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Les Lignes Maritimes Et Le Transport Terrestre

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i les transports terrestres attirent-ils l’attention des grandes compagnies maritimes ? Comment adaptent-elles leurs stratégies respectives dans chaque pays puisque la progression vers la libéralisation et/ou la privatisation du chemin de fer diffère si largement ? Où en sont-elles aujourd’hui ? Ce sont les questions auxquelles nous nous proposons de répondre dans cet article. Notre analyse se concentrera sur une étude du cas Rail Link (RL), filiale de CMA-CGM engagée dans le développement du transport ferroviaire pour la compagnie maritime. Évidemment, d’autres grandes compagnies maritimes majeures suivent ce même mouvement, mais elles ne sont pas nombreuses à créer des filiales. Même si l’activité concernée reste modeste, RL est un cas intéressant parce qu’opérant dans deux pays européens, le Royaume-Uni et la France, qui ont réagi de façon opposée à la déréglementation. Le RoyaumeUni était largement en avance des directives de Bruxelles pour démarrer le processus tandis que la France semble traîner les pieds et repousser la mise en œuvre au dernier moment possible. En conséquence, RL a organisé ses relations et accords contractuels dans ces deux pays de façon compatible avec l’environnement institutionnel de chacun. Un autre facteur doit être pris en considération : le volume de conteneurs que RL ou n’importe quelle filiale ferroviaire d’une compagnie maritime est capable d’attirer vers un port particulier. Des volumes importants constituent en effet un préalable pour permettre au transport ferroviaire d’être économiquement compétitif en assurant une fréquence suffisante pour les besoins requis par l’organisation mise en place aujourd’hui par les chargeurs et les armateurs. Les grands ports qui drainent de forts volumes seront les plus susceptibles d’attirer le rail et inversement les ports vers lesquels convergent les services ferroviaires peuvent prétendre à une plus grande croissance. À partir de ces observations et des stratégies de développement axial mises en œuvre par les compagnies maritimes, on peut s’interroger sur l’avenir du système hub and spokes dans le transport intermodal ferroviaire.

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2. COMMENT EXPLIQUER L’ENGOUEMENT DES COMPAGNIES MARITIMES POUR LA DESSERTE TERRESTRE ? Trois raisons animent les compagnies maritimes dans le développement de services porte à porte qui supposent la prise en charge du transport terrestre. Toutes sont portées entre autres par des considérations économiques. La première est liée à l’exploitation, la seconde vise à répondre à la demande des chargeurs, la troisième, liée à la précédente, vise une stratégie de marketing. Premièrement, les lignes maritimes veulent mieux contrôler leurs coûts logistiques en suivant la totalité du voyage de leurs conteneurs (en carrier haulage1) et pas seulement le segment maritime entre deux ports. Les implications financières potentielles sont considérables. L’exemple ci dessous, basé sur les chiffres d’une compagnie maritime, donne un ordre de grandeur de cet enjeu. Une ligne maritime qui a, dans les dernières années, réalisé un chiffre d’affaires de 1,5 milliards de dollars a supporté durant cette même année des coûts logistiques de 170 millions, soit 11,3 % du chiffre d’affaires. Une marge bénéficiaire de 1 à 3 % du chiffre d’affaires, quand il y en a, est considérée excellente. Les réductions de coûts possibles ont déjà été largement obtenues sur le segment maritime tant par l’accroissement de la taille des navires, la réorganisation des dessertes que par la mise en place de consortiums et d’alliances (GOUVERNAL, 2002). Les taux du fret fluctuent sans cesse, plus souvent bas que hauts, au gré des variations du marché sur lequel les lignes maritimes n’ont pas de contrôle direct. Les coûts logistiques représentent un champ potentiel d’économies que les opérateurs maritimes considèrent ne pas avoir encore été complètement exploré. Un contrôle total ou du moins meilleur des coûts logistiques peut être décisif pour le succès de l’entreprise grâce à la réduction de coût qu’il peut apporter ou conduire à sa faillite en cas d’échec. Les coûts logistiques englobent toutes les dépenses en rapport avec le conteneur par opposition à ceux qui concernent le seul navire, c’est-à-dire principalement : - le coût en capital de l’acquisition des conteneurs s’ils sont en propriété ou le prix de la location ; - le coût de la manutention et du déplacement des conteneurs vides du lieu de livraison après le dernier voyage commercial au lieu de repositionnement pour les prochains, sachant qu’il peut y avoir un trajet maritime entre les deux. La ligne maritime aimerait avoir le contrôle de ses stocks de conteneurs parce que des économies pourraient être attendues de : - la réduction de quelques jours de la durée du voyage des conteneurs (en moyenne pour un transporteur transocéanique un conteneur fera quatre

