel.
Tel est le premier constat sur lequel nous devons nous pencher: d'un côté, les médias diffusent la passion du sport
tout en faisant pleuvoir les records; de l'autre, par ce qu'ils révèlent des opacités du sport, ils rabaissent ou du
moins banalisent ce que ce dernier peut avoir de grand et de beau. Il faut, plus que jamais, réfléchir aux effets de
la transparence sur la perception du spectacle sportif.
Le sport occupe, en second lieu, une place centrale dans les enjeux idéologiques de ce temps. Il est devenu, sur les
ruines de la scène politique, le lieu où les aspirations et les ressentiments des peuples s'investissent avec le plus de
force, voire le plus de violence. Comment expliquer ce processus? Si l'on espère le maîtriser, le second mode d'action
des médias - l'accélération des processus sociaux - doit être également repensé et remis en cause...
Le défi est de taille. Car jamais, à mon sens, le sport n'a été davantage menacé par une logique aveugle de devenir
un assassin du rêve et un amplificateur de nos malaises sociaux, à l'opposé de l'idéal olympique et du projet de
Coubertin. Je voudrais reprendre à présent ces deux termes, en déroulant le fil qui conduit de l'un à l'autre.
Transparence:
le soupçon et la violence
Un écrivain que l'on ne cite plus guère pourrait ici nous servir de guide: Henry de Montherlant. En 1972, peu avant
de se donner la mort, l'auteur des „Olympiques“ est revenu sur ce qui avait été la passion de sa jeunesse dans un
très beau livre, „Mais aimons-nous ceux que nous aimons“? S'interrogeant sur ses motivations, il y bascule entre
deux citations. L'une est de Bertrand de Jouvenel qui, rendant hommage à Montherlant, avait écrit ceci: „Les
premiers livres de Montherlant portent témoignage de ce que fut l'effort athlétique pour les adolescents de 1920. Ils apprirent
en s'entraînant la joie de se priver, de se contraindre, de se discipliner. C'est par le biais du sport que la notion de devoir
rentra dans la société occidentale“.
L'autre citation est une mise en garde de Coubertin contre les illusions dont le texte de Jouvenel porte témoignage.
„Il ne faut pas confondre, notait l'illustre baron, le caractère et la vertu“. Fort avisé des tensions inhérentes à la culture du
sport, Coubertin rappelait avec sagesse que les qualités du caractère ne relèvent pas de la morale. Elles ne sont
pas, écrivait-il, du domaine de la conscience. Ces qualités, ce sont le courage, l'énergie, la volonté, la persévérance,
l'endurance. De grands criminels, de franches canailles, de simples voyous les possèdent autant que des hommes
vertueux. Voilà pourquoi la doctrine de la moralisation directe par le sport est fausse et inquiétante. Le sport n'est
qu'un adjuvant indirect de la morale. Contrairement à un mythe apparu en Grande-Bretagne au début du XIXe
siècle, on ne vient pas à bout de la violence urbaine en donnant simplement des cours de boxe, voire, aujourd'hui,
de karaté!
Telle est donc l'ambivalence du sport: d'un côté, une conquête sur soi-même; de l'autre, une domination. D'un
côté, un travail de volonté, de maîtrise de soi; de l'autre, l'agressivité - et nous avons des pages admirables de
Montherlant sur l'agressivité du boxeur. D'un côté, la joie de la victoire pour elle-même, consacrée par les lauriers;
de l'autre, l'appétit de l'argent et du pouvoir - de tout ce qui rend les gens fous. D'un côté la vertu, de l'autre le
rapport de forces... Je n'insiste pas.
Or cette ambivalence est mise en exergue par les médias d'une manière que ceux-ci ne contrôlent plus. Le sport spectacle
a engendré sa professionnalisation de fait; plus il gagne en diffusion, plus il lui faut d'argent; plus il
dépense d'argent, plus il a besoin de drainer des foules. Coubertin pensait avec raison qu'il n'est pas nécessaire de
toucher des foules pour battre des records. L'athlète se situe d'abord par rapport à lui-même et c'est évidemment
une des beautés du sport. Les foules du sport-spectacle ne sont pas ce qui fait tomber les records. Mais elles sont
ce qui engendre l'anxiété, le dopage et la fraude. Elles sont ce qui, sous l'oeil des caméras, fait tomber les athlètes.
On saisit en ce point en quoi les médias tendent à retourner contre le sport son ambivalence. Ils font oublier en
effet qu'on triche plus difficilement avec le sport que dans aucun autre domaine. Quel que soit son degré de fraude,
la compétition sportive ne peut se dispenser des qualités et des prouesses qui créent l'émotion. On peut falsifier les
conditions de la compétition par le dopage ou l'accord préalable. On ne peut cependant montrer n'importe quoi.
Le public, de même, s'avise rarement du fait que les médias finissent toujours par dévoiler ce qu'ils cachent, et que
tous les grands fraudeurs du sport ont été pris „la main dans le sac“. Sa propension est de généraliser, d'estimer
que la défaillance de quelques uns signifie nécessairement la corruption de tous.
Je ne citerai à l'appui que l'exemple pathétique de Ben Johnson, dont la victoire sur Carl Lewis fut, à Séoul, en
septembre 1988, un des moments les plus intenses de l'histoire de l'Olympisme. Faut-il oublier cet instant, parce
que, trois jours plus tard, le malheureux athlète était convaincu de dopage? Faut-il ne retenir de ce dernier que
l'image indigne laissée par le médecin qui se vantait de l'avoir „fabriqué gramme par gramme“?
Ce type de révélation, bien entendu, n'est pas nouveau. On pense au boxeur Ray Famechon, ou à Jules
Ladoumègue, cruellement sanctionné en 1932, ici même, au Havre, pour avoir touché un peu d'argent - sans que,
notons-le, sa gloire n’ait cessé de demeurer
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