Stendhal, le Rouge et le Noir, chapitre 9, livre 2
Commentaire de texte : Stendhal, le Rouge et le Noir, chapitre 9, livre 2. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar rayangharbi • 13 Décembre 2020 • Commentaire de texte • 1 643 Mots (7 Pages) • 971 Vues
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Commentaire le Rouge et le noir, II, 9
- Mathilde est subjuguée/fascinée par Julien ; l’épisode est raconté du point de vue de Mathilde, surprise et bouleversée
- Mathilde, reine du bal, ne fait que s’intéresser à Julien / semble obnubilée par lui
- Julien est toujours placé en sujet omniprésent : « il » « il a l’air » « il passait » « disait-il » « Julien » : il est présent dans toutes les phrases qui sont construites du point de vue de Mathilde.
- Mathilde suit tous ses déplacements : « cause » « se rapprochait » « causant » « passait », ces verbes ponctuent le passage et montrent qu’elle suit tous ses mouvements. Le polyptote « cause », « causant » reprend le même verbe sous deux formes différentes, avec un effet d’insistance.
- Verbes d’examen : « regardait » « étudiant » « chercher » qui montrent qu’elle s’intéresse très sérieusement à lui.
- CCL avec reprises et élargissement : « près d’elle » « assez près d’elle », qui insistent également sur l’intérêt de Mathilde pour Julien.
- Les nombreuses phrases exclamatives, et l’interjection « O Ciel ! » marquent également le grand intérêt de Mathilde.
- Elle s’intéresse à l’apparence physique de Julien, qu’elle qualifie méliorativement
- D’abord elle s’intéresse au regard (miroir de l’âme), avec des répétitions : « œil » (2X) « regard »
- Des métaphores cherchent à qualifier ce regard : « feu sombre » ou « enflammé » pour insister sur la passion, l’ardeur du discours de Julien et des hyperboles : « plein » « regard a redoublé d’orgueil ». Nous pouvons lire un oxymore dans « feu sombre », qui insiste sur l’idée de mystère ou de danger.
- Puis viennent « les traits » (l.4) et la « figure » (l.8) => le focus s’ouvre davantage sur le personnage de Julien, en glissant sur des qualités morales très positives : « « orgueil », « hautes qualités », « l’honneur ».
- Il s’agit cependant de qualités très vagues, d’où les modalisations « a l’air » « peuvent » « je crois » de la part de Mathilde, donc on voit qu’elle est subjuguée, et subjective.
- Elle lui prête les qualités morales les plus nobles, d’après elle
- Elle s’est déjà démontrée à elle-même que « condamné à mort » = plus haute preuve de noblesse personnelle et véritable pendant la Restauration (en effet, les nobles qui l’entourent ont reçu par simple héritage leur titre et leur richesse). Elle fait référence à Boniface de la Mole, l’ancêtre de Mathilde, décapité lors des guerres de religion car il s’était battu pour François d’Alençon et Henri de Navarre ; il était l’amant de Marguerite de Valois, future reine Margot, qui aurait récupéré sa tête pour l’embaumer et la conserver ; et Marguerite est le second prénom de Mathilde).
- Le comte Altamira, « condamné à mort » dans son pays, devient « son condamné », le déterminant possessif montre son intérêt envers ce personnage (valorisé uniquement car condamné à mort). Du coup, Julien devient « prince déguisé » (être prince est la position la plus haut placée parmi les personnages de ce bal) car il parle avec le comte Altamira. => Mathilde anoblit Julien. Il s’agit en même temps d’une prolepse : à la fin du roman Julien va devenir un condamné à mort.
- Danton est aussi un condamné à mort, d’où son intérêt dans l’extrait : c’est lorsqu’elle les entend débattre à son sujet que Mathilde s’introduit dans le discours. D’ailleurs nous voyons une antithèse entre la manière admirative dont Julien parle de Danton (valeur absolue de « un homme » + modalité exclamative), et la qualification apportée par Mathilde : « un boucher ».
- Mathilde se sert ici de Danton, qu’elle utilise également comme une antonomase (« un Danton » => c’est à dire quelqu’un qui veut décapiter les nobles), pour mettre en valeur Julien de manière méliorative. L’antithèse : « si noble » « si horriblement laid », construite de manière parfaitement parallèle, avec la répétition des adverbes d’intensité crée cet effet.
- Un échange qui refonde les relations entre les deux personnages
- L’échange débute comme une relation de maître à valet
- C’est Mathilde qui lui a enjoint d’apparaître au bal pour lui faire un rapport à propos des affaires du marquis.
