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Habiter le patrimoine

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naturel » par l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), le Maroc fit appel à cette dernière afin de classer la médina de Fès sur la liste des ensembles à protéger3. Puis, à partir de 1976, toujours avec l’aide de cette institution et du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), une aide a été apportée pour établir le premier Schéma Directeur d’Aménagement Urbain de Fès (SDAU) approuvé en 1980. L’élaboration de ce document a conduit à la formulation d’un projet spécifique pour la médina de Fès en 1985. Depuis cette date, la médina de Fès a fait l’objet de nombreuses études qui ont donné lieu à la formulation de plusieurs projets de sauvegarde sans qu’aucun

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Ce texte fait partie d’un travail de doctorat en géographie intitulé « La question de l’habitat dans la sauvegarde des médinas : enjeux, stratégies et méthodologie opérationnelle dans un contexte de patrimonialisation de l’espace du centre ville historique. Le cas de la médina de Fès », Préparée au sein du laboratoire URBAMA, Université François Rabelais de Tours sous la direction de Nadir Boumaza. 2 Dès l’installation du protectorat, en 1912, le maréchal Lyautey imposa une nouvelle politique urbaine basée sur la bipolarisation spatiale, « stratégie qui se résume en deux mots : deux populations, deux villes », (Barrou, 2001 : 98). 3 D’après la Convention de 1972, peuvent être considérés comme « patrimoine culturel » des monuments, des ensembles et des sites. La médina de Fès est classée dans la catégorie des « ensembles », entendus comme des « groupes de constructions isolées ou réunies qui, en raison de leur architecture, de leur unité, ou de leur intégration dans le paysage, ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science » (CHOAY, 1992 : 154). Ne pas citer sans l’autorisation de l’auteur. Texte provisoire. 1

Université Européenne d’été « Habiter le patrimoine », Saumur, 13 – 16 Octobre 2003

d’entre eux ne devienne opérationnel. Ce n’est qu’en 19994, après une longue phase d’études qui a précédé le montage du projet – 1996-1999 -, que la Banque Mondiale accepte d’octroyer un prêt au gouvernement marocain. Ce projet, pionnier5 en la matière, à l’ambition pour les responsables de la Banque Mondiale de devenir « une vitrine et un pilote pour tirer les leçons des liens qui peuvent exister entre le développement économique et social et la préservation d'un patrimoine culturel »6 . Vingt ans ont passé sans que ni le projet de 1985 formulé par l’UNESCO et le PNUD, ni celui de 1992 monté par le PNUD ne voient effectivement le jour. Ces projets, qui appellent tous un ensemble d’action systémique ont été produits dans un contexte local d’incertitude, caractérisé par une forte expansion urbaine et une forte mobilité résidentielle tant externe qu’interne. Leurs échecs successifs traduisent les forts enjeux qui sont présents dans le débat au sujet de la sauvegarde des centres anciens. Les multiples enjeux – qu’ils soient économiques, sociaux, culturels ou encore symboliques – sont tels qu’ils vont générer un contexte de patrimonialisation, entraînant une vision particulière de l’aménagement de la vieille ville (Abry, 1999 : 62). Cette vision est introduite sur le terrain par des politiques publiques7 d’aménagement dites « de sauvegarde » ou de « réhabilitation » et constituées par un ensemble de normes. En reprenant les termes de Pierre Muller et de Yves Surel à propos de la construction des normes, on considère que ce n’est pas un processus abstrait. La construction de normes est au contraire « indissociable de l’action des individus ou des groupes concernés, de leur capacité à produire des discours concurrents, de leur modes de mobilisation. Elle dépend aussi de la structure plus ou moins fluctuante de leurs relations et des stratégies élaborées dans les contextes d’action » (Muller, Surel, 1998 : 79). A partir du cas exemplaire que constitue l’exemple de Fès, l’objectif de ce texte est de montrer comment les centres villes historiques sont tiraillés entre les organisations internationales, notamment les bailleurs de fonds, qui influencent de manière parfois décisive le développement d’un pays en définissant de manière précise le cadre et la budgétisation d’une intervention, les relais décentralisés de l’Etat qui déploient des stratégies de mise à niveau des centres anciens et enfin les résidants qui trouvent dans la médina un moyen d’accès à la ville. La méthodologie utilisée dans ce texte s’appuie dans un premier temps sur l’analyse des différents projets de sauvegarde qui ont été formulés depuis le classement de la médina de Fès comme « patrimoine mondial de l’humanité ». Cela nous permettra de cerner l’évolution de l’analyse qui a été faite des centres historiques avec l’objectif d’établir un bilan de ces différents documents. Cela permettra aussi de mettre en relief les nombreuses difficultés auxquelles cet espace est confronté ainsi que les critiques concernant ces différentes politiques (I). Dans un second temps, et à partir d’une enquête qualitative effectuée auprès des

