Droit Constitutionnel 2
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La Ve République échappe aux typologies classiques des différents régimes démocratiques. Conçue à l’origine comme un régime parlementaire dans lequel les pouvoirs de l’exécutif sont renforcés, elle est devenue un régime de type semi-présidentialiste depuis le référendumRéférendumProcédure de vote permettant de consulter directement les électeurs sur une question ou un texte, qui ne sera adopté qu’en cas de réponse positive. de 1962 qui a instauré l’élection du président de la République au suffrage universelSuffrage universelDroit de vote accordé à tous les citoyens majeurs. direct.
La Ve République apparaît donc comme un régime hybride présentant simultanément des caractéristiques propres au régime présidentiel et au régime parlementaire. C’est cette originalité de notre constitution qui explique l’effacement temporaire de la fonction présidentielle au profit du Premier ministre dans les périodes dites de cohabitation.
1958 : un régime parlementaire « rationalisé »
Les institutions présentaient, à l’origine, les caractéristiques d’un véritable régime parlementaire conforme à la tradition républicaine française, sous réserve de certaines innovations tendant à « rationaliser » le parlementarisme.
Les principes de départ
La constitution de 1958 répond d’abord aux exigences de la loi constitutionnelleLoi constitutionnelleLoi qui modifie la Constitution. du 3 juin 1958. Cette loi confiait au gouvernementGouvernementOrgane collégial composé du Premier ministre, des ministres et des secrétaires d’Etat chargé de l’exécution des lois et de la direction de la politique nationale. de Gaulle, dernier gouvernement de la IVe République, le pouvoir de réviser la constitution. Elle prévoyait le maintien d’un régime parlementaire, caractérisé par la responsabilité du Gouvernement devant le ParlementParlementOrgane collégial qui exerce le pouvoir législatif (adoption des lois et contrôle du pouvoir exécutif). En France, le Parlement est composé de deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat., qui pouvait le renverser. Le ministre de la Justice, Michel Debré, lors de la présentation du projet de constitution devant le Conseil d’État le 27 août 1958, a insisté sur le respect de cette condition.
Il a, par ailleurs, clairement précisé les intentions des rédacteurs de la nouvelle constitution dont le but était de rompre avec l’instabilité ministérielle caractéristique du régime d’assemblée, sans pour autant instituer un régime présidentiel : « à la confusion des pouvoirs dans une seule assemblée, à la stricte séparation des pouvoirs avec priorité au chef de l’État, il convient de préférer la collaboration des pouvoirs : un chef de l’État et un Parlement séparés, encadrant un Gouvernement issu du premier et responsable devant le second, entre eux un partage des attributions donnant à chacun une semblable importance dans la marche de l’État et assurant les moyens de résoudre les conflits qui sont, dans tout système démocratique, la rançon de la liberté. »
Le régime mis en place
La nature véritable du régime, défini par la constitution de 1958, est bien un régime parlementaire.
En effet, l’article 50 pose clairement le principe de la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale. Il impose sa démission en cas d’adoption par celle-ci d’une motion de censure ou de vote négatif sur son programme ou sur une déclaration de politique généraleDéclaration de politique généraleActe par lequel le Premier ministre engage la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale ou demande une approbation au Sénat en présentant son programme de gouvernement.. De plus, le texte ne prévoit pas de séparation stricte des pouvoirs : le Gouvernement dispose de l’initiative législative ; l’Assemblée nationale peut renverser le Gouvernement ; le chef de l’État dispose du pouvoir de dissoudre cette chambre.
La constitution de 1958 ne met donc pas en place de régime présidentiel.
Elle ne prévoyait pas, à l’origine, l’élection du président de la République au suffrage universel direct, qui est la principale caractéristique du régime présidentiel.
Elle entendait également rompre avec le régime d’assemblée. Il s’agissait d’éviter l’instabilité ministérielle et de préserver le Gouvernement d’un accroissement des prérogatives du Parlement à son détriment. Pour ce faire, la constitution a strictement encadré les prérogatives de législation et de contrôle des deux chambres composant le Parlement au profit du gouvernement.