1 Transport terrestre fait sous la responsabilité de l’armateur.

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les Cahiers Scientifiques du Transport - N° 44-2003

voyages dans l’année2) ; - la diminution du nombre de mouvements de vides par contrôle direct de la livraison et du repositionnement - la massification du transport terrestre des conteneurs vides comme pleins en vue d’obtenir de meilleurs prix des transporteurs terrestres. Aucune massification n’est possible par la route et c’est la raison pour laquelle les lignes maritimes s’intéressent beaucoup aux développements du rail et de la voie d’eau. Il est évident que les résultats de telles stratégies sont proportionnels à la part du carrier haulage réalisée par la compagnie. Plus grande sera cette part, plus importantes pourront être les économies réalisées. L’accès ferroviaire des terminaux à conteneurs peut soulager la congestion routière qui va devenir critique pour certains ports continentaux comme Rotterdam ou qui l’est déjà comme au Royaume-Uni. Les distances relativement courtes dans ce pays devraient normalement jouer en faveur de la route puisque le transport routier est plus facile à rentabiliser sur des courtes distances. Le transport routier a été et reste toujours une source d’inquiétudes : pénurie de chauffeurs routiers, moindre concurrence étrangère que sur le continent et congestion routière importante. Tous les opérateurs sont unanimes à prévoir une aggravation de cette congestion. Selon eux3, l’entrée en vigueur en 2003 de la directive de la Commission sur les horaires de travail devrait aggraver cet état de fait. En second lieu, les lignes maritimes doivent répondre à la demande d’un service de porte à porte de la part de leurs clients ou du moins de quelquesuns d’entre eux (les gros chargeurs). Cela peut prendre la forme d’un contrat de porte à porte ou d’un contrat du service sur l’Atlantique nord. Cependant la pénétration intérieure par les lignes maritimes diffère largement d’un pays à l’autre. Sur le continent, l’expansion du carrier haulage est restreinte parce qu’une grande proportion des volumes est sous le contrôle de puissants commissionnaires de transport. Ces compagnies ont aussi l’ambition d’offrir des services de porte à porte à leurs propres clients qui s’avèrent être également de gros chargeurs. Le transport maritime est sous-traité aux lignes maritimes. Nous sommes par conséquent dans une situation critique où les commissionnaires de transport sont en même temps clients et concurrents des lignes maritimes. Au Royaume-Uni, le pourcentage de carrier haulage peut atteindre 70 à 100 % de l’avis de compagnies maritimes interrogées. Les commissionnaires n’ont pas le même poids que sur le continent. Il existe une raison historique et géographique à cet état de fait spécifique aux îles britanniques. Jusqu’aux

2 Entretiens avec des armateurs. 3 Interviews menées auprès d’armateurs et d’opérateurs de transport combinés à Liverpool en

mars 2003.

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années 1970, beaucoup de ports du Royaume-Uni comme Glasgow, Bristol, Liverpool, Hull, Newcastle… avait des lignes conventionnelles directes avec toutes les parties du monde. Au début de la conteneurisation, les navires devenus plus grands et leurs coûts d’exploitation ayant considérablement augmenté, les lignes maritimes (principalement des compagnies britanniques) ont cessé leurs services directs aux ports traditionnels. Elles ont rajouté à leurs services du Nord Europe une escale dans un port du Royaume-Uni aussi proche que possible de l’itinéraire régulier du navire. Pour cette raison, les ports de conteneurs du Royaume-Uni sont concentrés dans le Sud-Est du pays, plus proche de la rangée portuaire Hambourg-le Havre. Cependant afin de satisfaire les exigences de leurs clients et éviter de pénaliser ceux qui sont éloignés des ports de chargement de la nouvelle organisation, les lignes maritimes ont mis en place le système du « grid », rendu possible par le pouvoir considérable des conférences4 à cette époque. Comme c’est encore le cas aujourd’hui, les taux de fret maritimes sont très semblables, voir les mêmes, quel que soit le port de chargement dans une rangée portuaire. Le client qui devait charger ses marchandises non pas à 50 kilomètres

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