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es soixante-dix, ce qui a permis notamment à certains ménages d’accéder à la propriété foncière et ce qui a concouru à la croissance économique. Celle-ci peut se définir comme une augmentation soutenue, pendant une longue période, d’un indicateur de dimension ; on prend généralement le PNB (Produit national brut). La croissance n’est pas toujours présente, elle peut alterner avec des périodes de crise. Celles-ci sont déterminées par la phase de retournement du cycle économique, qui après une phase d’expansion rentre dans une période de dépression. Nous étudierons la période 1980 -1997, en privilégiant le cas de la France et en nous interrogeant sur l’influence des taux d’intérêt réels. Sont-ils révélateurs de la crise des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix ?

Pour répondre à cette question nous verrons d’abord la formation des taux d’intérêt en termes théoriques pour nous intéresser ensuite à des aspects plus conjoncturels.

Jean-Paul Fitoussi dans son livre : Le débat interdit, monnaie, Europe, pauvreté (1995), dans un chapitre intitulé : « la tyrannie financière » remarque le niveau trop élevé des taux d’intérêt réels, c’est-à-dire l’écart entre le taux nominal payé par les agents et le taux d’inflation, actuellement et dans les principaux pays européens. Les taux d’intérêts réels sont de l’ordre de cinq à six pour cent. Par contre, dans les années soixante-dix, ces mêmes taux varièrent entre zéro et un pour cent et furent mêmes parfois négatifs. Un taux négatif favorise les emprunteurs au détriment des créanciers. En effet, l’augmentation continue des prix diminue le pouvoir d’achat futur des ménages mais allège en même temps le poids de la dette. Le loyer de l’argent n’opère pas les remboursements des emprunts , J.P. Fitoussi en déduit l’écart critique qui est la différence entre le taux d’intérêt réel et le taux de croissance de l’économie. Mais avant de détailler l’influence des taux d’intérêt sur la croissance économique et ses conséquences en termes de crise ou de récession, il serait intéressant de revenir sur les principales théories de la formation des taux dans l’histoire de la pensée économique.

K. Wicksell appartenant à l’Ecole suédoise, s’est interrogé à l’analyse macroéconomique contemporaine, notamment dans deux ouvrages : Interest and Prices (1898) et Lectures (1806) où son approche se démarque d’une perspective marshallienne, qui est plus microéconomique et basée sur la confrontation d’une offre et d’une demande sur un marché. Celle de Wicksell est dynamique et s’étudie en termes de déséquilibre. Il introduit la définition du « taux naturel de l’intérêt » qui accorde, à l’équilibre, offre de biens capitaux et demandes de biens capitaux, assure l’équilibre entre épargne et investissement. Wicksell note dans ses lectures d’économie politique que le taux naturel « correspond plus ou moins au rendement attendu du capital ». Dans la théorie wicksellienne, quand le taux d’intérêt offert par les banques descend en-dessous du taux naturel, celui qui assure l’équilibre entre épargne et investissement, il risque d’y avoir surinvestissement qui peut entraîner l’économie dans une spirale inflationniste. L’Etat, via la banque centrale ou les banques commerciales, peuvent arrêter ce processus.

Le taux d’intérêt « naturel » rejoint le taux d’intérêt réel et à l’inverse des taux faibles, les taux réels élevés peuvent réduire les possibilités d’investissement et provoquer ainsi une récession économique. A l’opposé, Wicksell parle de ce « processus cumulatif » dans la mesure où la rentabilité du capital étant supérieure aux taux d’intérêt sur les crédits proposés par les banques, la hausse de prix diminue le coût réel des emprunts. Les années soixante-dix rassemblaient l’ensemble de ces éléments (inflation, croissance de la production, coûts réels faibles) et entraînaient l’économie dans un état de déséquilibre.

De plus, J.R. Hicks dans Valeurs et Capital apporte le concept « d’élasticité d’anticipation » comme le rapport entre l’inflation future et l’inflation actuelle. Si ce rapport est supérieur à l’unité, l’inflation va continuer d’augmenter, le processus sera cumulatif et en déséquilibre. Par contre, si l’élasticité d’anticipation est inférieure à un, les entrepreneurs vont réduire leur demande de fonds à cause de l’augmentation prévue du coût réel de leur financement. Celle-ci provoquera une diminution de l’inflation qui confirmera de nouvelles anticipations à la baisse ; le système retrouvera son équilibre initial mais cette situation risque de réduire l’activité économique et l’emploi en particulier. Le concept d’élasticité d’anticipation de Hicks montre qu’une situation de déséquilibre peut revenir à l’équilibre mais cela se fait par rapport à des projections dans l’avenir qui sont à la baisse, notamment en ce qui concerne l’inflation. Les charges de remboursement deviennent plus importantes, les entrepreneurs revoient à la baisse leurs anticipations, l’activité économique se réduit d’elle-même. On peut y voir une explication des crises économiques des années quatre-vingt surtout en les comparant aux années d’expansion économique des années soixante et soixante-dix.

