Le Sauvage
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Présentation de Jacques Cartier
Jacques Cartier (1494-1554 approximativement) effectue trois voyages en Nouvelle-France dont le premier en 1534. Dans ses récits, considérés comme les plus beaux témoignages du genre, Cartier évoque le pays naissant en présentant une multitude de détails tant sur le plan géographique (cartographie du territoire, sa flore et sa faune) que sur le plan ethnographique (le mode de vie de ses habitants). Le succès des récits de voyage de Cartier s’explique également par la qualité littéraire de ses écrits puisque Cartier a su agencer les épisodes de son récit à la manière d’un écrivain, notamment en les organisant en chapitres, lesquels sont amenés par de courtes présentations.
| |Extrait de Voyages en Nouvelle-France, de Jacques Cartier (1534) |
| 1 |Comment les nôtres plantèrent une grande croix sur la pointe de l’entrée dudit havre, et comment est venu le capitaine de ces sauvages et |
| |comment après une grande harangue, il fut apaisé par notre capitaine, et resta content que deux de ses fils allassent avec lui. |
| |Le vingt-quatrième jour dudit mois, nous fîmes faire une croix de trente pieds de haut, qui fut faite devant plusieurs d’entre eux, sur la |
| |pointe de l’entrée dudit havre (Gaspé), sous le croisillon de laquelle mîmes un écusson en bosse, à trois fleurs de lys, et au-dessus, un |
| 5 |écriteau en bois, engravé en grosses lettres de formes, où il y avait, VIVE LE ROI DE FRANCE. Et cette croix, la plantâmes sur ladite pointe |
| |devant eux, lesquels regardaient faire et planter. Et après qu’elle fut élevée en l’air nous nous mîmes tous à genoux, les mains jointes, en |
| |adorant celle-ci devant eux, et leur fîmes signe, regardant et leur montrant le ciel, que par celle-ci était notre rédemption, devant quoi ils|
| |firent plusieurs signes d’admiration, en tournant et regardant cette croix. |
| |Étant retournés en nos navires, vint le capitaine, vêtu d’une vieille peau d’ours noir, dans une barque, avec trois de ses fils et son frère, |
|10 |lesquels n’approchèrent pas aussi près du bord comme ils avaient coutume, et il nous fit une grande harangue, nous montrant ladite croix, et |
| |faisant le signe de la croix avec deux doigts ; et puis il nous montrait la terre, tout à l’entour de nous, comme s’il eût voulu dire, que |
| |toute la terre était à lui, que nous ne devions pas planter ladite croix sans sa permission. Et après qu’il eut fini sa dite harangue, nous |
| |lui montrâmes une hache, feignant de la lui bailler pour sa peau. À ceci il acquiesça et peu à peu s’approcha du bord de notre navire, croyant|
| |avoir ladite hache. Et l’un de nos gens, étant dans notre bateau, mit la main sur sa dite barque, et incontinent il en entra deux ou trois |
|15 |dans leur barque et on les fit entrer dans notre navire, de quoi ils furent bien étonnés. Et étant entrés ils furent assurés par le capitaine |
| |qu’ils n’auraient nul mal, en leur démontrant grands signes d’amour ; et on les fit boire et manger, et faire grande chère. Et puis leur |
| |montrâmes par signes, que ladite croix avait été plantée comme borne et balise pour entrer dans le havre ; et que nous y retournerions |
| |bientôt, et leur apporterions des articles de fer et autres choses ; et que nous voulions amener deux de ses fils avec nous, et puis les |
| |rapporterions au dit havre. Et accoutrâmes ses dits fils de deux chemises, et en livrées, et de bonnets rouges, et à chacun, sa chaînette de |
|20 |laiton au col. De quoi se contentèrent fort, et donnèrent leurs vieux haillons à ceux qui retournaient. Et puis donnâmes aux trois que nous |
| |renvoyâmes, à chacun sa hachette et des couteaux, dont ils furent très joyeux. Et eux, étant retournés à terre, dirent les nouvelles aux |
| |autres. Vers midi environ de ce jour, retournèrent six barques à bord, où y [sic] avait dans chacune cinq ou six hommes, lesquels venaient |
| |pour dire adieu aux deux que nous avions retenus ; et leur apportèrent du poisson. Et nous firent signe qu’ils n’abattraient par ladite croix,|
| |en nous faisant plusieurs harangues que nous ne comprenions pas. |
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Source : Jacques Cartier. Voyages en Nouvelle-France/Jacques Cartier ; texte remis en français moderne par Robert Lahaise et Marie Couturier, Montréal, Les éditions Hurtubise, 1977, p. 60-61.
