Le rouge et le Noir chapitre 6 livre I
Fiche : Le rouge et le Noir chapitre 6 livre I. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar nono923 • 4 Mai 2022 • Fiche • 2 369 Mots (10 Pages) • 1 244 Vues
Texte I
Intro :
Le rouge et le Noir de Stendhal raconte l’évolution sociale, sous la restauration, de Julien Sorel, jeune homme pauvre, rêveur, méprisé par sa famille, mais cultivé et ambitieux.
Au début du roman, Julien s'apprête à devenir précepteur chez M. de Rênal, maire d’une petite ville de province. C’est la jeune Madame de Rênal, mère de deux enfants, qui l’accueille. Stendhal nous fait partager la surprise de ces deux êtres mis face à face, dans une situation inattendue.
Après avoir, comme un metteur en scène, mis en place cadre et personnages, Stendhal, sur un rythme retenu plein d’émotion, s’appuyant sur le jeu des regards croisés de la jeune femme et de l’adolescent, construit leur portrait et rend compte de leurs émotions lors de cette rencontre capitale pour l’intrigue.
On montrera comment grâce à cette alternance de points de vue le narrateur fait de la rencontre de Mme de Rênal et de son précepteur une rencontre amoureuse à l'insu des protagonistes.
On considèrera deux parties :
- -L.1-13 : Mme de Rênal découvre Julien
- -L.14-25 : le face-à-face entre les deux personnages
1er mouvement :
L’enjeu : Fonder l'ambiguïté de leur relation (regard maternel et attendri de Mme de Rênal qui ne se doute pas que le petit paysan est le précepteur qu'elle attend)
- 1 er § : d’emblée, Mme de Rênal nous est présentée comme un personnage mal à l’aise dans son environnement. Elle possède en effet des qualités qui, nous dit Stendhal, « lui étaient naturelles quand elle était loin des regards des hommes » : il y a là un paradoxe, car les qualités en question, « la vivacité et la grâce », supposent la présence d’un observateur extérieur. Une personne ne peut être qualifiée de gracieuse que par un témoin qui apprécie sa façon de se déplacer. On ne voit donc guère comment elle pourrait faire preuve de grâce et de vivacité…uniquement quand il n’y a personne pour pouvoir en juger !
Cette phrase initiale est révélatrice car on nous la présente en train de quitter le « salon » (l.2), pièce de réception et des relations sociales, pour se rendre dans le « jardin » (l. 2) afin d’être en paix avec elle-même et de révéler ses « dons »
À la l.3, elle découvre Julien : « quand elle aperçut… ». Le passage de l’imparfait au passé simple illustre le début de l’action, avec une impression de surprise et de choc soudain. Cela contribue à instaurer, dès cet instant, l’image d’un coup de foudre. En effet, Mme de Rênal est frappée essentiellement par le visage de Julien (« figure », l.3) ; rappelons-nous, à la ligne 1, la présence, déjà, du mot « regards ».
L’amour, ici, naît d’abord dans le regard de l’être humain, qui frappe et séduit soudainement. On peut d’ailleurs remarquer, jusque dans la description du costume de Julien, la présence du mot « ratine » (l. 5) qui est un paronyme du mot « rétine ». (Autrement dit, Mme de Rênal est fascinée avant tout par les yeux de Julien, que l’on voit être discrètement évoqués jusque dans ses vêtements.
Julien, quant à lui, apparaît en position de faiblesse et de vulnérabilité. De « jeune paysan » qu’il est d’abord, il devient presque aussitôt un « enfant » (l.3). Cette gradation descendante souligne son extrême jeunesse. Il y a par ailleurs une impression de pureté, illustrée par le champ lexical de la clarté : « pâle », « bien blanche » (l.4), « fort propre » (l.5). Ce sont des mots à connotation positive, mais ils suggèrent aussi l’idée de fragilité et de faiblesse.
- 2°§ : toutes les observations faites jusqu’ici vont être confirmées et développées. Mme de Rênal garde ses yeux rivés sur ceux de Julien, fascinée par son « teint » (l. 6) et ses « yeux » (l. 6). Elle s’émerveille de les voir « si blanc… si doux » (l. 6) : l’anaphore de l’adverbe intensif « si » révèle le trouble qu’elle ressent.