- Elle est sujet et lui objet « elle » « l’appeler » ; c’est elle qui débute l’échange.
- Elle pose une question assez polémique, s’introduit impoliment en reprenant le sujet de conversation : « Danton n’était-il pas un boucher ? » Par cette question elle oblige Julien à répondre, et ne peut que le mettre mal à l’aise, par l’antithèse « un homme !» ≠ « un boucher ».
- Un échange qui tourne au défi et au combat
- Julien recourt à la métaphore pour « boucher » (quelqu’un qui a envoyé beaucoup de nobles à la guillotine) là où Mathilde semblait parler au sens premier (un boucher = un métier rude pour une personne laide), ainsi il oppose sa vision à la sienne.
- Il met en valeur Danton (personnage de la Révolution Française qui a voté pour la mort du Roi, un des plus grands tribuns, décapité par les jacobins) par les faits précis « avocat » « Méry-sur-Seine » (qui donnent de la crédibilité) et par la comparaison très méliorative « comme plusieurs pairs ici » (voir l’allitération qui insiste sur le parallélisme entre Danton et les membres de la haute société.
- Parler de Danton et de ses qualités permet à Julien de critiquer les apparences de la noblesse. L’antithèse « malheureusement » qui oppose l’état réel de Danton (« avocat ») à son état supposé (« boucher »), la répétition du modalisateur subjectif « aux yeux », la connotation négative de l’expression « certaines personnes », l’ironie des « gens bien nés » et « mademoiselle » vont dans ce sens.
- Julien critique aussi subtilement Mathilde, qu’il considère ici comme une jeune fille bien futile, qui ne s’attache qu’aux rumeurs (Danton = un boucher) et aux apparences : les hyperboles « désavantage énorme » et « fort laid » insistent à outrance sur l’apparence physique de Danton, et placent Mathilde en antithèse avec lui (≠ la beauté), mais la font également passer (grâce à la métonymie Mathilde = « la beauté ») pour une jeune fille qui ne compte que par son apparence !
- L’attitude de Julien met en valeur sa colère. Le vocabulaire insiste sur son impolitesse : « mépris », « air méchant », « rapidement », tout comme les hyperboles et superlatifs : « le plus mal déguisé » et « fort peu poli ».
- Deux personnages très semblables en définitive
- Ils ont des attitudes très similaires de défi : Mathilde se permet un rôle qui ne convient pas à une jeune fille lors d’un bal « faire une question extraordinaire », et Julien lui répond « avec l’expression du mépris » alors qu’il est employé par son père.
- Les deux personnages sont très similaires dans l’outrance et dans l’accaparation d’un rôle qu’ils n’ont pas socialement : pour marquer sa supériorité face à Mathilde, Julien force sa position physique « haut du corps légèrement penché » pour donner l’impression qu’il est plus grand qu’elle ; recourt au chiasme « Je suis payé pour vous répondre / et je vis de ma paie » pour marquer son opposition, ainsi qu’à l’oxymore « orgueilleusement humble ». Mathilde ne semble plus maîtriser ses sens, avec les yeux « extraordinairement fixés sur lui » (hyperbole + répétition de « fixés sur lui ») et a « l’air de son esclave » (alors qu’elle est la fille de son maître). L’antithèse entre les deux personnages revient fortement, même lorsqu’ils reprennent leurs rôles sociaux respectifs, l. 25 : « valet » ≠ « son maître ».
- Les deux personnages jouent un rôle avec le corps et le regard. Dès le début de l’extrait le regard de Julien est qualifié plusieurs fois et attire le personnage focal (Mathilde) ; mais ce même trait physique revient plusieurs fois à propos de Mathilde « yeux de la beauté », « ses beaux yeux ». Les deux ont une attitude extrêmement théâtrale dans cet extrait : « faire une question extraordinaire » pour Mathilde, « d’un air extraordinaire » pour Julien, « yeux ouverts extraordinairement » et regard étrange » pour Mathilde, « un empressement marqué » pour Julien. Les hyperboles et reprises répétitives marquent le parallélisme dans l’attitude des deux personnages, ainsi que leur fierté mêlée à leur talent d’acteur consommé.
Pour l’ouverture : Il serait intéressant de parler d’un extrait proleptique, portant les germes des intrigues futures du roman. Soit aller vers la relation amoureuse entre les deux personnages, aussi passionnée et conflictuelle que leur échange dans cet extrait, soit aller vers la fin du roman et la condamnation à mort de Julien.
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