Le Baroque

d’exister. L’Art baroque s’adresse tout d’abord à l’âme du spectateur. Ses effets pathétiques et théâtraux, ses jeux d’illusions et ses formes mouvementées visent à convaincre, à susciter une émotion intérieure. Les œuvres baroques se caractérisent par le thème religieux qui est un des buts premiers du baroque, par une abondance de personnages allant dans le sens du caractère « foisonnant » du baroque, par la déstructuration propre à ce mouvement, par le luxe et par la mort qui est un thème privilégié. Bénito Pelegrin dans D'un temps d'incertitude présente à travers personnages de fiction et personnes historiques, poésie, théâtre et opéra un nouveau visage du Baroque, moins morbide qu'ivre de vie. Le baroque et la passion sont-ils alliés ou ennemis ? D'une part une analyse plus fine du baroque s'impose afin de comprendre au mieux les éléments rattachant nos trois œuvres (La Tempête de Shakespeare, La vie est un songe de Calderon et L'Illusion comique de Corneille) au mouvement Baroque et avant de s'attarder sur l'art baroque.

Baroque vient de barrocco, adjectif portugais signifiant «perle de forme irrégulière». Au départ, le terme n’est applicable que pour les arts figuratifs.

Le baroque est l’art du mouvement. C’est une esthétique, une vision du monde, un comportement, une manière de réagir à une crise. Le baroque est d’abord un terme négatif utilisé comme adjectif dans le sens péjoratif de grotesque, bizarre, confus et désordonné et artificiel. Progressivement le terme perd sa connotation négative grâce au travail de la critique. Le concept évolue et s’impose à la fin du XIXème siècle. Il faudra attendre le milieu du 20ème pour que cet art soit reconnu de tous. Le terme rentre alors dans l’histoire des beaux-arts mais jamais les artistes baroques ne se diront baroques. L’éveil tardif de la notion de baroque est vécu comme une révélation avec la découverte de noms, d'œuvres ignorés. La métamorphose et l’ostentation sont les deux thèmes privilégiés du baroque. La littérature française a eu sa période faste baroque produisant de la métamorphose en produisant du mouvement. L’ostentation se voit dans le spectacle, le décor. Il existe deux appréhensions différentes du baroque. Pour Rousset, c’est un effet de séduction, une rencontre amoureuse : le baroque excite les sens. Il dépasse cependant cette séduction en évoquant des critères d’appréciation. Le baroque est une esthétique de la vie, celle de la vie transformée en art. Pour Bonnefoy, le baroque ne relève pas uniquement de l’esthétique. Le baroque, c’est l’homme : il existe un homme baroque, un comportement baroque. C’est une crise de l’expérience sensible. Cette crise concerne l’homme face à la nature, qui se sent décentré, solitaire. L’apparence cache quelque chose de différent de ce qu’il voit comme le doute ou l'angoisse.

Alors, il faut tenter de comprendre la civilisation baroque. C’est le règne du faste et de la grandeur, du geste théâtral, de la règle stricte et de l’enseignement élitiste. La soumission déférente à l’Église et à l’État tient lieu d’idéal. La monarchie est un système de gouvernement de droit divin. En même temps, les états s’abandonnent à l’égoïsme national en prônant l’autarcie. La vie publique s’exprime sous la forme d’une éloquence éclairée. La foi récemment restaurée trouve son expression plastique dans des mises en scène retentissantes et triomphantes. L’étroite relation qui unit la dimension théâtrale, le goût irrépressible de la mise en scène et l’envie d’une culture de la fête, qui inspire les formes de l’architecture, est confirmée par l’importance des palais, des châteaux et plus particulièrement avec les escaliers monumentaux. L’épanouissement du baroque est également dû à la culture de cour avec des spectacles mondains lourds de significations symboliques comme le lever du roi Louis XIV durait plusieurs heures. Il ne faut pas oublier le sens et l'amour de la fête de cette époque baroque. C'est à Versailles que naissaient toutes les modes pour l’Europe. Les fêtes duraient des jours et des nuits et mettaient en scène toutes les formes d’arts confondus : opéras, ballets et feux d’artifices. Les salles monumentales étaient décorées de sujets mythologiques. Les jardins et plans d’eau produisaient continuellement des changements de décor.