L’analysé développée par I.Fisher dans son livre : The Theory of Interest permet d’apporter d’autres éléments pour la compréhension de la formation des taux d’intérêt nominaux et réels. Pour lui, le taux d’intérêt nominal est la somme du taux d’intérêt réel et du taux d’inflation anticipé. De cette formule, Fisher, en retient les conclusions suivantes : en période d’anticipations inflationnistes, le taux d’intérêt a tendance « à être élevé quand le niveau des prix est en hausse et bas quand le niveau des prix est en baisse ». De plus, dans un processus inflationniste, les ajustements ne se font pas immédiatement, il en résulte que l’apparition de taux élevés est décalée par rapport à l’inflation actuelle. Fisher ajoute « le taux d’intérêt a nettement tendance à être élevé quand le niveau des prix est élevé et bas dans le cas inverse ». Dans la théorie de Fisher, les anticipations inflationnistes font monter les taux d’intérêt, surtout nominaux. Comme le rajoute Fisher, une baisse des anticipations fait diminuer les taux nominaux mais peut maintenir les taux réels au même niveau, ce qui peut aggraver la situation. En effet, la désinflation alourdit le service de la dette au titre du remboursement du capital emprunté (amortissement) et du paiement des intérêts ; la baisse des taux nominaux donne l’illusion, pour reprendre les termes keynésiens, d’une possibilité de relance mais les taux réels peuvent être maintenus à des niveaux élevés ce qui bloque l’investissement et obère de dettes les emprunteurs. La théorie fishersienne peut expliquer, comme l’analyse de Wicksell sur le taux naturel, une des causes des crises économiques, notamment dans les années quatre-vingt.

L’analyse de Fisher se centre surtout sur la crise des années trente et en particulier la grande crise de 1929-1933 mais elle peut nous permettre de comprendre celle des années quatre-vingt. En effet, Fisher, dans un article : « La théorie des grandes dépressions par la dette et la déflation », publié dans la revue : Econometrica (1933), détaille l’influence des taux sur l’activité économique. Il constate que le surendettement et la déflation peuvent être à l’origine de la dépression. Le surendettement est la conséquence d’une trop grande confiance dans l’avenir et dans les capacités d’innovation des entrepreneurs. Une période d’euphorie peut conduire à anticiper de forts taux de profit et solliciter l’octroi de crédits aux banques commerciales. Ce qui peut dégrader les ratios de liquidité des entreprises, alourdir le poids des dettes et provoquer une spéculation financière sur les marchés boursiers. Pour Fisher, cette expansion trop rapide conduit à une « bulle dans la dette » où comme on le remarque aujourd’hui il y a une déconnexion entre sphère financière et sphère réelle. La hausse des cours des actions « appelle » la hausse jusqu’au moment où une crise de confiance s’instaure et par effet de mimétisme détaillé et analysé par Keynes en particulier, les marchés basculent d’une position haussière à une position baissière généralisée. Un krach peut s’ensuivre et faire passer l’économie dans une phase, plus ou moins longue de dépression.

La crise boursière de 1987 peut être analysée à l’aide de la théorie de Fisher. La phase de dépression entraîne une contraction de dépôts et une baisse de la circulation de la monnaie ; ces effets conjugués à un ralentissement de l’activité économique, de la production, de l’investissement, de la consommation des ménages, font diminuer les prix, c’est une période déflation qui commence. Fisher note à ce propos que la crise vient du fait que la « définition causée par la dette réagit sur la dette ». Cette analyse peut être rapprochée de la remarque de J.P. Fitoussi. En effet, Fisher constate que si les agents ne pensent pas rembourser leurs dettes au rythme de la diminution des prix, celle-ci s’alourdit en fait réellement et il écrit notamment : « Plus les débiteurs remboursent, plus ils doivent ». La dette peut diminuer en apparence, mais uniquement en termes nominaux, elle aggrave le poids des emprunts et contraint les débiteurs à la faillite. Ces phénomènes entraînent la société dans une crise

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