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"Fonction du poète", V. Hugo

Commentaire de texte : "Fonction du poète", V. Hugo. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  22 Juin 2019  •  Commentaire de texte  •  1 972 Mots (8 Pages)  •  2 951 Vues

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Victor Hugo, "Fonction du poète" (explication du poème)

Introduction :

"Fonction du poète" est extrait du recueil Les Rayons et les Ombres, écrit par Victor Hugo, chef de file du mouvement romantique, après 1830 et publié en 1840. Les Rayons sont le symbole de la connaissance et les Ombres symbolisent l'ignorance. Le poète a la mission de guider les autres hommes en éclairant les Ombres.Dans ce poème composé de trente vers, allusion à la Révolution de 1830, organisés en trois strophes de dix vers chacune en octosyllabes, en rimes tantôt suivies, tantôt croisées, tantôt embrassées, Victor Hugo définit le rôle du poète dans la société de son temps. Intermédiaire entre Dieu et les hommes, le poète est un prophète qui a pour mission de guider les autres et de préparer des jours meilleurs.

Comment Victor Hugo fait-il du poète un envoyé de Dieu destiné à guider les peuples dans les temps troublés ?

Nous étudierons dans une première partie la définition que Hugo donne du poète, puis dans une deuxième partie la mission qu'il lui assigne.

Développement :

I. La définition du poète

a) Un homme engagé

Le poète s'adresse au lecteur "dans les temps contraires" et "en des jours impies" pour expliquer que le vrai poète n'est pas un "chanteur inutile", mais qu'il joue un rôle essentiel dans la cité.Le poème a été écrit après la Révolution de Juillet 1830 (les "Trois Glorieuses") qui a chassé Charles X et porté sur le trône Louis-Philippe ("Philippe-Egalité"), "roi des Français" dont Hugo deviendra plus tard le confident."Et s'en va, chanteur inutile/Par la porte de la Cité" : on voit un homme en sandales qui sort de la ville pour se rendre dans le désert. Le repli sur soi, l'individualisme, sont concrétisés dans une image parlante, une hypotypose satirique.Les nombreux modalisateurs : "Dieu le veut", "Malheur" (deux fois), "honte" (deux fois), "haines", "scandales", "agité", "se mutile", "inutile", la ponctuation expressive, témoignent de l'indignation de Hugo, ainsi que les allitérations sur les sifflantes : "ses frères", "ses sandales", "scandales", "se mutile", "s'en va". Hugo fustige les faux sages qui "retournent dans le désert" au lieu de rester parmi leurs semblables. Il fait sans doute allusion au philosophe cynique Timon d'Athènes, contemporain de Périclès et d'Alcibiade, qui avait pris tous les hommes en aversion et s'était retiré dans la solitude. Il condamne vigoureusement, en appelant sur eux le "malheur" et la "honte" les misanthropes tels Timon qui se réfugient dans le désert, au lieu de travailler et de servir, en répondant à l'appel de Dieu. La première strophe appartient au registre polémique qui vise à inspirer au lecteur une adhésion intellectuelle et morale à des valeurs jugées menacées, en l'occurrence le désir de travailler et de servir. Il appartient également au registre "épidictique" dont l'effet recherché est la louange et le blâme. Si Hugo blâme celui qui s'en va "chanteur inutile par la porte de la cité", il loue par là-même le "chanteur utile" qui reste dans la cité, parmi le peuple tourmenté par les haines et les scandales.

b) Un élu de Dieu

Le poème commence par le mot "Dieu" qui appartient avec les mots "impies", "prophètes" "amour", "âme" au champ lexical de la religion. Le mot "désert" est pris en mauvaise part parce qu'il représente pour Hugo la solitude, le replis individualiste, alors qu'il apparaît, aussi bien dans l'Ancien Testament que dans le Nouveau sous un jour positif : les 40 ans des Hébreux dans le désert, la tentation du Christ au désert, Jean-Baptiste prêchant dans le désert, les Pères du désert... Le désert est le lieu où Dieu éprouve les hommes, mais aussi où il leur parle. Hugo ne valorise pas dans ce poème la dimension spirituelle du désert, lieu d'épreuve féconde, de silence et de méditation, mais condamne, sous la métaphore du désert, la tentation de se replier sur soi, de se réfugier dans la solitude au lieu de "préparer des jours meilleurs". Héritier de la philosophie des Lumières, Hugo associe, contrairement aux hommes de 89, la religion à la marche vers le progrès, avec la conviction que le futur sera meilleur que le présent. Le mot "utopie" vient du grec "u-topos" qui signifie littéralement "non lieu". Hugo se réfère à des auteurs comme Platon (La République), Campanella (La Cité du soleil), Thomas More (Utopia), Fénelon (Les aventures de Télémaque) ou Voltaire (le pays d'Eldorado dans Candide) qui ont imaginé des pays dotés de bonnes institutions, où les hommes vivent heureux, en parfaite harmonie les uns avec les autres. Le mot a généralement une connotation négative, mais Hugo lui confère un sens positif. Le monde a besoin, selon lui, de ces "rêveurs définitifs" que sont les poètes et les utopistes pour ne pas désespérer du présent. Le mot prophète, au féminin prophétesse (du grec : προφήτης, docteur, devin, interprète de la parole divine) est un mot provenant du latin chrétien et emprunté au grec prophêtês qui désigne une personne qui tient, d'une inspiration que l'on croit être divine, la connaissance d'événements à venir et qui les annonce par ses paroles ou ses écrits. La Bible élargit le sens : ce n'est plus spécifiquement une personne qui parle de l'avenir (comme un devin), mais une personne qui parle au nom de Dieu, délivrant des messages de sagesse, dénonçant le mal, dictant des conduites à tenir. Selon Hugo, le poète, à commencer par lui-même, est un "prophète", un interprète de la parole divine, un homme qui parle au nom de Dieu. L'importance du poète s'exprime à travers des hyperboles : "Dans sa main où tout peut tenir", "ses rêves, toujours plein d'amour".

c) Une figure christique

L'élection divine s'accompagne d'un "chemin de croix" qui évoque la figure du Christ. De nombreux termes dans "Fonction du poète" appartiennent au champ lexical du mal et de l'adversité : "haines", "scandales", "tourmentent", "agité", "impies" (jours impies), "insulte" (qu'on l'insulte), "raille", "contempteurs" (contempteurs frivoles), "rit". Comme le dit l’Évangile : "Nul n'est prophète en son pays". Le poète-prophète est l'objet de railleries de la part des "faux sages". Cependant, les antithèses montrent que tous ne rejettent pas le poète. Certains "l'insultent", mais d'autres le "louent", certains le "raillent", mais "plus d'une âme inscrit en silence ce que la foule n'entend pas" et "maint faux sage rit tout haut, mais songe tout bas". Autrement dit, certains accueillent favorablement la parole du poète qui a même un effet de persuasion sur certains "faux sages" qu'elle fait réfléchir tout bas. "Les faux sages" sont les hommes qui ne croient pas à un avenir meilleur, qui n'écoutent pas les prophètes, les visionnaires et les poètes. On pense à la parabole du semeur dans les Évangiles synoptiques et l’Évangile apocryphe de Thomas : le Christ se compare à un semeur venu répandre la "bonne nouvelle" du salut. Les hommes accueillent diversement la parole divine, de même que le grain produit plus ou moins de fruit, selon l'endroit où il a été semé.

II.

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