Présentation de Louis-Armand de Lom d’Arce de Lahontan
Louis-Armand de Lom D’Arce, baron de Lahontan (1666-1716), voyage et séjourne une dizaine d’années au Canada. Lorsqu’il rentre en France, il publie quelques livres, dont Dialogues de Monsieur le baron de Lahontan et d’un Sauvage dans l’Amérique, qui connaît beaucoup de succès. On attribue ce succès à la verve avec laquelle il décrit le quotidien de la colonie et la témérité de ses propos. En effet, Lahontan est perçu comme un auteur avant-gardiste qui n’hésite pas à critiquer ouvertement la société française et l’Église.
| |Dialogues de Monsieur le baron de Lahontan et d’un Sauvage dans l’Amérique, du baron de Lahontan (1703) |
|1 |Adario. — [...] Crois-moi, mon cher frère, songe à te faire Huron pour vivre longtemps. Tu boiras, tu mangeras, tu dormiras et tu chasseras en |
| |repos ; tu seras délivré des passions qui tyrannisent les Français ; tu n’auras que faire d’or ni d’argent pour être heureux ; tu ne craindras |
| |ni voleurs ni assassins ni faux témoins ; et si tu veux devenir le roi de tout le monde, tu n’auras qu’à t’imaginer de l’être et tu le seras. |
| |Lahontan. — Écoute, il faudrait pour cela que j’eusse commis en France de si grands crimes qu’il ne me fût permis d’y revenir que pour y être |
|5 |brûlé, car, après tout, je ne vois point de métamorphose plus extravagante à un Français que celle de Huron. Est-ce que je pourrais résister |
| |aux fatigues dont nous avons parlé ? Aurais-je la patience d’entendre les sots raisonnements de vos vieillards et de vos jeunes gens, comme |
| |vous faites, sans les contredire ? Pourrais-je vivre de bouillons, de pain, de blé d’Inde, de rôti et bouilli sans poivre ni sel ? Pourrais-je |
| |me colorer le visage de vingt sortes de couleurs comme un fou ? Ne boire que de l’eau d’érable ? Aller tout nu durant l’été, me servir de |
| |vaisselle de bois ? M’accommoderais-je de vos repas continuels où trois ou quatre cents personnes se trouvent pour y danser deux heures devant |
|10 |et après ? Vivrais-je avec des gens sans civilité qui, pour tout compliment, ne savent qu’un je t’honore ? Non, mon cher Adario, il est |
| |impossible qu’un Français puisse être Huron, au lieu que le Huron se peut aisément faire Français. |
| |Adario. — À ce compte-là, tu préfères l’esclavage à la liberté ; je n’en suis pas surpris après toutes les choses que tu m’as soutenues. Mais |
| |si, par hasard, tu rentrais en toi-même et que tu ne fusses pas si prévenu en faveur des mœurs et des manières des Français, je ne vois pas que|
| |les difficultés dont tu viens de faire mention fussent capables de t’empêcher de vivre comme nous. Quelle peine trouves-tu d’approuver les |
|15 |contes des vieilles gens comme des jeunes ? N’as-tu pas la même contrainte quand les Jésuites et les gens qui sont au-dessus de toi disent des |
| |extravagances ? Pourquoi ne vivrais-tu pas de bouillons, de toutes sortes de bonnes viandes ? Les perdrix, poulets d’Inde, lièvres, canards, |
| |chevreuils ne sont-ils pas bons, rôtis et bouillis ? À quoi servent le poivre, le sel et mille autres épiceries si ce n’est à ruiner la santé ?|
| |Au bout de quinze jours, tu ne songerais plus à ces drogues. Quel mal te feraient les couleurs sur le visage ? Tu te mets bien de la poudre et |
| |de l’essence aux cheveux et même sur les habits ? N’ai-je pas vu des Français qui portent des moustaches, comme les chats, toutes couvertes de |
|20 |cire ? Pour la boisson d’eau d’érable, elle est douce, salutaire, de bon goût et fortifie la poitrine ; je t’en ai vu boire plus de quatre |
| |fois. Au lieu que le vin et
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