Pensez Vous Que l'On Puisse Traiter Des Sujets Graves Et Sérieux Sur Le
Note de Recherches : Pensez Vous Que l'On Puisse Traiter Des Sujets Graves Et Sérieux Sur Le. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresutant exiger la concentration que nécessiterait la lecture d’un essai. Ainsi, dans Candide, Voltaire met en scène les péripéties du héros éponyme et aborde ainsi sur un ton plaisant des évènements graves comme la guerre : les mésaventures comiques de Candide, enrôlé de force dans l’armée des bulgares du fait de sa naïveté, favorisant l’intérêt du lecteur et l’invitent à entendre la critique formulée par Voltaire à propos de la violence et de l’absurdité des combats dans le chapitre III : « Rien n’est si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées ». D’autre part, dans La Colonie, Marivaux met en scène un débat à caractère politique et social : il donne la parole aux femmes exclues de la société et dominées par les hommes dans tous les domaines. Mais pour rendre son sujet attrayant, il utilise la vivacité du dialogue et des répliques : ainsi, le comique de mots est utilisé par Mme Sorbin pour faire valoir la participation des femmes au domaine militaire : « je veux que dans un mois nous maniions le pistolet comme un éventail ». Le ton plaisant adopté par Marivaux permet d’éviter l’ennui que pourrait susciter chez beaucoup la lecture d’un essai, tel que De l’éducation des femmes de Choderlos de Laclos.D’autre part, le rire est communicatif et favorise ainsi l’adhésion du public à de certaines idées qui sembleraient dangereuses ou virulentes si elles étaient exprimées sur un ton sérieux. Ainsi le choix de la comédie ou d’un ton ironique permet de faire passer plus facilement des critiques qui attaquent le fonctionnement de la société, qu’il s’agisse des inégalités, de la tyrannie du pouvoir ou de la religion : celui qui rit est davantage à l’écoute des opinions de l’autre, il est mieux disposé à entendre des critiques qu’il réfuterait dans un débat d’idées. En effet, selon le précepte antique, la comédie joue le rôle d’un miroir grossissant, et tend à caricaturer les défauts de la société pour les corriger par le rire : « castigat ridendo mores ». Par exemple, dans La Colonie, Marivaux amplifie par le comique de caractère la mauvaise foi des interlocuteurs masculins : Hermocrate refuse l’idée même de femmes avocates au nom d’une prétendue bienséance : « Vous n’y songez point, la décence du barreau ne s’accorderait point avec un bonnet carré sur une cornette ». L’aspect dérisoire de cet argument incite le spectateur à rire du discours misogyne traditionnel, d’autant plus que la réponse d’Arthénice reprend la façon comique l’image de la coiffure pour mieux discréditer son adversaire : « ce bonnet carré qui pourrait bien devenir octogone si on nous fâche ». Ainsi, le public masculin de l’époque se trouve d’autant plus présentées de façon plaisante. Pour faire entendre le même type de critique, Voltaire utilise un autre procédé comique, celui du raisonnement par l’absurde : dans l’apologue Femmes soyez soumises à vos maris, la maréchale de Grancey tourne en dérision la domination de l’homme sur la femme : « Quoi ! parce qu’ils ont le menton couvert d’un vilain poil rude et que le mien est né rasé, il faudra que je leur obéisse très humblement ».Enfin, le choix de la comédie et de l’ironie pour traiter de sujets graves et sérieux permet de contourner les foudres de la censure, et de dénoncer des travers sans heurter les conventions morales et sociales. En effet, sous le règne de Louis XIV, la comédie avait une fonction sociale, les nobles étaient friands de ce spectacle, et riaient du ridicule des protagonistes, alors même qu’ils étaient concernés par ces critiques. Ainsi, dans Le Misanthrope, à travers les personnages d’Arsinoé ou des « petits marquis », Molière se livre à une satire virulente des courtisans, de leurs préoccupations futiles, de leur hypocrisie, de leurs intrigues méprisables, tout en faisant rire un public de cour. Dans Le Tartuffe, il dénonce l’imposture des faux dévots, qui manœuvrent dans les coulisses du pouvoir : on rit de la rouerie de Tartuffe et de la bêtise d’Orgon, alors même que nombre de rieurs se font dans la réalité abuser par autant de « tartuffes ». Par ailleurs, l’usage de l’ironie permet de diffuser habilement la critique tout en déjouant la censure. Par le biais de la double énonciation, un auteur comme Montesquieu s’attaque violemment à « l’esclavage des nègres » : « Si j’avais à défendre le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais ». Sous les apparences d’un traité sérieux, il dénonce avec ironie l’inhumanité de ses contemporains et réduit à néant leurs arguments fallacieux.