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Victor Hugo, Les Contemplations (V, 9), « Le Mendiant »

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Par   •  12 Octobre 2022  •  Analyse sectorielle  •  1 435 Mots (6 Pages)  •  326 Vues

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Victor Hugo, Les Contemplations (V, 9), « Le Mendiant » (Commentaire composé)

Introduction

Victor Hugo a été le chef de file du romantisme au XIX ème siècle. Il a composé une œuvre gigantesque qui témoigne de nombreux engagements personnels. Poète militant, il s'est préoccupé tout au long de sa vie du sort des misérables et à lutter contre toutes formes d'injustices sociales. C'est à ce titre qu'il s'intéresse aux laissés pour compte comme ce « Mendiant » dont il est question dans ce poème.

De nombreuses légendes évoquent la métamorphose de mendiants en dieux quand les hommes leur ont été charitables, et lorsque Victor Hugo s'écrie « le sublime est en bas », il rejoint toute une tradition antique et biblique qui voit dans la misère un signe divin.

L'on pense alors au « Mendiant » qui traverse les Contemplations comme une figure tragique et lumineuse à la fois.

Quelle est la place d'un tel homme dans la réalité quotidienne ? Le mendiant qui s'humilie ne provoque-t-il que mépris ? Que cache pour le poète son apparence pitoyable et dérisoire ?

Lecture

Le mendiant

Un pauvre homme passait dans le givre et le vent.

Je cognai sur ma vitre; il s'arrêta devant

Ma porte, que j'ouvris d'une façon civile.

Les ânes revenaient du marché de la ville,

Portant les paysans accroupis sur leurs bâts.

C'était le vieux qui vit dans une niche au bas

De la montée, et rêve, attendant, solitaire,

Un rayon du ciel triste, un liard de la terre,

Tendant les mains pour l'homme et les joignant pour Dieu.

Je lui criai : - Venez vous réchauffer un peu.

Comment vous nommez-vous? - Il me dit : - Je me nomme

Le pauvre. Je lui pris la main. - Entrez, brave homme.

Et je lui fis donner une jatte de lait.

Le vieillard grelottait de froid; il me parlait,

Et je lui répondais, pensif et sans l'entendre.

- Vos habits sont mouillés, dis-je, il faut les étendre

Devant la cheminée. Il s'approcha du feu.

Son manteau, tout mangé des vers, et jadis bleu

Étalé largement sur la chaude fournaise,

Piqué de mille trous par la lueur de braise,

Couvrait l'âtre, et semblait un ciel noir étoilé.

Et, pendant qu'il séchait ce haillon désolé

D'où ruisselaient la pluie et l'eau des fondrières,

Je songeais que cet homme était plein de prières,

Et je regardais, sourd à ce que nous disions,

Sa bure où Je voyais des constellations.

Décembre 1854.

Victor Hugo, "Les Contemplations" (V, 9)

Etude

I/ Le cadre

1/ Un univers banal

Le poète nous fait pénétrer d'emblée dans un univers banal et quotidien où les sentiments sont simples et les gestes sans grande poésie.

Ce tableau repose sur un contraste entre le monde extérieur glacé et la chaleur de la chambre du poète.

Un double mouvement va rompre sa solitude par l'ouverture symbolique de la porte qui nous fait vivre un instant les activités familières des paysans, puis sa fermeture sur l'hôte désormais centre du tableau.

La banalité, le caractère prosaïque des mots, la précision des détails réalistes tels « accroupis », « bâts », la brièveté des phrases, ne laissent présager en rien un événement extraordinaire.

2/ Les gestes

Des vers 1 à 4 les gestes même sont en harmonie avec le cadre. Epousant d'abord le rythme continu du vent et des paysans grâce à l'imparfait de durée « passait ».

La marche du pauvre va se figer devant un endroit privilégié que suggère le rejet « ma porte » et sortir le poète de son immobilisme, le temps de l'imparfait faisant place au passé simple qui correspond à la brusque multiplication de gestes fugitifs.

Des vers 10 à 13, le langage est simple et cordial et la familiarité de l'adjectif « brave » sont en union étroite avec l'épaisseur réelle de la jatte de lait et de la cheminée.

L'émotion voilée de tristesse que ressent le poète est en harmonie avec le clair-obscur de la scène, les vêtements sombres et sales contrastent avec la lueur du feu.

II/ Ambigüité du pauvre

1/ Son extrême dénuement

Le pauvre est lui aussi un personnage en clair obscur.

Il est « un pauvre homme » (v.1) : il a la silhouette caractéristique du pauvre, l'indéfini « un » suggérant une misère absolue et évidente et étant repris en écho par l'expression péjorative « le vieux » (v.6).

Tous les mots soulignent son abaissement extérieur, la « niche » l'assimile à un chien, « au bas de la montée » est le symbole du dernier échelon de l'échelle sociale, l'enjambement le suggérant avec force.

La faim, le froid le caractérisent et le manteau évoqué par le réalisme cruel de mots tels que « mangé des vers », « mille trous », « haillon », « eau des fondrières » semble être l'image même de son être, c'est-à-dire l'humilité.

Dans sa misère, le vieillard ne cherche qu' « un rayon de ciel triste », triste peut-être par sympathie ou impuissance car c'est l'hiver, « un liard de la terre ». L'univers

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