Les liaisons dangereuses

Rognon Clara

Dissertation : Littérature du XVIII :

Au XVIIIe siècle, les romans font fureur et les grands de la société s’arrachent la lecture qui les rend plus intelligent mais aussi digne d’avoir de belles conversations. Les histoires s’enchaînent et de nouvelles formes de roman finissent par arriver. Dans ces nouveautés, nous pouvons retrouver le roman épistolaire qui, quarante années avant la révolution commencent à faire fureur… Cela coïncide sûrement avec l’avancée de l’envoi postal de cette époque et nous pouvons donc retrouver bien des romans écrit seulement avec des lettres comme ici, Les Liaisons Dangereuses de Pierre Choderlos Laclos.

Le roman épistolaire encore aujourd’hui intéresse beaucoup de personne, il mêle en effet la philosophie, la fiction mais aussi parfois la théorie ou l’amour… Dans les Liaisons dangereuses, nous pouvons trouver toutes ces formes de lettres mélangées, ce qui rend ce roman brillant. Nous nous sentons plus proche des personnages, les plus tendres aimeraient ressembler à Cécile ou même à Danceny… Avec cela, plusieurs écrivains tels que René Pommeau se sont attardés sur ce roman et en ont fait de belles analyses : « C’est Valmont qui occupe la position centrale. Il bénéficie du privilège que la société accorde au rôle masculin. Lui seul communique avec les trois femmes en âge d’être aimée. Il en résulte qu’il est de loin l’auteur du plus grand nombre de lettres du recueil (51). Mme de Merteuil (27) Mme de Tourvel (25) viennent loin derrière. Il s’affirme le protagoniste de l’action. Le danger des liaisons, ce sont ses entreprises qui le créent. » Ces affirmations sont importantes puisqu’elles nous amènent à nous poser des questions sur le réel sens du roman, nous pouvons lire dans cette citation de Pommeau que dans cette société du XVIIIe siècle, c’est l’homme qui est au centre de toutes les attentions ce qui est vrai puisque ce sont eux qui sont les « têtes » si je puis dire de la société. Les femmes sont soumises que ce soit pour leur mariage, ce qu’elles font, ou ce qu’elles aimeraient faire… elles doivent toujours se justifier sur leurs comportements et ne sont qu’une descendance de l’homme. Elles doivent obéir. Pour cette citation et avec ces explications, il va donc de soi que Valmont soit le personnage principal de l’histoire et que nous nous arrêtions-là, mais en lisant le roman de Laclos, il est possible de rencontrer quelque point essentiel qui nous fait nous poser plusieurs questions.

En effet, il est possible de se demander la véritable place de Valmont dans l’histoire, est ce que ce personnage masculin et parfois horripilant est le seul à régner sur la cour ? Est-il seul à décider de ses actions qui sont parfois impardonnable ? Nous pouvons voir dans la citation de René Pommeau que c’est en effet Valmont qui a écrit le plus de lettres dans le roman, cela justifie t’il le fait que ce soit le héros principal ? Mme Merteuil qui durant tout le roman le conseille, ne peut-elle pas avoir également sa place dans les protagonistes les plus importants, ou influents ? Afin de répondre à ces questions, il est possible de voir, tout d’abord, le fait que Valmont soit héros de drame sérieux avec ses nombreuses lettres, et sa façon de tourner les choses à son avantage. Puis il faut également voir la figure de Mme Merteuil interpréter comme une femme de pouvoir et enfin, porter un regard plus poussé sur le duo Valmont-Merteuil qui apparaît comme une relation trouble.