[transition] Ainsi, traiter de problèmes de société sur un ton comique permet d’instruire le lecteur par le rire, de lui plaire tout en le ralliant à une thèse. Mais cette façon d’envisager sur un ton plaisant des sujets sérieux et graves est également efficace en ce qu’elle permet de minimiser l’aspect tragique de situations oppressantes, et ainsi d’affronter l’adversité avec courage, comme nous allons le voir dans une seconde partie.Nous allons montrer à présent la fonction libératrice de l’humour : en dépassant le traumatisme lié à des situations graves, le rieur acquiert une lucidité et parvient ainsi à triompher provisoirement des injustices qui l’accablent.Tout d’abord, traiter de sujets sérieux et graves sur un ton comique ou ironique désamorce l’angoisse que ces sujets peuvent provoquer : même s’il semble renforcer l’horreur et l’absurdité de la vie, le rire a une fonction libératrice. Par exemple, dans Candide, Voltaire dénonce la façon dont les femmes sont maltraitées en temps de guerre : ainsi Cunégonde, et la vieille avant elle, sont violées à de multiples reprises, mais ce sujet grave est souvent abordé de façon plaisante, afin de désamorcer le traumatisme suscité par une telle violence. Au chapitre XII, la vieille relate la façon dont ses ravisseurs lui ont coupé une fesse, afin de se nourrir. Voltaire choisit de raconter cet épisode atroce sur un ton ironique : « Nous avions un imam très pieux et très compatissant, qui leur fit un beau sermon par lequel il les persuada de ne pas nous tuer tout à fait. ’’Coupez, dit-il seulement une fesse à chacune de ces dames, vous ferez très bonne chère’’ ». La gravité de la situation est ici désamorcée par l’antiphrase, l’acte de barbarie est présenté avec ironie comme un geste généreux. De la même façon, dans le pamphlet Femmes soyez soumises à vos maris, Voltaire mentionne, à travers les propos de la Maréchale de Grancey, les risques de mortalité liés à l’accouchement, et utilise une périphrase comique pour parler d’un sujet touchant à la mort : « une maladie de neuf mois qui parfois peut être mortelle ». Enfin, lorsqu’il dénonce le fanatisme religieux dans Candide, Voltaire utilise l’humour noir pour montrer les méfaits de l’Inquisition : les innocents sont destinés à être « brûlés à petit feu », comme s’il s’agissait d’appliquer une recette de cuisine. Ainsi le cynisme permet de désamorcer l’angoisse, mais non la révolte face à ce sujet.En outre, en permettant d’alléger l’angoisse suscitée par des sujets tragiques, l’ironie et le comique favorisent le courage et le triomphe du rieur face à ces évènements. Aussi la critique est-elle plus efficace. Par exemple, dans Les Lettres persanes, Montesquieu tourne en dérision la monarchie absolue et se met ainsi en position de supériorité face à la tyrannie politique dont il souffre au même titre que ses contemporains : le roi dépend ainsi d’un « autre magicien plus fort que lui », le pape qui abuse de sa crédulité : « tantôt il lui fait croire que trois ne sont qu’un ; que le pain qu’on mange n’est pas du pain, ou que le vin que l’on boit n’est pas du vin, et mille autres choses de cette espèce ». Montesquieu par le rire s’attaque ainsi à une double cible : non seulement il ridiculise le roi, qui acquiesce à des croyances absurdes, mais aussi le pape, qui apparaît comme un escroc, un affabulateur, avec le terme ironique de « magicien ». D’autre part, dans son film La Vie est belle, le cinéaste Benini montre la vie des camps de concentration sur un ton humoristique. Ce sujet de nature atroce, qui concerne le génocide juif et le massacre de nombreux résistants, est présenté par un père à son fils comme un jeu. Le rire est ici une marque de courage, et ce film instruit et émeut en même temps : il montre que des victimes peuvent sublimer leur condition tragique et la dominer par l’humour. Enfin, dans son film Le Dictateur, diffusé en 1940, Charlie Chaplin tourne en dérision Hitler (Hynkel) et Mussolini (Napaloni) en présentant leur désir de conquête de l’Europe comme un jeu, une rivalité absurde les deux dictateurs. Il joue également sur le comique de situation en substituant à Hynkel le barbier Juif et en lui permettant de déjouer les plans du chef de file du nazisme. Il maîtrise ainsi par le rire l’horreur de la situation, des ghettos, des mesures antisémites prises par les nazis.[transition] Nous avons vu qu’il est des sujets graves, tels que le viol, la mort, la tyrannie, les génocides, dont il faut parler de façon comique et ironique, pour mieux les dominer, parce que le rire est cruel pour sa cible et qu’il est une marque se courage. Cependant on peut se demander s’il est possible de rire de tout, et s’il n’y a pas de limites à l’emploi de l’ironie et du comique.Nous allons à présent nous interroger sur les limites du parti pris de rire de tout. Dune part, l’apparente désinvolture peut choquer, et bien souvent le comique ne s’exerce qu’aux dépend des autres et
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