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Corrigé Corpus: Bon Sauvage

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urs dons, on sait aussi que le sort réservé à Ziméo et à ses compatriotes par les Européens est l’esclavage.

Les quatre textes mettent donc en évidence la supériorité des peuples nouveaux qui, conformes à l’état de nature, ne développent pas les défauts européens. Les habitants d’Onébo sont doués de tant de qualités qu’il « ne [se trouve aucun criminel] dans le canton ». Quant aux Américains décrits par Las Casas, ils sont « beaux », « gentils », « doux » et « intelligents ».

Aussi les peuples américains rassemblent-ils toutes les caractéristiques de l’homme originel, conforme à l’idéal de « l’âge d’or » perdu auquel rêvent Platon et Lycurgue selon Montaigne, et sont « comme l’image du paradis avant la faute » selon Las Casas.

Ainsi, c’est bien le mythe du bon sauvage qui se trouve exploité à travers ces quatre textes. Ce mythe, issu du siècle des Lumières a donc trouvé certains de ses fondements dès le XVIème siècle et n’a rien perdu de son intérêt puisque Jean-Claude Carrière le réactive encore à notre époque.

2) Si les quatre auteurs proposés développent le mythe d’un homme bon à l’état de nature, ce n’est pas tant pour faire un éloge des nouveaux peuples que pour porter sur la société européenne un regard critique qui la remet en cause.

Aussi le raisonnement par comparaison est-il privilégié. Rousseau l’exploite explicitement et affirme que la nature qui régit la vie de l’homme premier est « différente en cela de nos sociétés ». Il propose aussi de confronter dans « un combat » deux hommes, l’un représentant l’homme naturel, et l’autre, l’homme social.

Indirectement, c’est aussi par comparaison que Montaigne construit son raisonnement. En énonçant dans une liste assez longue l’ensemble des éléments qui ont permis l’évolution de la société européenne – le commerce, l’écriture, les sciences, un système politique, un système judiciaire, une agriculture – et que les nouveaux peuples ne possèdent pas, l’auteur des Essais met en place une comparaison entre les modes de vie. L’évolution, au sens humaniste que ce mot peut prendre sous la plume de Montaigne, ne se trouve ainsi pas du côté des nations qui « possèdent », mais bien du côté de celles qui, en apparence dépourvues de tout, sont riches d’un état « pur » où « les mots mêmes qui signifient le mensonge, la trahison, la dissimulation, l’avidité, l’envie, la médisance, le pardon, sont inconnus ». Le seul usage de ces termes désignant les vices de l’homme suffit à démontrer que la société européenne s’est éloignée du modèle prôné par les philosophes de l’Antiquité.

Saint-Lambert, quant à lui, préfère l’intérêt que présente le genre du conte philosophique (en vogue au XVIIIème siècle) qui présente par un récit attrayant des sujets de réflexion sérieux. Le récit que Ziméo fait aux deux Européens présente, en outre, l’avantage d’adopter le point de vue de l’Autre, en l’occurrence l’opprimé. Son récit va donc a priori toucher les auditeurs que sont les deux personnages européens, mais aussi le lecteur du conte. Un peu à la manière de Montesquieu dans ses Lettres persanes, la prise de parole directe de l’étranger permet aussi de formuler des critiques sur les mœurs européennes : « Je m’instruisais avec eux des arts et des mœurs de l’Europe : je trouvais dans vos arts bien des superfluités, et dans vos mœurs bien des contradictions ». Là encore, le procédé permet d’établir un raisonnement qui pousse à prendre du recul et à comparer.

Au-delà du raisonnement choisi, les outils de persuasion sont nombreux dans chacun de ces textes.

Le plus évident reste l’éloge fait par l’usage de termes mélioratifs, comme dans les textes de Carrière et de Saint-Lambert : « beaux », « gentils », « sage », « faire faire le bien ». D’ailleurs, on peut parler pour ce dernier d’une société idéale, d’une utopie.

Un autre procédé est celui du recours au dialogue qui rappelle la forme privilégiée de l’écrit philosophique antique. Ainsi, Montaigne établit-il un dialogue fictif avec Platon et Lycurgue, « dirais-je à Platon » ; Ziméo s’adresse directement à deux auditeurs, et Las Casas est lancé dans un jeu de questions-réponses avec le cardinal Roncieri. Chez Rousseau, les nombreuses adresses au lecteur, comme par exemple « si vous voulez voir un combat », témoigne bien d’une volonté de faire de son texte un véritable dialogue.

