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Exposé : le décès d'un associé en droit OHADA

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Par   •  26 Juillet 2020  •  Dissertation  •  6 538 Mots (27 Pages)  •  2 489 Vues

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INTRODUCTION

Très empreinte de la philosophie du droit naturel, la préface du Commentaire du contrat de société en matière civile et commerciale de M. TROPLONG offre de découvrir  que l’homme s’associe avec ses semblables pour satisfaire à son besoin d’appui. Il rechercherait dans l’association un remède à ses insuffisances. « L'homme (…) n'a fait qu'obéir à ses instincts les plus intimes lorsqu'il a appliqué l'idée de la société à l'administration de ses intérêts matériels »[1]. A en croire l’auteur, le recours à la société par l’homme, l’entrepreneur n’est que la résultante d’un processus naturel cohérent.

Mais, si l’on postule que la société est naturelle par sa cause, son but est principalement économique. Il a donc été primordial de lui octroyer un cadre juridique sûr et équilibré. C’est en cela que dans sa logique de réforme du droit des affaires de ses Etats membres entamée depuis le 17 octobre 1993[2], l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) s’est dotée le 17 avril 1997 d’un Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUSCGIE), révisé le 1er janvier 2014 à Ouagadougou. Cet Acte uniforme entend livrer aux justiciables de l’espace OHADA un corpus de règles de droit modernes sur le fonctionnement l’entreprise sociétaire. Il dévoile les différentes catégories et formes ainsi que les régimes juridiques communs et spécifiques à chaque société commerciale.

Mais qu’est-ce en réalité qu’une société commerciale ? A la lumière des articles 4 et 5 de l’Acte uniforme précité, la société commerciale peut être  appréhendée comme une entreprise créée par une ou plusieurs personnes qui« conviennent (…) d'affecter à une activité des biens en numéraire ou en nature, ou de l'industrie, dans Ie but de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui peut en résulter. Les associés s'engagent à contribuer aux pertes (…)». Par ailleurs, le second alinéa de l’article 4 précise que « la société doit être créée dans l’intérêt commun des associés». En ce sens, M. PAILLUSSEAU précise que « la société est une organisation juridique de l’entreprise »[3].

En outre, les sociétés commerciales sont réparties en sociétés à risque illimité (Société en nom collectif ou S.N.C., Société en commandite simple ou S.C.S., Société en participation ou S.E.P., Société de fait ou société créée de fait) et en sociétés à risque limité (Société à responsabilité limité ou S.A.R.L., Société anonyme ou S.A., Société par action simplifiée ou S.A.S). Par image, on pourrait assimiler la société à un corps dont les cellules seraient les associés. L’associé est en effet défini par le Vocabulaire juridique comme un «membre d’un groupement constitué sous forme de société dont les droits essentiels consistent à participer aux bénéfices, à concourir au fonctionnement de la société, à être informé de la marche de celle-ci et dont les obligations  sont la libération de ses apports et la contribution aux pertes»[4].

Une fois appréhendée, la société commerciale révèle aussitôt son essence humaine dans la mesure où elle n’échappe pas à la fatalité mortifère des hommes qui la composent. Il arrive en effet que l’un des associés – si ce n’est plusieurs à la fois – perdent la vie en plein exercice social. Il s’en suit alors une période d’incertitude plus ou moins prononcée selon le type de société concerné. La société va-t-elle survivre à une telle perte ? Les héritiers pourront-ils poursuivre l’œuvre entamée par l’associé prédécédé ? Les associés survivants sont-ils de cet avis ? Qu’en est-il des parts ou actions du de cujus ? En somme, le décès d’un associé d’une société commerciale pose une problématique juridique majeure que l’on peut synthétiser comme suit : quel est le sort de la société commerciale après le décès d’un associé et quels effets s’y attachent ?

Cette question présente un intérêt juridique certain d’autant plus que le contentieux en la matière n’est pas avare d’exemples[5]. En outre, déterminer les chances de survie d’une société commerciale à la mort d’un associé est d’un intérêt économique réel. En effet, les sociétés commerciales sont les locomotives de toute économie, grandes pourvoyeuses de valeur ajoutée, de ressources fiscales[6] et donc une source d’inspiration de la politique économique des Etats. Mais à l’évidence, deux systèmes issus de la summa divisio sus-évoquée sont en confrontation. Aussi, une démarche comparative a-telle suscité dans le cadre de ces travaux plus d’intérêt théorique qu’une simple étude descriptive des solutions propres à chaque forme de société sans aucun rapport. En fin de compte, il advient que du sort réservé à une société commerciale après le décès d’un associé (chapitre1) dépendent des effets spécifiques (chapitre 2).

