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Commentaire du texte de Gustave Flaubert Extrait de Madame Bovary

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vantage l’intimité de leur vie, un détachement intérieur se faisait qui la déliait de lui.

La conversation de Charles était plate comme un trottoir de » rue, et les idées de tour le monde y défilaient dans leur costume ordinaire, sans exciter d’émotions, de rire ou de rêveries. Il n’avait jamais été curieux, disait-il, pendant qu’il habitait Rouen, d’aller voir au théâtre les acteurs de Paris. Il ne savait ni nager, ni faire des armes, ni tirer le pistolet, et il ne put, un jour, lui expliquer un terme d’équitation qu’elle avait rencontré dans un roman.

Un homme, au contraire, ne devait-il pas, tout connaitre, exceller dans des activités multiples, vous initier aux énergies de la passion, aux raffinements de la vie, à tous les mystères ! Mais il n’enseignait rien, celui-là, ne savait rien, ne souhaitait rien. Il la croyait heureuse ; et elle lui en voulait de ce calme si bien assis, de cette pesanteur sereine, du bonheur même qu’elle lui donnait.

Elle dessinait quelques fois ; et c’était pour Charles un grand amusement que de rester là, tout debout, à la regarder penchée sur son carton, clignant des yeux afin de mieux voir son ouvrage, ou arrondissant, sur son pouce, des boulettes de mie de pain. Quand au piano, plus les doigts y couraient vite, plus il s’émerveillait. Elle frappait sur les touches avec aplomb, et parcourait du haut en bas tout le clavier sans s’interrompre. Ainsi secoué par elle, le vieil instrument, dont les cordes fusaient, s’entendait jusqu’au bout du village sui la fenêtre était ouverte, et souvent le clerc de l’huissier qui passait sur la grande route, nu-tête et en chaussons, s’arrêtait à l’écouter, sa feuille de papier à la main.

[…] Charles finissait par s’estimer davantage de ce qu’il possédait une pareille femme. Il montrait avec orgueil dans la salle, deux petits croquis d’elle, à la mine de plomb, qu’il avait fait encadrer de cadres très larges et suspendus contre le papier de la muraille à de longs cordons verts.

COMMENTAIRE du texte de Gustave FLAUBERT extrait de Madame Bovary

Flaubert, à qui ses amis poètes avaient reproché d’être trop lyrique dans la première version de la Tentation de Saint Antoine, décide d’écrire une œuvre plus réaliste. Ce sera Madame Bovary, dont l’histoire inspirée par un fait divers réel, paraît d’abord dans la Revue de Paris en 1856 puis en librairie en 1857 à l’issu d’un procès qui se termine par un acquittement et qui rend Flaubert célèbre. Flaubert a mis en scène, un personnage Emma Bovary qui se considère différente de ce qu’elle est vraiment et qui est donc victime d’aspirations qu’elle ne peut satisfaire dans a vie étriquée de petite bourgeoise sentimentale. Nous allons rechercher dans ce texte d’une part en quoi consiste ces aspirations et d’autre part comment la vie réelle s’y oppose. Nous expliquerons ensuite comment la conception de l’existence de Charles diffère de celle d’Emma.

Les aspirations d’Emma Bovary.

Emma Bovary rêve d’évasion car ses lectures de jeunesse l’ont converti aux idées du romantisme et c’est pourquoi elle aurait souhaité une lune de miel qui aurait réussi à la dépayser en la conduisant jusqu’à des terres inconnues comme elle le dit à la ligne 3 : « …il eût fallu, sans doute, s’en aller vers ces pays à noms sonores… ».

Elle se fait aussi une idée raffinée de l’amour et c’est pourquoi, elle aurait voulu un compagnon qui ne vit que pour elle et lui fait sans cesse des serments d’amour éperdus comme cela est mentionné à la ligne 9 : »…seuls et les doigts confondus, on regarde les étoiles en faisant des projets. ».

Cette idylle sans fin aurait pour cadre un lieu aussi idéal qu’elle, ici un coin de nature dans la montagne qui met le couple face à face dans un site paradisiaque tel qu’il est décrites lignes 5 à 7 : « on monte au pas des routes escarpées…dans la montagne avec les clochettes des chèvres et le bruit sourd de la cascade ». Ce retranchement des amoureux dans la montagne fait penser au roman pastoral en vogue au 17ème siècle qui mettait aussi en scène les amours de bergers et bergères au sein de la nature. Mais l’amour de la nature est également un thème romantique.

Plus loin on retrouve le thème romantique de l’exotisme lorsque Emma imagine Que ses amours se déroulent au pays ou on respire au bord des golfes le parfum des citronniers » (ligne 8).

Tous ces clichés du romantisme puisés dans ses lectures qui nourrissent la rêverie d’Emma deviennent pour elle les conditions indispensables au bonheur comme il est dit à la ligne 10 à 12 : »Il lui semblait que certains lieux sur la terre devaient produire le bonheur, comme une plante particulière au sol et qui pousse mal tout autre part. ». Aussi Emma a beaucoup de mal à accepter la brutalité de la vie quotidienne et ressent une vive déception au contact de la réalité qui rend pour elle le bonheur impossible et la plonge dans la morosité comme elle l’exprime à la ligne 14 : »enfermer sa tristesse ».

Comment la vie réelle s’oppose-t-elle aux aspirations d’Emma ?

Ce qui, selon elle empêche ses aspirations de se réaliser, c’est la médiocrité de son mari Charles. Tout d’abord, elle lui reproche d’avoir une conversation trop ordinaire : »plate come un trottoir de rue » (ligne 33-34). Cette métaphore introduit un mouvement rectiligne qui n’entraîne aucun progrès s’opposant au mouvement ascensionnel de la ligne 5 : »on monte au pas des routes escarpées ». Cette impression que les personnages restent figés dans leur milieu et n’évoluent pas se retrouve à la ligne 46 : »Mais il n’enseignait rien, celui-là, ne savait rien, ne souhaitait rien. »

C’est aussi cette ignorance de Charles qui éloigne de lui Emma. Elle ne lui reconnaît aucune qualité et ne parle de lui qu’en termes négatifs. C’est le cas de la ligne 37 à la ligne 43 : « Il n’avait jamais été curieux…ne savait ni nager, ni faire des armes… ». Elle voudrait donc qu’il pratique les activités des aristocrates : chasser, aller au théâtre, monter à cheval, qu’il ait un langage recherché comme eux et qu’il s’habille avec élégance comme le mari rêvé à la ligne 14-16 : «un mari vêtu de velours noir à longues basques… ».

En opposition avec ce portrait, Charles a plutôt l’aspect d’un paysan grossier qui ne connaît rien à la vie et qui paraît ridicule, sans bonnes manières : (ligne 51-52) « …clignant les yeux…ou arrondissant, sur son pouce, des boulettes de mie de pain. ». Il manque de finesse car il ignore tout des états d’âme de sa femme qu’elle aimerait lui, confier au début (ligne 24-29) : « …Si son regard, une seule fois, fût venu à la rencontre de sa pensée, il lui semblait qu’une abondance subite se serait détachée de son cœur… ». Mais la vie commune l’éloigne davantage de lui et elle pense qu’il est inutile de lui parler car il est incapable de comprendre.

La conception de l’existence de Charles :

En effet Charles a une conception de la vie qui s’oppose à celle d’Emma. Il se satisfait de ce que la vie lui apporte et éprouve même du bonheur face à ce quotidien ordinaire comme cela est exprimé à la ligne 47-48 : « …et elle lui en voulait de ce calme si bien assis, de cette pesanteur sereine, du bonheur même qu’elle lui donnait.

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