Valmont est donc un héros de drame sérieux. Ce genre est annoncé par Diderot au XVIIIe siècle, il apparaît dans la société car il y a une forte hausse de la sensibilité des lecteurs. Les adeptes de la lecture rêvent d’amour, mais aussi de tragédie, de suspens… Ils n’ont pas envie de connaître la fin du roman en le commençant. C’est pour cela que ce drame sérieux fait fureur, puisque les rebondissements sont multiples. Si Les Liaisons Dangereuses était un roman à l’eau de rose, Cécile et le chevalier Danceny seraient mariés à la fin. Mais Laclos ne voulait pas d’un roman aussi simple et à voulu corser son travail, ainsi que l’esprit des lecteurs, en y ajoutant quelques gouttes d’intrigues et de suspens. Valmont représente tout à fait le héros du drame sérieux puisqu’il s’amuse avec la sensibilité des gens qui sont autour de lui. Par exemple, dans la lettre 21, lorsqu’il aide de pauvres personnes à payer leurs impôts, Valmont dit « Mes yeux se sont mouillés de larmes, et j’ai senti en moi un mouvement involontaire mais délicieux. J’ai été étonné du plaisir qu’on éprouve en faisant le bien… ». Afin de remettre les choses dans leur contexte, il faut se rappeler que Valmont fait ceci uniquement pour prouver à la présidente de Tourvel que c’est un homme bon, qu’il lui est possible d’aimer. Le but de Valmont, durant les trois premières parties de ce récit, est en effet de séduire la jeune présidente pour qui il a une attache éphémère mais aussi purement stratégique. Cette action qu’il réalise n’est donc pas pure ni profonde mais découle seulement d’une nouvelle manigance de sa part pour attirer le regard de sa bien-aimée sur lui. Il dit que faire le bien est délicieux. Il est donc possible de se rendre compte que Valmont n’en a pas l’habitude, faire le bien n’est pas quelque chose qu’il fait souvent, il a beau être le personnage le plus hypocrite du roman, les sentiments ressentis à ce moment-là sont réels et c’est pour cette raison que le lecteur arrive à avoir de la peine, de la pitié pour ce personnage pourtant si égoïste. Valmont sait tourner les choses à son avantage même dans les paroles de ses ennemis. Prenons l’exemple de Mme de Volanges, cette dame n’a aucune confiance en Valmont, et lorsqu’elle doit conseiller son amie la Présidente de Tourvel sur le comportement à adopter face à l’amour naissant du vicomte, elle réussit tout de même à réaliser un beau portrait de lui : « je reçois M. de Valmont, et il est reçu partout… » ; « M. de Valmont, avec un beau nom, une grande fortune, beaucoup de qualités aimables, a reçu de bonne heure que pour avoir l’empire dans la société. » ; « il séduit avec l’un et se fait craindre avec l’autre… » ; « Telle est son existence au milieu d’un monde qui, plus prudent que courageux, aime mieux le ménager que le combattre. » Ces phrases démontrent parfaitement que Valmont est une personne bien connue de la société et qu’aucune autre personne ne voudrait attiser sa colère. En effet, le vicomte est le genre de gens qu’il vaut mieux avoir de son côté puisqu’il à une influence immense, beaucoup de femmes le désire, beaucoup d’hommes aimeraient lui ressembler. Comme Mme de Volanges l’a dit, son nom est grand et sa fortune est immense. Mr de Valmont est quelqu’un de connu et reconnu malgré ses méfaits. Avec ces informations sur ce personnage nous pouvons remarquer que le vicomte est quelqu’un d’adulé, sa parole est prenante et il est craint par la population entière. Ces caractéristiques de force sont très souvent retrouvées dans les personnages principaux des romans du XVIIIe siècle.

Ensuite, nous pouvons également remarquer que Valmont écrit énormément dans ce roman, il a à son actif comme l’a précisé Pommeau, 51 lettres. Ce chiffre est énorme aux vues du nombre de lettres écrites par les autres personnages. Nous pouvons décoder ce chiffre de la façon suivante, Valmont, à la faculté d’échanger avec tous les personnages ainsi que d’être entendu, sa grande amitié avec Mme de Merteuil, une de ses anciennes conquêtes, nous avance beaucoup sur sa façon de procéder. Nous voyons au début du roman, que Valmont à beaucoup de respect pour cette dame qu’il juge comme son égal féminin, dans la lettre 4 il dit : « ma très belle Marquise, vous me suivez au moins d’un pas égal ». Lors de ce roman, Valmont conseille sa plus grande amie, essaye de la fixer sur des objectifs ainsi que pour d’autres personnages, sa proie la plus facile sera Cécile de Volanges. Valmont aimerait faire de cette demoiselle une de ses conquêtes afin de se venger de sa mère, Mme de Volanges, qui discrédite énormément Valmont auprès de la présidente de Tourvel. Au début de ses actions, la jeune Volanges ne semble pas très engagée dans cette relation puisque cette dernière n’a d’yeux que pour Danceny. Mais au fur et à mesure du temps, Valmont gagnera sa confiance en lui parlant le soir. Dans la lettre 109, Cécile de Volanges raconte à Mme de Merteuil (sa grande confidente) a quel point Valmont peut se montrer drôle en lui racontant « de drôles de choses et que je n’aurais jamais crû particulièrement sur Maman… » Le propre de Valmont est donc de séduire ses conquêtes dans la finesse, sans jamais se faire repérer afin de garder son statut social et sa dignité. Valmont est un don juan sans pitié, il est cruel et hypocrite mais arrive toujours à se faire aimer des gens où à se faire passer pour une victime, lorsqu’il fait du mal ou que ses agissements sont mauvais, il trouvera toujours quelque chose pour passer au-dessus de ces accusations et retrouver une place sociale stable. L’obligation de demeurer vertueuse ne pèse que sur les femmes, les hommes sont au contraire grandis par leurs multiples conquêtes. Malgré ses actions, Valmont reste donc toujours le personnage le plus demandé de cette histoire, qu’on parle de lui en bien ou en mal, l’essentiel pour lui est qu’on parle de lui. Nous nous rendons donc bien compte qu’il peut être le personnage principal de cette histoire puisqu’il écrit le plus de lettres, c’est donc le personnage dont on entend le plus parler, mais aussi car il arrive à rester dans le cœur des gens par son hypocrisie, sa fausse-gentillesse mais aussi ses actions. En mentant à tout le monde il garde un statut social élevé ce qui fait de lui un très bon protagoniste. Mais malgré cela, nous pouvons aussi nous rendre compte que derrière chaque homme important se cache toujours une femme, ici serait-il possible que derrière sa réussite certaine, Mme de Merteuil soit présente et tire toutes les ficelles ?