Peut-on rire de tout ?

is plus toléré de plaisanter sur des sujets dont on pouvait rigoler hier sans choquer personne.

Paradoxalement, ce durcissement de l’humour d’un côté s’accompagne d’excès de l’autre, comme on peut le voir sur Internet. Beaucoup de blagues et de photomontages parfois de mauvais gout ont traversé la toile du web au lendemain du 11 septembre 2001.

Il semble toutefois y avoir quelque retenues puisque le Tsunami de décembre 2004 n’a pas provoqué une déferlante de plaisanteries. On pourrait presque mesurer la gravité des évènements au temps de latence entre la survenue d’une catastrophe et l’apparition des premières plaisanteries. Mais l’on peut trouver une justification à ce phénomène : le besoin de dédramatiser un évènement choquant, pour évacuer l’angoisse.

Le but même des sketchs d’humoristes est de plaire et faire rire les personnes qui les regardent. Certaines personnes veulent faire passer des idées, des messages, véhiculer des opinions avec l’humour mais je pense qu’il y a certaines choses que nous ne pouvons dire et exposer aux autres, même avec humour.

En effet, je ne considère pas que l’humour soit là pour faire accepter aux autres toutes nos idées et notre façon de penser. Il y a des sujets que l’on ne peut aborder, et ce, même avec humour et/ou dérision.

Rire des handicapés par exemple est de plus en plus « toléré », tandis que rire de la Shoah demeure quelque chose de parfois extrêmement risqué. Si l’on veut rire d’un sujet délicat, il faut faire preuve de subtilité, d’intelligence. Mais l’humour cynique attire. Dans le monde des médias d’aujourd’hui, nous utilisons de plus en plus le sarcasme et le cynisme pour stigmatiser et humilier, puisque cela attire le public et retient l’attention.

Nous pouvons peut être penser que ces plaisanteries ne sont pas réellement pensées mais justement, faites provocantes pour retenir l’attention. Il n’empêche que cela reste un humour qui peut être blessant pour certains, selon les catégories de personnes visées.

Je pense que plutôt que de chercher à définir d’éventuelles limites et autres sujets tabous, il vaut mieux se demander quelle est l’intention du blagueur. Si la plaisanterie est prétexte à se moquer, stigmatiser, rabaisser… alors il y a des raisons de s’inquiéter et de condamner. Comme le souligne Patrice Berger, « non seulement on peut rire de tout, mais on doit rire de tout. La limite n’est pas dans ce qui est dit mais dans la manière dont c’est dit. Un sketch qui se dit humoristique mais qui ne l’est pas devient une vulgarité. »