Cette forme de discours permet ainsi d’user de procédés particulièrement efficaces à l’oral : Rousseau accumule les questions rhétoriques, « S’il avait eu un cheval, serait-il si vite à la course ? » et ne cesse d’utiliser une première personne du pluriel qui semble bien impliquer à la fois le lecteur et l’auteur lui-même dans une cause commune.

Enfin, il est possible de relever encore le recours à l’argument d’autorité chez Jean-Claude Carrière puisque son personnage de Las Casas cite les paroles bienveillantes de Christophe Colomb à l’égard des peuples qu’il découvre – « Je ne peux pas croire qu’il y ait au monde meilleurs hommes ». Montaigne, lui aussi, se réfère à Platon et Lycurgue pour construire son jugement.

Les quatre auteurs que sont Montaigne, Saint-Lambert, Rousseau et Carrière privilégient ainsi les techniques d’argumentation qui permettent de mettre en valeur une critique de leur propre société.

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Dissertation: La littérature en général vous semble-t-elle apte à interroger l’homme et la société et à ouvrir une réflexion critique sur ces derniers ?

En présentant les habitants du continent américain de façon méliorative dans ses Essais, Montaigne cherche avant tout à porter un regard critique sur sa propre société en proie aux guerres de religion. Pourtant, le projet de Montaigne tel qu’il est exposé dans son avis au Lecteur laisse plutôt entendre que les Essais vont faire état d’une expérience personnelle : on est loin, alors, d’imaginer une réflexion sur la vie de l’autre continent et sur ce qui se passe en dehors de la « librairie » de l’auteur. Il semble donc que la littérature, même quand l’écrivain décide d’en faire un lieu d’expression de soi, tende à interroger l’homme et la société et qu’elle ouvre une réflexion critique sur ces derniers.

La littérature est-elle cependant apte à assumer une telle fonction ?

Après avoir vu en quoi la littérature s’avère efficace dans la critique de la société, il conviendra de déchiffrer ce qu’elle permet de sous-entendre sur la définition-même de l’homme. Enfin, plutôt que de concevoir notre raisonnement en termes d’aptitude de la littérature à formuler des critiques, il faudra poser la question de son rôle

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I- -------------------------------------------------

L’efficacité de la littérature dans l’interrogation de la société

A- La littérature face à la société et à l’Histoire

La littérature possède des moyens efficaces pour porter sur la société un regard critique :

* La comédie permet de « châtier les mœurs » par le rire : exemple des comédies de Molière qui remettent en cause certaines classes sociales (les nobles, les bourgeois ou encore les médecins).

* Critiquer ou changer le cours de l’Histoire par la littérature est possible : au XXème siècle, certains écrits dénoncent, parfois très tôt, le déroulement des événements historiques. Ainsi, le nazisme est représenté de façon allégorique (Albert Camus, La peste, 1947 ; Eugène Ionesco, Rhinocéros, 1959). Avec les philosophes des Lumières, la littérature joue un rôle actif dans le cours des événements : ils contribuent à amener la Révolution française.

B- Un exemple précis : le mythe du bon sauvage

* La société européenne est fortement critiquée grâce au recul que permet la découverte de l’Autre. La distanciation rend efficace et subtile la dénonciation de sa propre société (exemple de Montesquieu dans les Lettres persanes).

* C’est l’occasion de créer des genres qui procèdent de la distanciation : le conte philosophique est une création du siècle des Lumières ; le genre de l’utopie apparaît précisément au XVIème siècle avec Thomas Moore, pendant le siècle des grandes découvertes. Ces genres et ces procédés de mise à distance permettent de mettre en place le mythe du bon sauvage. (exemple de Ziméo, de Candide, de L’Ingénu, etc)

C- Mais il faut parfois être un lecteur averti pour tout décrypter

* Si la critique est subtile et efficace, elle ne peut cependant atteindre tous les lecteurs. Ceux-ci doivent en effet être exercés au décryptage (exemple : les Fables de La Fontaine exploitent un moyen efficace de dénoncer certains abus du pouvoir monarchique, ou encore de la Cour, mais la distanciation par les personnages qui deviennent souvent des animaux, et par le conte lui-même peut être d’une lecture compliquée.)

II- -------------------------------------------------

Le questionnement par la littérature va au-delà de la seule société

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