Les Intellectuels Peuvent-Ils Changer Le Monde ?

Lumières est parvenu à déchoir la souveraineté d’un Roi et d’instaurer un Etat plus « juste » pour la population .

L’affaire Dreyfus place l’écrivain Zola avec sa lettre « J’accuse » qui s’adresse au plus hautes instances de l’Etat, se place en défenseur des droit universels . Témoignant de l’intellectuel engagé, cette affaire qui a rapidement pris une dimension philosophique, au-delà des valeurs politiques défendues . L’opinion publique à été mise au parfum grâce à la publication de l’accusation par le journal l’Aurore . Le jugement a ainsi été revu : l’affaire consacre ainsi le triomphe de la IIIe République, dont elle devient un mythe fondateur . Ici, ce qui était au départ un combat d’idées est aller jusqu’à remettre en cause le système juridique et les instituions d’un pays .

Plus récemment, on peut s’appuyer sur le mouvement féministe du 20ème siècle qui permettra de faire voter une loi sur l’interruption volontaire de grossesse; mouvement mené par Simone Veil . Bien qu’insérée dans le gouvernement français, ce combat coûta au Ministre de la Santé de l’époque des attaques de la part de l'extrême-droite et même d'une partie de la droite traditionnelle tant la mesure était impopulaire, voire inadmissible pour l ’Eglise .

Les intellectuels sont ainsi des personnages s’opposant à la sphère politique en place car progressistes . Pourtant, ce n’est pas le cas pour tous : on trouve aujourd’hui des intellectuels en accord avec le pouvoir en place, et qui donc semblent avoir perdu leur esprit critique . Assistons-nous à une évolution du personnage de l’intellectuel ? Leur pouvoir de changer les choses s’amenuise-t-il ?

Des frictions entre intellectuels ne sont pas à écarter : on trouve ainsi une opposition entre des intellectuels médiatisés et institutionnalisés face à d’autres qui restent engagés . Les mission des intellectuels différent alors : Mirabeau nous explique ainsi que « l’action doit se réfugier dans le livre », l’humanité venant « cueillir » leurs travaux . Face à cela, Sartre critique la retenue de certains penseur qui se contentent de « rester derrière leur bureau » . Ce denier, vis-à-vis des évènement de mai 68, en appelle à une mobilisation concrète . Il descendra d’ailleurs dans la rue pour soutenir le mouvement étudiant .

Le 20ème siècle est ainsi marqué par une bipolarisation idéologique ou les convictions des penseurs diffèrent quant aux faits de société, notamment sur la Guerre Froide ou l’on voit certains intellectuels soutenir le régime communiste ( Sartre ira même jusqu’à prendre parti pour la bande à Baader), et d’autres s’accorder avec le libéralisme occidental (Raymond Aron) . Le débat sur la décolonisation sera lui aussi marqué par de telles oppositions . Il devient alors plus difficile dans de telles circonstance de parvenir à changer la société et à faire évoluer les consciences tant le peuple ne sachant plus qui écouter . Les intellectuels semblent alors dépassés par les événements car tout en maniant des idées et des concepts, ces derniers ne parvient pas à obtenir des résultats concrets .

En plus de leur savoir faire, les intellectuels d’aujourd’hui cherchent toujours plus à faire savoir et cela passe pour certains par un arrangement avec les médias .

On retrouve ainsi des grands noms de penseurs tels que BHL et M. Serres totalement insérés dans le monde de la communication . Ces intellectuels là ont appris à utiliser les médias pour soigner leur image ( bien qu’ils ne devraient pas se soucier de leur popularité tant le taux d’audimat d’un penseur qui passe sur un plateau télé ne signe pas pour autant la vérité de ses propos ) et véhicule ainsi plus facilement leurs idées biens que celles-ci soient diffusées de manière édulcorée . Des intellectuels qui n’en sont pas pour Sartre car il faut être selon lui forcément de gauche .

En n’étant plus « sur le front », ces intellectuels le sont-ils toujours ? Ils n’ont en effet plus besoin de combattre une quelconque autorité pour faire passer leur message…

A l’opposé on retrouve P. Bourdieu qui lui semble résister à cet « appel des sirènes » qu’incarnent les médias . En refusant de se mettre dans le rang, le sociologue contemporain se disait capable « d’assumer ses actes et d’agir en être responsable » .

On le retrouvait ainsi avec les grévistes, solidaire de leur mouvement face à l’autorité.

Parce qu’ils se gardent de plus en plus d’une défiance progressive de l’opinion publique et de l’autorité, les intellectuels semblent perdre de leur influence sur la population, ce qui compromet fortement leur objectif premier : faire changer les choses . Mais peut-on affirmer à ce jour que se soit encore leur but ?

En laissant peu à peu leur place à des spécialités dans des domaines précis, les intellectuels semblent peu à peu s’éteindre, comme si ils cherchaient à ne plus endosser leur rôle de changer le monde .

Dans « L’opium des intellectuels », Aron défend la thèse selon laquelle l’intellectuel est certes créateur d’idées mais en même temps simple spectateur .

Julien Benda reste quant à lui farouchement opposé à cette vision