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Trois projets de sauvegarde de la médina de Fès ont été définis entre le royaume du Maroc et différentes organisations internationales. Le premier, en 1985, étiqueté UNESCO et PNUD et établi lors des travaux du SDAU, prévoyait une enveloppe globale de 541 millions de dollars, a été abandonné ; le second, réalisé grâce à l’aide du PNUD en 1992, prévoit 64 millions de dollars mais est finalement rejeté. Le troisième, en collaboration avec la Banque Mondiale, est en cours d’exécution, pour un montant de 29 millions de dollars (Lahbil Tagemouati, 2001 : 127). 5 Ce projet est pionnier puisque c’est la première fois que la Banque Mondiale octroie un prêt à une municipalité : la moitié des 29 millions de dollars est allouée au gouvernement marocain et l’autre moitié à la municipalité de Fès-Médina. 6 Communication de J-L. Sarbib le 31 Mai 2002 lors de la conférence des bailleurs de fonds qui s’est tenue à Fès entre le 31 Mai et le 02 Juin. 7 De nombreuses définitions des politiques publiques existent ; nous retenons ici celle du courant d’analyse comparée en sociologie politique qui considère les politiques publiques comme « un champ d’analyse qui est celui de ce que les autorités publiques font ou ne font pas, des raisons pour lesquelles elles le font ou ne le font pas et pourquoi elle suivent telle ou telle voie d’action ou d’inaction » (cité par J-P Durand et R Weil, 1999, 527p., in A Heidenheimer, H. Helco, C. Adams, 1978). Ne pas citer sans l’autorisation de l’auteur. Texte provisoire. 2

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différents acteurs institutionnels et des habitants, nous nous interrogerons sur les enjeux qui orientent ces politiques (II). Même si la formulation des enjeux liés au différents projets qui ont été établis est différente en fonction des catégories d’acteurs, l’arrivée à Fès de bailleurs de fonds internationaux permet d’unifier certains points de vues au sujet de la sauvegarde de la médina.

1/ Quelles politiques pour le centre ancien ?

1.1/ D’une politique qui se cherche … Jusqu’à présent, bien qu’il y ait un objectif clair – la dédensification – les politiques d’aménagement qui ont été projetées sur l’espace historique étaient tiraillées par de nombreux groupes d’acteurs différents : l’UNESCO et le PNUD au niveau international, le ministère de l’habitat et celui de l’intérieur au niveau national, l’ADER-Fès8 et l’AUSF9 au niveau local, etc. Cette multiplicité d’acteurs et les quelques opérations qui ont été réalisées, bien qu’elles aient permis le développement de la connaissance, ont contribué à faire de la sauvegarde de la médina de Fès une question problématique qui dépasse les seules contraintes physiques. 1.1.1/ De nombreux problèmes à résoudre En ce qui concerne l’agglomération, la question qui a présidé à la formulation du SDAU en 1980 était celle de la centralité de la médina par rapport aux autres ensembles urbains. Ce document d’urbanisme avait comme idée maîtresse de « renforcer le rôle de la médina en tant que centre principal de l’agglomération » (SDAU, 1980, vol. 4 : 19). De son côté, le PNUD – tout en rappelant que la médina « maintient une centralité très importante » (PNUD, 1992 : 4) - insiste sur le caractère systémique de toute action de sauvegarde. Pour vérifier cette hypothèse, le projet PNUD prévoit donc une intervention sur une zone test10, ce qui permettrait, dans le cas d’un succès, que l’opération soit dupliquée à l’ensemble de la médina. En outre, cette opération prévoyait une percée routière afin d’améliorer l’accessibilité de la médina mais de nombreuses mobilisations habitantes ont conduit les responsables du projet, en 1995, à l’abandonner (Idrissi Janati, 2000, pp. 289 – 311). A l’échelle de la médina, de nombreuses contraintes s’exercent à plusieurs niveaux : sur le bâti, les infrastructures, le foncier, les accès, la disponibilité d’espace, les modes de construction, etc. Dans ce contexte, la liberté d’action des investisseurs est fortement réduite par ces contraintes, ce qui

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