De plus, l’art baroque est soumis à des règles très strictes et a rhétorique définissant les règles de composition d’un discours ou d’une œuvre d’art. Cette discipline favorise la communication entre l’orateur et son auditeur en réglementant la réception et l’interprétation de ce qui est dit. Pour l’orateur, il s’agit de s’adresser au public dans la forme la plus appropriée, de l’amener à prendre connaissance d’un sujet donné, d’exposer clairement les arguments afin de parvenir après avoir confronté différentes hypothèses, à le rallier à sa propre conception. A cet effet, différents procédés sont disponibles : émotivité, provocation, distanciation. D'ailleurs, en architecture, les règles de la rhétorique déterminent les formules architecturales convenant le mieux à l’église, à la façade d’un château ou à l’aménagement d’une place. Dans les châteaux, la disposition scénographique joue un rôle essentiel. Alors que la distribution des pièces intérieures organise la hiérarchie des activités de la cour, les façades s’offrent au regard du public qu’il s’agit d’impressionner voire d’intimider. Ces mises en scène architecturales naissent d’un projet réfléchi d'artistes, de poètes, de courtisans et d'ecclésiastes donnant l’idée de départ.

La vie est un théâtre, ce n’est pas la vraie vie. Avec le baroque, le rêve et la réalité sont confondus, l'Homme est sans cesse trompé par ses sens

Chacune de nos trois œuvres étudiées révèlent les thèmes fondamentaux du baroque. Le théâtre baroque se fonde sur l'idée que le monde est en équilibre instable, il privilégie le mouvement, l'illusion, l'irrationnel, le décor. Il s'adresse plus à la sensibilité qu'à la raison. Il use de la folie, du déguisement, des intrigues complexes.

La Tempête est une tragi-comédie en cinq actes écrite par William Shakespeare et créée en 1611 montrant à travers le personnage de Prospero, grand magicien et rôle principal de la pièce, et ceux des naufragés, que tous les péchés se paient ici-bas. Ces naufragés, complices d'Antonio lorsque celui-ci lui a pris le pouvoir, seront, dans ce texte, les victimes du merveilleux magicien. Les coupables d'autrefois, eux, seront désormais les victimes. Ils vont vivre en mer plusieurs expériences plutôt malheureuses, tandis que Prospero s'amusera avec son esclave, Ariel, à se venger. Des scènes de magie et de manipulation parsèment ce texte. Les naufragés sont manipulés par le fabuleux magicien à l'aide d'Ariel qui crée une tempête surnaturelle. Grâce à la magie que lui confèrent ses livres, il maîtrise les éléments naturels et les esprits ; notamment Ariel, esprit positif de l'air et du souffle de vie ainsi que Caliban,être négatif symbolisant la terre, la violence et la mort.La scène s'ouvre sur le naufrage, provoqué par Ariel, d'un navire portant le roi de Naples, son fils Ferdinand ainsi que le frère parjure de Prospero, Antonio. Usant de sa magie et de l'illusion, Prospero fera subir aux trois personnages échoués sur l'île diverses épreuves destinées à les punir de leur traîtrise, mais qui auront également un caractère initiatique. En fin de compte Prospero se réconciliera avec son frère et le roi, mariera sa fille avec Ferdinand, libérera Ariel et Caliban puis renoncera à la magie pour retrouver son duché. Les personnages de La Tempête se sont élevés aujourd'hui à un rang presque mythique, ils incarnent et symbolisent avec une grande richesse des comportements et sentiments humains. Shakespeare montre ainsi qu'aucune vision harmonieuse ne doit exclure le mal, dont la présence doit être reconnue pour être maîtrisée. LaTempête traite de la libération de chacun. Et comme dans tous les Shakespeare, il y a de la poésie, du mysticisme, de l’humour et de la vulgarité. Mais la véritable question de cette œuvre n’est-ce pas comment rester l’enfant de quelqu’un, qui que ce soit, puis grandir et s’en libérer ? Cette œuvre semble rassembler les grandes questions du siècle : l’homme face à la nature, l’utopie d’un monde meilleur, promis mais non encore découvert, l’exercice du pouvoir monarchique, sa tyrannie, le poids de la religion, les prémices de l’éducation, la connaissance et ses limites… Shakespeare dévoile ce monde dramatique et merveilleux où l’homme est révélé dans toute sa puissance, mais aussi dans toute sa misère. Sa nature primitive rivalise avec son aspiration à la civilisation et il trébuche sans cesse pour apprendre sans oublier.

Pedro Calderon de La Barca, né à Madrid en 1600 dans une famille de la noblesse de Castille, a écrit en 1635 La vie est un songe la pièce mythique, la plus célèbre du théâtre classique espagnol et réputée injouable par certains tant elle comporte de pistes et de chemins à explorer. La vie est un songe est un sommet de la dramaturgie dite “baroque”, qui inspira beaucoup des romantiques. Les éléments symboles du mouvement baroque dans cette pièce sont surtout basés sur la présence du thème de l'illusion. Dans l'expérience