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La mendiante rousse

Commentaire d'oeuvre : La mendiante rousse. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  29 Décembre 2017  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 399 Mots (6 Pages)  •  21 040 Vues

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Séquence 2 : Ecriture poétique et quête de sens : du moyen-âge à nos jours.

                       Œuvre intégrale-Les Fleurs du mal, Section Les Tableaux Parisiens, poème 3, édition de 1861

« A une mendiante rousse », Lecture analytique 1

Intro

« À une mendiante rousse » est un poème de Charles Baudelaire (1821-1867) publié dans la section « Tableaux parisiens » des Fleurs du mal.

C’est le troisième poème de la section. Le poète est descendu de sa « mansarde » (celle de « Paysage ») pour se confronter à la vie urbaine. Il se fait alors le chantre d’une réalité jusque-là ignorée ou rejetée par la poésie : celle des foules anonymes, des marginaux et des exclus de la société.

Ce poème illustre ainsi parfaitement la vision paradoxale de l'artiste sur le monde qui l'entoure. Cette pièce parut d’abord dans le journal Le Présent du 15 novembre 1857, avec deux autres de la section des « Tableaux Parisiens » : « Paysage » et « Le Soleil ».

C'est un poème plutôt long dans l'œuvre de Baudelaire. Il est composé de 14 quatrains, donc de 56 vers. Chaque quatrain comporte trois vers impairs (des heptasyllabes) suivis d’un vers pair (un tétrasyllabe).

Problématique :

En quoi ce poème illustre-t-il la vision paradoxale de l’artiste sur le monde qui l’entoure ?

  1. Un éloge paradoxal :

  1. Un blason élogieux :
  • Baudelaire propose ainsi dans ce poème un blason du corps féminin, qui repose sur un champ lexical du corps, présent tout au long du poème : « cheveux v.1, corps v.6, talons v.16, jambe v.19, seins v.23 (vision érotisante de ces 2 éléments), bras v.26 ». Synecdoque du « bras ».

Le blason loue la femme aimée, le plus souvent en prenant pour sujet des parties de son corps.

  • Cet éloge est visible dès le titre « A une mendiante rousse », qui est une dédicace (comme de nombreux autres poèmes des Fleurs du Mal : « A une passante », « A une charogne », « A celle qui est trop gaie » …).
  • Il est visible également dans l’apostrophe finale du vers 56 « Ô ma beauté ! » qui fonctionne comme la chute du poème, l’exclamation venant souligner l’enthousiasme lyrique du poète.
  • On trouve alors un champ lexical de la richesse et de l’ « ornement » (v.53) dans tout le poème (pourtant dédié à une mendiante) : le « velours » v.11, « un superbe habit de cour » v.14, l’or v.19, ou encore l’énumération du vers 54 : « Parfum, perles, diamant ».
  • L’éloge repose sur trois substantifs : « la beauté » v.4, la « douceur » v.8 et la « beauté » au dernier vers. Notons enfin la comparaison hyperbolique « Tes deux beaux seins, radieux / Comme des yeux » v.23-24.

  1. Nouvelle vision du féminin :
  • Cependant, les caractéristiques de la femme évoquée sont surprenantes, en premier lieu la pauvreté, comme en témoigne son habit : « trous » v.2, haillon v13, « bas troués » v.17  et son logement (un « frais réduit » v.40.
  • Cette femme est présentée dès le titre comme « une mendiante », idée qui est reprise dans la 12ème strophe, qui la met en situation, mendiant (= « gueusant ») à la sortie d’un restaurant parisien évoqué par l’antonomase « quelque Véfour », et la plaçant dans le contexte trivial et populaire du « carrefour ».
  • La 2ème caractéristique qui se dégage est celle de la maladie : « corps maladif » v.6 (peut-être syphilitique ?), associée la maigreur « maigre nudité » v.55.
  • Ajoutons enfin que la rousseur était mal perçue à l’époque : connotation diabolique
  • Le portrait est également marqué par la notion de vice (« roués v.18, poignard v.19, péchés » v.22, ou encore l’expression « lorgnant en-dessous » v.49) et l’idée de la prostitution est suggérée (« te déshabiller » v.25).

  1. On comprend que le poète projette son propre univers dans cette vision :
  • « Pour moi » à l’attaque du deuxième quatrain. Pronom tonique.
  • Idée d’appropriation : v.56 adj. Possessif « ma beauté » + tutoiement affectueux. Idéal évoqué à travers le terme « beauté »
  • Registre lyrique associé à une ponctuation expressive (exclamations)influences romantiques
  • Idée également d’identification à cette figure de l’exclusion : « poëte chétif » = « maigre nudité » et « pauvreté », « bijoux dont je ne puis te faire don »v.52 = avant-dernière strophe. Le poète se retrouve dans la mendiante.
  1. Le regard du poète :
  1. Processus d’idéalisation :
  • Le poème s’articule en trois parties. Après l’éloge de la jeune mendiante (3 premières strophes), l’auteur nous plonge dans ses pensées (utilisation du subjonctif : probabilité -strophes 4 à 11), avant de revenir subitement à la réalité (3 dernières strophes) 
  • Le vers 45 signale par le tiret et l’adverbe d’opposition « Cependant » ce retour à la réalité, de même que le passage du conditionnel présent (v.39, 41 et 43) au présent d’actualité.

Ce qui se produit, comme souvent chez Baudelaire, c’est un processus d’idéalisation.

  • Comparaison à « une reine de roman » v.10 grâce à un comparatif de supériorité en faveur de la mendiante. Cette comparaison explique l’attrait de Baudelaire pour cette femme, liée à un imaginaire fort, romanesque. Ancrage du poème dans la contemporanéité du poète : le roman connaît un essor fulgurant au 19ème.

  1. Transfiguration par la parole poétique :
  • Voir les expressions « Au lieu de » v.13, « En place de » v.17 et l’utilisation du subjonctif de souhait dans les strophes 6 et 7. Une sorte de pensée magique, capable de dépasser, de transformer la réalité visible. Le poète est celui qui transforme le laid en beau par la parole poétique.
  • On relève logiquement un certain nombre d’antithèses entre la réalité et sa transfiguration, comme par exemple entre les « sabots lourds » et « les « cothurnes de velours » (3è strophe), ou encore le « haillon trop court » et le « superbe habit de cour » de la strophe suivante.

  1. Pastiche de la poésie renaissante :

Pour exprimer cette vision idéalisée et poétique, le poète a recours à une forme poétique (le blason) et des références anciennes, qui lui permettent de la tirer vers « l’éternel », la célébrer, la tirer vers un idéal de beauté en utilisant une forme poétique très travaillée.

  • Référence à 2 poètes de la Pléiade, Rémy Belleau (v.30) et Pierre de Ronsard (v.38). Les « sonnets » de Belleau sont d’ailleurs désignés par la métaphore élogieuse et précieuse « perle de la plus belle eau » (superlatif de supériorité), avec recours à la rime équivoquée « belle eau / Belleau » pratiquée à l’époque ou encore v.31-32 « offerts / aux fers » mais la beauté de la mendiante est supérieure

à l’art des poètes de la Pléiade : cela mis en évidence par l’usage du pluriel : « maint et maint Ronsard

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