De façon un peu comique, elle va d’abord faire une méprise qui s’explique par son esprit « un peu romanesque » (l. 6), c’est-à-dire nourri de lectures amoureuses et sentimentales, loisirs qu’elle doit pratiquer à ses heures perdues.
Spontanément, elle prend Julien pour une jeune fille, ce qui peut se comprendre vu la beauté fragile et délicate du jeune homme. Elle croit qu’il s’agit de quelqu’un d’autre en se méprenant sur son identité réelle : il vaut la peine de signaler que nous avons là une situation de quiproquo, ce qui est l’un des procédés typiques de la comédie.
Et, d’ailleurs, si nous sommes attentifs au texte, nous pouvons remarquer que plusieurs détails contribuent à instaurer une atmosphère théâtrale :
- la situation de quiproquo ;
- la présence de la porte du salon d’où vient de sortir Mme de Rênal, comme une actrice sortant de la coulisse pour entrer en scène ;
- Julien porte sa veste sur le bras, ce qui peut suggérer un rideau replié (au début d’une représentation) ;
- elle le prend pour une jeune fille « déguisée » (l. 7), adjectif évoquant un costume de scène ;
- Julien s’apprête à sonner à la porte : ces coups de « sonnette » (l. 9) pourraient correspondre aux coups de bâton signalant le début d’une représentation ;
- enfin, la nature même de ce quiproquo, dans lequel une femme mariée prend un très jeune garçon pour une jeune fille, rappelle des souvenirs d’une pièce bien précise (et encore relativement récente à la date de composition du roman) : Le mariage de Figaro de Beaumarchais, dans lequel la comtesse se méprend de la même façon sur le sexe de son soupirant Chérubin, si jeune qu’il peut passer pour une fille.
→ La rencontre entre Julien Sorel et Mme de Rênal commence donc à la manière d’une petite comédie… dans laquelle, paradoxalement, ils vont tous deux se révéler l’un à l’autre sous leur vrai jour ! Quelle conclusion en tirer ? Que tous deux jouent en fait des sortes de rôles dans leur vie quotidienne : ils n’y sont à leur place ni l’un, ni l’autre.
En revanche, confrontés l’un à l’autre, ils vont se montrer tels qu’ils sont, en dépit de cette méprise initiale. Signalons, pour terminer, un dernier élément appuyant cette atmosphère légèrement comique : nous avons un renversement ironique de la scène de séduction habituelle. En effet, d’après les codes (ou « clichés », ou « lieux communs », ou topos) du genre, c’est l’homme qui fait le premier pas vers la femme. Ici, en revanche, l’initiative revient à Mme de Rênal : c’est souligné par les verbes pronominaux comme « s’approcha » (l. 10) et « s’avancer » (l. 11), qui montrent son implication dans l’action exprimée par le verbe ; on pourrait aussi relever la gradation « près » (l. 3) / « s’approcha » (l. 10) / « tout près » (l. 12), grâce à laquelle nous la voyons se déplacer physiquement.
Julien, en revanche, reste passif : l’ « enfant » (l. 3) qu’il était devient même une simple « créature » (l. 8), gradation descendante qui montre son absence complète de volonté à ce moment-là.
2e mouvement :
Enjeu : Échange montrer comment leur surprise et la différence de point de vue les rapproche à leur insu.
- « Julien se tourna vivement » (l. 14) : cette expression montre sa surprise, mais l’adverbe « vivement » (dérivé du mot « vie ») suggère dès cet instant qu’il va, en quelque sorte, reprendre vie et s’éveiller au bonheur au contact de Mme de Rênal. Il est « frappé » (l. 14) par son regard : de façon similaire à Mme de Rênal, il est attiré par les yeux.
Pour lui aussi, c’est un choc immédiat (verbe frapper), ce qui corrobore l’idée du coup de foudre déjà évoquée. Les deux personnages sont fascinés par leurs regards respectifs, un peu comme s’ils se contemplaient l’un dans l’autre, dans une sorte de miroir qui leur révèle leur âme-sœur.
Cette parfaite harmonie entre eux est soulignée par la ressemblance des phrases qui les décrivent : → Rappelons-nous la description de Mme de Rênal à la l. 1 : « Avec la vivacité et la grâce qui lui étaient naturelles quand elle était loin des regards des hommes » ; → Voyons à présent ce qu’on nous dit de Julien : « il se tourna vivement, frappé du regard si rempli de grâce de Mme de Rênal » (l. 14).
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