Commentaire linéaire Bérénice acte 5, scène 7
Commentaire de texte : Commentaire linéaire Bérénice acte 5, scène 7. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar lisalaketa • 28 Mars 2020 • Commentaire de texte • 2 662 Mots (11 Pages) • 5 954 Vues
Introduction
• Bérénice est une tragédie historique représentée pour la première fois en 1670 ; Racine se fondant sur quatorze mots de l'historien Suétone ' et une liaison assez banale entre un Romain et sa maîtresse compose une tragédie en 5 actes et 1506 alexandrins qui réussit de façon exemplaire à faire couler les larmes des Parisiens et du roi Louis XIV . • La tragédie naît principalement d ' un dilemme : son père , l'empereur Vespasien , étant mort , Titus doit régner sur Rome , or il aime passionnément Bérénice , princesse de Judée et le peuple romain ne saurait accepter qu ' il épouse une étrangère . • Au cours de la scène 6 de l'acte V , Titus a expliqué en une longue tirade ses sentiments , ses raisons d'agir et son souhait de mourir ; dans la scène 7 , pour la première fois les trois héros de la pièce — Titus Bérénice et Antiochus , roi de Commagène et ami proche de Titus qui a avoué à la princesse son amour à l ' acte III , scène 3 — sont réunis : Antiochus avoue à Titus qu ' il est son rival et qu ' il souhaite mourir Bérénice les interrompt alors . • problématique : nous nous demanderons en quoi cet extrait de la dernière scène de Bérénice , qui ne voit aucun des personnages mourir , constitue malgré tout un dénouement tragique .
1 vers 1475-1483 un dénouement classique qui récapitule la double action
A- bilan de la situation politique vers 1475-1478
• Bérénice rappelle le dilemme de Titus , mais de son point de vue à elle , comme l'indique la répétition de l ' adi . poss . de la lère pers . « mon coeur » « mes regards » ; ce retour de l ' adj . marque également l ' achèvement de l ' action ( plus aucune perspective de changement et de progression ) ; par ailleurs le chiasme formé par les vv . 1475 - 1478 ( v . 1 = Bérénice / v . 2 Bérénice / Rome / v . 3 Rome v . 4 Rome / Bérénice ) permet de souligner le dilemme auquel Titus a été soumis • le personnage éponyme rappelle par ailleurs en négatif que sa propre passion était totalement désintéressée et non pas motivée par une quelconque ambition politique : le souligne en usant à deux reprises de la négation : ne jamais v . 1476 , ne point v . 1478 • Bérénice insiste de surcroît sur le caractère extérieur et théâtral de l ' empire romain ( « grandeur » , « pourpre > > ) qui s ' oppose à son intériorité ( cœur ) à elle ; de façon plus générale , met Rome sur le même plan que son amour , si bien que Rome apparaît négativement comme une rivale , avec l'utilisation du vocab amoureux pour désigner Rome ( soupirer , attirer les regards , cf . amour lié à la vue chez Rac ) = > ainsi on voit bien que Titus a d'une certaine façon été tiraillé entre deux passions ; • cependant Rome et le Sénat jouent ici le rôle de la froide fatalité , puisque c'est le devoir d ' état qui interdit aux amants de vivre leur amour ; au contraire Bérénice est caractérisée par une honnêteté parfaite , absence de dissimulation ( « vous est connu > v . 1475 , « vous le savez » v . 1478 : l ' écho et le parallélisme soulignent l ' intimité entre la reine et l ' empereur , ce qui exacerbe le pathétique de la scène et suscite d'autant mieux la pitié du spectateur .
