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Le Juge Et l Contrat

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latives ;

2/- CONSIDERANT qu’à l’appui de leur demande, les requérants soutiennent que la loi contestée viole, d’une part, le Préambule de la Constitution qui proclame : « L’accès de tous les citoyens sans distinction, à l’exercice du pouvoir à tous les niveaux ; … à tous les services publics » et, d’autre part, l’article premier de la Constitution qui dispose : « La République du Sénégal assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de race, de sexe, de religion… » ;

3/- CONSIDERANT qu’il résulte de l’article premier suscité que toute discrimination fondée sur le sexe est expressément exclue ; que le principe d’égal accès au pouvoir, bien que de valeur constitutionnelle, ne saurait déroger à cette règle ;

4/- CONSIDERANT qu’au surplus, selon l’article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple sénégalais qui l’exerce par ses représentants ou par la voie du référendum.

Aucune section du peuple, ni aucun individu ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté.

Le suffrage peut être direct ou indirect. Il est toujours universel, égal et secret… » et qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « Tous les citoyens étant égaux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leur talent » ;

5/- CONSIDERANT qu’il résulte de ce qui précède que la qualité de citoyen qui ouvre le droit d’être candidat aux élections politiques, sous réserve des incapacités prévues par le Code électoral, est indivisible ; que les candidats sont égaux devant le suffrage universel ; que les principes de valeur constitutionnelle ci-dessus rappelés s’opposent à toute division par catégories des citoyens éligibles ; que, dès lors, la loi qui impose une distinction entre candidats en raison de leur sexe est contraire à la Constitution ;

DECIDE

ARTICLE PREMIER. – La loi n° 23/2007 du 27 mars 2007 est déclarée non conforme à la Constitution.

ARTICLE 3. – La présente décision sera publiée sans délai au Journal officiel de la République du Sénégal.

Délibérée par le Conseil constitutionnel en sa séance du 27 avril 2007 à laquelle siégeaient :

Madame Mireille NDIAYE, Président ;

Monsieur Babacar KANTE, Vice-Président ;

Monsieur Mamadou Kikou NDIAYE, Membre ;

Monsieur Siricondy DIALLO, Membre ;

Monsieur Chimère Malick DIOUF, Membre ;

Avec l’assistance de Madame Ndèye Maguette MBENGUE, Greffier en Chef.

En foi de quoi, la présente décision a été signée par le Président, le Vice-Président, les autres membres du Conseil et le Greffier en Chef.

Observations

Dans l’ambiance préélectorale des législatives de juin 2007, le mouvement féministe sénégalais agita l’idée de la parité. Celle-ci devrait désormais être, selon les organisations de femmes, la règle dans la composition des instances de décision comme le Parlement. Joignant le geste à la parole, le mouvement essentiellement animé par le COSEF et l’association des femmes juristes put, avec l’aide de quelques experts juristes, élaborer un avant projet de loi instituant la parité sur les listes de candidats aux élections législatives. Aux termes d’une marche physique qui a abouti aux portes du Palais de la République où se tenait une réunion du Conseil des ministres, les femmes toutes de blanc vêtues remirent au Président de la République leur avant projet de loi évoqué plus haut. Le Président accepta en leur promettant avec véhémence l’instauration de la parité aux élections législatives qui devaient se dérouler dans quelques semaines. Au surplus, le Président de la République avait tenu d’emblée à préciser que toute liste qui ne respecterait pas la parité serait déclarée irrecevable. La décision d’instaurer la parité était ainsi arrêtée, la sanction qu’est l’irrecevabilité de toute liste y contrevenant radicale. Quelques jours plus tard le 27 mars 2007, la procédure législative fut mise en branle : l’Assemblée nationale a adopté la loi n° 23/2007 du 27 mars 2007 modifiant l’article L 146 du Code électoral qui institue la parité dans la liste des candidats au scrutin de représentation proportionnelle pour les élections législatives.

