L'Aveu Incompréhensible De Phèdre.

e parallélisme de la formule "je le vois", reprise plus loin par "je vous vois" permet l'échange discret des identités. La substitution s'opère peu à peu quand, décrivant Thésée, elle emploie à la fois la troisième et la deuxième personne du singulier : "il avait votre port, vos yeux, votre visage". Cette description de l'un par l'autre se poursuit par un chiasme grammatical : le démonstratif désignant les qualités d'Hippolyte, en particulier "cette noble pudeur", renvoie alors à "son visage". Le jeu étroit des pronoms permet alors de semer la confusion, le père et le fils ne se distinguant plus l'un de l'autre, l'amour de l'un étant alors légitimé par l'amour de l'autre. Ce glissement trouve son achèvement dans la fin du discours où Hippolyte a définitivement remplacé son père.

Cette confusion du début touche à son comble dans la réécriture du passé dans laquelle Hippolyte substitue à Thésée. L'effacement de la figure du père est alors complète. La relecture du passé par Phèdre occulte de roi, remplacé par le "Prince", c'est-à-dire littéralement le successeur, et toute la fin de la tirade s'énonce à la deuxième personne du singulier : "Par vous aurait péri le monstre","votre main", vous eût", "votre amante". Mais cette première substitution n'est pas pleinement satisfaisante et la réécriture du passé ne prend tout son sens que lorsque la reine prend vigoureusement le place (fictive) de sa soeur. Son cri est répété par de fois, "c'est moi, [...] c'est moi" permet alors d'accomplir le fantasme : un nouveau couple est créé dans et par le discours de Phèdre, nouveau couple qui permet la reprise du dialogue entre un "je" dément et un "vous" sidéré. Ainsi, relisant le passé, Phèdre se donne à la fois la possibilité de renouer le fil interrompu de sa parole, de créer un dialogue fictif avec un Hippolyte médusé et surtout de redonner un sens à ses amours démentes, le récit des origines permettant d'effacer sa culpabilité dans un fantasme de l'innocence primordiale.