À titre d’exemple, on peut citer la limitation du domaine de la loi aux seules matières énumérées par la constitution et l’extension concomitante du pouvoir réglementaire. Cette mesure constitue une évolution très importante, car la loi pouvait jusque-là traiter de toutes les questions. De même, l’institution d’un contrôle de constitutionnalitéConstitutionnalitéQualité de ce qui est conforme à la Constitution des lois et des règlements des assemblées, c’est-à-dire la vérification de leur conformité à la constitution, constitue une remise en cause du caractère incontestable de la loi.
On peut citer aussi, comme outils permettant de limiter et de « rationaliser » l’action du Parlement, la maîtrise à l’origine par le Gouvernement de l’ordre du jour des deux chambres (depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Gouvernement n’en définit plus qu’une partie), la faculté pour ce dernier dans certains cas de légiférer par ordonnances ou encore la suppression de l’interpellation, qui avait provoqué de nombreuses crises ministérielles sous les Républiques précédentes. De même, l’incompatibilité entre les fonctions ministérielles et le mandatMandatDurée d’exercice d’une fonction élective parlementaire vise à marquer une séparation stricte entre les ministres et les parlementaires, alors même que dans les régimes précédents les fonctions exécutives étaient systématiquement exercées par des parlementaires et que les ministres disposaient du droit de vote dans leur chambre d’origine.
Dans cette perspective, la constitution a aussi accrû la légitimité du président de la République en modifiant le régime de son élection par rapport aux deux Républiques précédentes. Le chef de l’État devait ainsi être élu, non plus par les seuls parlementaires, mais par un collège électoral élargi aux représentants des collectivités locales (départements et communes).
1962 : un régime semi-présidentiel
La modification du mode d’élection du président devait profondément modifier cet équilibre institutionnel en consacrant la prépondérance du chef de l’État au sein des institutions. La légitimité renforcée du président de la République en fait ainsi la véritable clé de voûte du système politique, alors que son droit de dissolutionDissolutionActe par lequel le Chef de l’Etat met fin par anticipation au mandat de l’ensemble des membres d’une assemblée parlementaire limite la possibilité pour l’Assemblée nationale de mettre en cause la responsablilité du Gouvernement.
Il est en effet clair que la légitimité du chef de l’État est désormais supérieure à celle des députés, puisque ceux-ci sont élus dans le cadre de circonscriptions limitées et qu’ils sont divisés en différents groupes politiques. Le chef de l’État, quant à lui, est élu par l’ensemble des citoyens et représente ainsi l’ensemble des Français, quelles que soient leurs tendances politiques.
L’équilibre des pouvoirs conçu par le constituant de 1958 connaît de profondes modifications, consacrées par l’usage plus que par l’application littérale des textes constitutionnels.
Ainsi, le vote de confiance, sur le programme de l’équipe gouvernementale par l’Assemblée nationale, a perdu son caractère systématique à compter de 1962. L’article 49 de la constitution dispose sur ce point que « le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministresConseil des ministresFormation collégiale réunissant l’ensemble des ministres., engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale ». Cette disposition visait à réformer les mécanismes de l’investiture gouvernementale, particulièrement contraignants sous la IVe République, puisqu’ils donnaient lieu à un double vote. Le président du Conseil nommé par le président de la République devait solliciter une première fois la confiance des parlementaires, puis se présenter à nouveau devant eux avec l’ensemble de l’équipe ministérielle. L’investiture dépendait ainsi davantage de la composition politique du Gouvernement que de son programme d’action, ce qui devait contribuer au discrédit du régime.
La nouvelle procédure retenue par la constitution de 1958 prévoyait deux mécanismes distincts. Une fois le Premier ministre désigné et les autres membres du gouvernement nommés sur sa proposition par le président de la République, la nouvelle équipe devait solliciter la confiance de l’Assemblée nationale sur son programme. Le Premier ministre a, par ailleurs, la possibilité de solliciter
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