CHAPITRE 1 : LE SORT DE LA SOCIETE COMMERCIALE APRES LE DECES D’UN ASSOCIE

Une société commerciale endeuillée peut, comme l’associé défunt, mourir, la dissolution étant assimilée à la mort, ou continuer à exister. Il convient par conséquent d’évaluer la dissolubilité des sociétés commerciales pour cause de décès (section 1) avant de préciser les modalités de leur éventuelle continuation (section 2).

Section 1 : la dissolubilité des sociétés commerciales pour cause de décès d’un                                                                                                                                                                                             associé

          Les solutions offertes à la société commerciale endeuillée diffèrent selon les deux grandes familles de sociétés commerciales (prg. 1). Un exposé préalable de celles-ci précèdera une analyse de leurs fondements (prg. 2).

Paragraphe 1 : Des solutions distinctes selon les deux grandes familles de société commerciale

           On note une sensibilité relative des sociétés à risque illimité au décès d’un associé (A) qui s’oppose à la quasi insensibilité des sociétés à risque limité en pareille situation (B).

  1. La sensibilité relative des sociétés à risque illimité au décès d’un associé : une solution bâtie sur le modèle de la S.N.C.

Il faut préciser d’emblée que les sociétés à risque illimité, sauf quelques spécificités, sont règlementées sur le modèle de la société en nom collectif. En effet, « Si la SNC est la société de personnes par excellence, elle apparaît aussi comme l’une des plus anciennes formes de société commerciale[7]. Ainsi, l’article290 alinéa 1erde l’Acte uniforme dispose : « la société prend fin par Ie décès d'un associé »La dissolution s’opère de plein droit, c’est-à-dire sans formalité aucune. Cette règle a été étendue par les articles 308 alinéa 3, 862 alinéa 1er et 868 respectivement à la société en commandite simple, la société en participation et aux sociétés de fait (lato sensu). Il convient de préciser toutefois, en ce qui concerne la société en commandite simple, que seul le décès d’un associé commandité peut entraîner la dissolution de la société, le commanditaire étant soumis à un régime semblable à celui des sociétés à risque limité.

Cependant, lors de la rédaction des statuts, les associés peuvent se montrer prévoyants et immuniser leur société contre l’effet destructeur du décès de l’associé. En effet, l’article 290 alinéa 1er  dispose : « toutefois les statuts peuvent prévoir que la société continue […] ». Cette solution s’étend également aux autres sociétés de personnes. Elle est à saluer car elle atténue fortement la dissolubilité pour cause de décès des sociétés de personnes très critiquée par le passé et qui constituait la grande faiblesse de cette famille de société. Le législateur relègue ainsi la dissolution de plein droit au rang d’une règle supplétive qui ne s’appliquerait que dans le silence du contrat de société.  On comprend donc que cette immunité statutaire soit très prisée par la pratique[8]. Ne frise-t-elle pas néanmoins la quasi insensibilité décelée dans les sociétés à risque limité en pareille situation ?

  1. La quasi insensibilité des sociétés à risque limitée face au décès d’un associé

Contrairement aux sociétés de personnes, les sociétés à risque limité (S.A.R.L., S.A., S.A.S.) se caractérisent par une survie de principe à la mort d’un associé. En fait, celles-ci ne dénotent pas de la même « relation fusionnelle » qui prévaut dans celles-là. Le décès d’un associé n’entraîne pas de facto la dissolution de la société.

Ainsi, dans les sociétés de capitaux, la survie est tellement naturelle et logique que le législateur ne se prononce même pas sur la question de la dissolubilité pour cause de décès d’un associé. Mais, ce mutisme légal ne se constate pas pour la S.A.R.L. Il l’eût fallu l’affirmer de façon expresse à l’article 384 alinéa 3 : « elle n’est pas […] dissoute par le décès d’un associé ».

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