Y voyant un acte de manœuvre politique démagogique de la part du Président de la République simplement destiné à perturber les investitures au niveau de leurs rangs, l’opposition parlementaire a introduit le 2 avril auprès du Conseil constitutionnel un recours lui demandant l’invalidation de la loi instaurant la parité. La demande d’annulation de la loi par l’opposition parlementaire se fonde sur le fait que la loi contestée viole le Préambule de la Constitution qui proclame « l’accès de tous les citoyens sans distinction, à l’exercice du pouvoir à tous les niveaux ; … à tous les services publics » et l’article premier de la Constitution qui dispose : « la République du Sénégal assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de race, de sexe, de religion… ».

A travers la décision rendue, le Conseil donne raison à l’opposition en déclarant non conforme à la Constitution la loi instituant la parité. La motivation de la décision emprunte un moyen à l’appui du recours de l’opposition, mais comporte des arguments non invoqués par celle-ci.

En effet, en suivant les députés de l’opposition, la Haute juridiction s’appuie sur l’article premier de la Constitution cité par ces derniers pour considérer « qu’il résulte de l’article premier suscité que toute discrimination fondée sur le sexe est expressément exclue ; que le principe d’égal accès au pouvoir, bien que de valeur constitutionnelle, ne saurait déroger à cette règle ». En outre, le juge constitutionnel procède à une lecture combinée de l’article 3 de la Constitution qui prévoit que « la souveraineté nationale appartient au peuple sénégalais qui l’exerce par ses représentants ou par la voie du référendum. Aucune section du peuple, ni aucun individu ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté. Le suffrage peut être direct ou indirect. Il est toujours universel, égal et secret… » et de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui proclame « Tous les citoyens étant égaux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leur talent » pour en déduire le principe constitutionnel de l’égalité du droit de suffrage. S’inspirant de la jurisprudence française dans son raisonnement, il considère au total « qu’il résulte de ce qui précède que la qualité de citoyen qui ouvre le droit d’être candidat aux élections politiques, sous réserve des incapacités prévues par le Code électoral, est indivisible ; que les candidats sont égaux devant le suffrage universel ; que les principes de valeur constitutionnelle ci-dessus rappelés s’opposent à toute division par catégories des citoyens éligibles ; que, dès lors, la loi qui impose une distinction entre candidats en raison de leur sexe est contraire à la Constitution ».

Phénomène pas très courant dans l’histoire constitutionnelle du Sénégal : le Conseil constitutionnel a invalidé une loi d’origine gouvernementale qui marque la préférence et l’engagement présidentiels pour la cause des femmes. Quelle appréciation faut-il faire de l’invalidation par le Conseil d’une loi qui s’érige contre la monopolisation masculine de la représentation et la promotion volontariste de la présence des femmes dans les instances de décision comme le Parlement ? Le Conseil constitutionnel ne pourrait-il pas être taxé d’antiféministe ? Certainement pas dans la mesure où même si les hommes y sont majoritaires, la prestigieuse juridiction est présidée par une femme qui ne peut quand même pas être hostile à la cause des femmes.

En réalité, à travers cette décision, le Conseil constitutionnel du Sénégal a tenu à rappeler aux pouvoirs publics et aux organisations de la société civile féministes que l’ordonnancement constitutionnel et la philosophie politique du Sénégal ne tolèrent pas de discrimination, fût-elle positive pour l’accès aux fonctions et mandats publics. Et si pareille discrimination devait être prise, elle passerait obligatoirement par une révision de la Constitution ou supposerait une révision préalable de la Constitution avant sa traduction législative. A cet égard, le fait que la parité n’ait été instituée que pour la liste nationale (ce qui est une parité partielle s’assimilant à un quota) et non sur les deux listes nationale et départementale (ce qui serait une parité parfaite) n’y change rien.

Le raisonnement juridique du juge constitutionnel sénégalais emprunté au juge constitutionnel français est-il pertinent pour le droit constitutionnel sénégalais ? La question mérite d’être posée dans le contexte du Sénégal où le Préambule de la Constitution attribue expressément

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