Poète Voyageur, Poète Voyant

e. Rimbaud, poète de la modernité et de l'innovation poétique a ainsi renversé les codes habituelles de l'écriture pour accéder à la vérité dissimulée du monde : « A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles, Je dirai quelque jour vos naissances latentes. ». C'est donc en voyageant dans les confins de la langue et de l'écriture que le poète accède à une nouvelle vision du monde, plus subjective, plus précise mais surtout plus proche de la vérité du monde.

Le poète est également un explorateur de l'esprit qui cherche à comprendre le comportement des hommes, à percer le sens des sentiments humains afin d'accéder à une meilleur compréhension du monde. L'imaginaire poétique se forme avant tout à partir de la richesse intérieure de cet « artisan des mots » qui se base à la fois sur son expérience personnelle et sa façon de concevoir les attitudes des hommes. Il part à la découverte de la large panoplie des sentiments afin de mieux saisir la mystérieuse conduite des hommes. Qu'ils soient dû à la raison ou à la passion, le poète tente de trouver la véritable source des sentiments afin de mieux comprendre les autres et de mieux se comprendre lui-même. Ainsi, Lamartine affirme que « Rien n'est vrai, rien n'est faux ; tout est songe et mensonge, Illusion du coeur qu'un vain espoir prolonge. Nos seules vérités, hommes, sont nos douleurs ». De cette façon, le poète nous livre sa vision sur les vérités de l'homme et du monde.

Par les mots, le poète concrétise ses pensées abstraites et donne ainsi de la signification à son voyage spirituel : il livre sa vision de l'homme et du monde, il témoigne de son expérience et de ses découvertes, parfois de façon singulière, de façon symbolique – comme Baudelaire – ou parfois de façon plus conventionnelle, lorsqu'il respecte les règles poétiques classiques instaurées par Malherbe et Boileau. C'est la transmission d'un message spirituel qui opère lors de la lecture d'un poème. Message qui résulte d'un cheminement intellectuel de la part du poète, voyageur de l'esprit, voyageur des idées, voyageur des sentiments humains.

II°) LE POETE, « VOYANT »

Le poète peut être qualifié de « voyant », il tente sans cesse de comprendre la « vérité », la réelle signification du monde et ainsi de voir « l'invisible ». Démarche légitimé par la tradition, qui accorde au poète le rôle de « messager divin ».

Le poète cherche toujours à comprendre le monde, si complexe, plein de symboles à interpréter, plein de préjugés et stéréotypes contre lesquels il doit lutter pour accéder à la « vérité ». Il recherche sous les apparences hostiles de l'expérience quotidienne la pure beauté de l'idéal spirituel. Il cherche à posséder le regard intérieur qui lui permettrait d'accéder aux vérités essentielles. Il tente de percer les mystères du monde et de la vie en regardant au-delà des apparences trompeuses. Voir « l'invisible » et comprendre l'incompréhensible, tel est sa quête. Il est différent des gens du commun car il voit, conçoit le monde autrement. Une caractéristique qui lui permet d'accéder aux vérités cachées du monde. Selon Bergson, « L'art n'a d'autre objet que d'écarter les symboles pratiquement utiles, les généralités conventionnellement et socialement acceptées, enfin tout ce qui nous masque la réalité, pour nous mettre face à face avec la réalité même ». Le poète entreprend de voir au-delà des limites conventionnelles établies pour voir le monde dans toute sa crudité et ainsi le comprendre.

Selon la tradition, le poète est l'héritier d'Orphée, médiateur du sacrée et « voyant » privilégié. L'orphisme a notamment inspiré de nombreux poètes comme Hugo dans « La légende des siècles » ou encore Apollinaire dans « Le cortège d'Orphée ». Le poète serait censé posséder le pouvoir de divination, il pourrait ainsi déchiffrer « l'invisible » et accéder à l'univers des idées. C'est une conception que l'on peut retrouver chez Baudelaire ou Rimbaud. Selon lui, « Le poète se fait voyant par un long, immense et déraisonné dérèglement de tous les sens ». Ainsi, il « voit l'invisible » et accède à la signification cachée du monde. Pour Ronsard, les poètes sont « les seuls interprètes des vrais Dieux ». Dans ce cas, le poète serait-il en mesure d'anticiper les événements, de prédire l'avenir ?

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