B La récapitulation de l’intrigue amoureuse vers 1479-1483
1 ) le rappel de la situation antérieure à la tragédie et ses débuts • v . 1479 : déclaration d ' amour sobre et dépouillée . l ' imparfait rappelle la situation initiale : insouciance et illusion ; le verbe aimer est répété trois fois et mis en valeur avant des coupes fortes 2 / 2 / 2 / 6 • la juxtaposition montre la logique de la déduction : pas besoin de mot de liaison , l ' amour doit nécessairement entraîner l ' amour en retour = > la situation actuelle est donc inacceptable et la désillusion d ' autant plus forte ( et ce d ' autant plus que cet amour est durable , cf . les impf de durée « j'aimais » et “ je voulais”
2 ) la rupture • v . 1480 : le complément de temps « ce jour » introduit une rupture dans la continuité heureuse ( la parataxe - - l ' absence de mot de liaison comme par exemple mais entre deux phrases ) soulignant la violence de cette rupture ) , • le groupe nominal rappelle également l ' unité de temps et insiste sur l'accélération du temps et son aspect tragique ( cf . le rythme croissant de manière implacable 2 / 4 / 6 • vv . 1481 et 1482 voient Bérénice rappeler péripétie et dénouement avec lucidité finale ( cf . le processus tragique habituel , passage de l'ignorance à la lucidité sur soi et sur autrui , cf . le concept de reconnaissance dans Edipe , ou Aristote , Poétique et l ' anagnorisis ( l ' anagnorisis est une des trois parties du mythos ( histoire racontée ) les deux autres étant la péripétie et la pathos au sens d ' événement pathétique ) • Le retour des marques de la seconde pers . du pl . ( votre amour répété v . 11 , vous m ' aimez , votre coeur , vos larmes ) marque la force incantatoire du langage , Bérénice se complaisant à prononcer ces mots pour donner une certaine réalité à cet amour impossible
2- un dénouement original ou le sang n’est pas versé: la leçon politique et morale vers 1484-1494
A . v . 1484 - 1488 : leçon politique : Bérénice sacrifie désormais son bonheur à celui de l ' empire • prend des distances avec le couple qu'elle formait avec Titus : parle maintenant d ' eux - mêmes à la 3° personne , cf . v . 1484 « Bérénice » en vedette du vers , puis Titus avant l ' hémistiche du v . 1486 = > Bérénice se regarde de l'extérieur , dédramatise • l'usage de la raison permet d'élargir la perspective : Bérénice dépasse le couple pour penser au monde qui les entoure ( v . 1485 ) . Leur couple semble dérisoire à cette échelle . Leur amour devient relatif et non plus un absolu . Met en balance avec « l'univers malheureux . » • « ne vaut point tant d ' alarmes » , ( rime riche avec larmes d ' où insistance ) répond au v . 1480 « je me suis alarmée » , ce qui souligne l ' évolution de la pensée de Bérénice ( l ' émotion étant désormais rejetée ) = > la raison permet d'atteindre une certaine forme de sérénité et de maîtrise de soi ( la passion est ici vaicue ) ; cet état permet par ailleurs à la reine d ' encourager l ' empereur Titus au calme ; la reine se présentant comme un modèle , une conseillère , renverse ainsi la situation de toute la pièce puisque c'est elle maintenant qui domine Titus . • vv . 1483 - 1488 voient Bérénice se placer sur le plan politique et non plus amoureux , se sacrifie pour le bonheur de l ' univers ( noter le dépassement du v . 1477 où les Romains étaient encore connotés négativement ) . héroïsme de Bérénice : son amour est un amour d ' oblation ( où l ' on donne ) et non plus de captation ( où l'on cherche à prendre ) — évolution du perso très forte , elle est cornélienne ici . • cette grandeur est marquée par le rythme ample ( absence de coupes ) ( • elle se soumet à la réalité par l'emploi du présent ) • elle utilise le vocabulaire amoureux en l ' appliquant positivement à l ' empire : veux , délices .
B . la leçon morale vv . 1489 - 1494 : Bérénice est là encore majestueuse et en position de force — même si elle dit : « je suivrai vos ordres » . C ' est la « tristesse majestueuse » dont parle Racine dans la Préface de la pièce , cf . « Ce n ' est point une nécessité qu ' il y ait du sang et des morts dans une tragédie : il suffit que l'action en soit grande , que tous les acteurs en soient héroïques , que les passions y soient excitées , et que tout s'y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie » Rappelons qu ' une didascalie de Racine indique que la reine est en train de se lever quand elle prend la parole , ce qui indiquait déjà le rôle majeur que revêtait sa dernière tirade Auparavant Bérénice parlait d'elle - même à la 3° pers . ; retour ici à la 1ere afin de valoriser l'exemple qu'elle donne elle - même •
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