Commentaire Les Caractères, Jean De La Bruyère
Dissertation : Commentaire Les Caractères, Jean De La Bruyère. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoireses yeux en mangeant ; la table est pour lui un râtelier ; il écure ses dents, et il continue de manger ». Les phrases courtes donnent un rythme rapide qui suggère la vitesse de Gnathon à manger. L’expression « et il continue de manger » montre que ce schéma est cyclique. Gnathon semble manger en permanence en reproduisant les mêmes gestes. L’auteur montre ainsi Gnathon comme un individu qui mange avec excès et gloutonnerie.
Ce portrait de Gnathon nous permet certes de mettre en évidence sa gloutonnerie, mais aussi son caractère égocentrique. Notons tout d’abord l’anaphore du pronom « il ». Elle montre que Gnathon passe toujours en premier. L’expression « il oublie que le repas est pour lui et pour toute la compagnie » renforce ce sentiment. « pour lui » est placé en premier ; cela donne l’impression que « la compagnie » est secondaire, facultative. Egocentrique certes, Gnathon se veut aussi supérieur et insensible. Dans le texte, le pronom « il » est en perpétuel opposition au reste des hommes, les déniés, désignés avec les expressions « tous les hommes », « plusieurs ». Cette antithèse insiste sur le fait que Gnathon s’oppose au reste de la société. L’hyperbole « il occupe à lui seul celle des deux autres » montre une fois de plus la supériorité de Gnathon : il équivaut à lui seul deux personnes. Enfin, on peut citer l’abondance des négations restrictives (« Gnathon ne vit que pour soi », « il ne connaît de maux que les siens »). Elle permet d’insister sur le fait que Gnathon se s’occupe que sa personne et de ses problèmes. Si au début du texte, ils paraissent minimes (« il ne se sert à table que de ses mains »), la fin du texte présente Gnathon et son rapport à la mort, qui là aussi est empreint d’un égocentrisme exceptionnel (« n’appréhende que [sa mort], qu’il rachèterait volontiers de l’extinction du genre humain »). On pourrait y voir le principe d’une religion à l’envers : Gnathon ne veut pas se sacrifier pour les autres, loin de là, il veut au contraire sacrifier les autres pour lui seul. La Bruyère nous décrit ici un personnage individualiste qui ne pense qu’à lui.
Enfin, après avoir commenté deux aspects de Gnathon peu glorieux, l’auteur veut mettre en évidence que Gnathon n’est même plus un être humain, mais un animal répugnant en utilisant la gradation « il manie les viandes, les remanie, démembre, déchire ». On note en premier lieu le préfixe re- (« il manie, re-manie ») qui insiste sur l’aspect répétitif des dîners de Gnathon, qui répète les mêmes gestes. Le préfixe dé- du verbe « démembre » indique une suppression ; il a également une connotation violente : Gnathon s’acharne sur ce qu’il mange. Enfin on peut remarquer l’absence de COD à la fin de la phrase. Gnathon démembre et déchire tout ce qu’il a sous la main. L’auteur veut insister sur le fait que Gnathon ne s’intéresse pas à ce qu’il mange, il mange, tout simplement. De même l’allitération en « r » (« grand bruit », « roule », « râtelier », « écure ») fait penser au rugissement d’un prédateur. Elle met en valeur la dureté et la férocité de Gnathon. Le comportement bestial de Gnathon est aussi mis en valeur avec les expressions « il mange haut et avec grand bruit », « il roule les yeux en mangeant ». Citons enfin la métaphore « la table est pour lui un râtelier » où le repas est comparé à celui d’une bête rien qu’avec la présence de Gnathon. La Bruyère nous montre ainsi le côté bestial et violent du personnage de Gnathon.
Si l’auteur utilise ce portrait pour caricaturer le personnage grossier de Gnathon, il met également en valeur grâce une antithèse les qualités de l’homme idéal de son époque, en décrivant un personnage dégoutant, parasite et associable. En effet, l’auteur montre dans ce texte un personnage rebutant et qui suscite le dégoût. Par exemple, prenons l’hyperbole « capable d’ôter l’appétit aux plus affamés ». On remarque le pluriel et le superlatif « aux plus affamés » : Gnathon arrive à couper l’appétit à plusieurs personnes à la fois, même si elles sont affamées. On note également l’expression « ôter l’appétit », bien élégante à côté de la manière monstrueuse de Gnathon de manger. Le pléonasme « malpropretés dégoutantes » est aussi un bon exemple du manque de savoir-vivre de Gnathon. Les termes sont péjoratifs et mis en valeur avec l’allitération en « t » et « d » dans la phrase « les jus et les sauces lui dégouttent du menton et la barbe » qui reproduit le son de la nourriture s’écoulant de la barbe de Gnathon. Un rythme binaire (« menton et barbe », « le jus et les sauces ») insiste sur ce grossier spectacle. On peut enfin remarquer un conditionnel : « s’ils veulent manger ». La Bruyère suggère ici que le spectacle de Gnathon en train de manger est tellement répugnant qu’il procède du miracle que les invités aient encore faim. L’auteur veut, une fois de plus, insister sur le personnage mal élevé de Gnathon. Il devient ici un personnage rebutant et sale, qui suscite chez le lecteur du dégoût.
Il s’agit ensuite de voir en quoi Gnathon se montre parasite et sans gêne. On note en premier lieu le superlatif : « il sait toujours se conserver dans la meilleure chambre le meilleur lit ». L’adjectif superlatif « meilleur » est répété deux fois ; l’auteur veut insister sur le fait que Gnathon n’est jamais content, il veut toujours plus. L’expression « Non content » placée en début de phrase et ainsi mise en valeur souligne cet aspect. La répétition du pronom « tout » ne peut que renforcer ce sentiment : « tout ce qu’il trouve sous sa main lui est propre, hardes, équipages » ; « il embarrasse tout le monde », etc. Il s’approprie même ce qui ne lui appartient pas : « ses valets, ceux d’autrui, courent dans le même temps pour son service ». On remarque qu’au début de la phrase, ses valets et ceux de ses compagnons sont définis
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