Phèdre, Racine, acte V, scène 6

Phèdre est une des plus célèbres tragédies éponymes de l’auteur classique Racine. La pièce évoque la passion incestueuse de Phèdre pour son beau-fils Hippolyte. Phèdre croyant son époux, Thésée, mort, elle révèle son amour pour Hippolyte. Mais son beau-fils les avances de Phèdre et le retour de Thésée la mène à accuser Hippolyte d’inceste. Un peu plus tôt dans la pièce, Thésée maudit son fils et demande à Neptune de le venger. Dans l’acte V, scène 6. Théramène, un messager, rapporte à Thésée les circonstances de la mort du jeune homme.

Racine, à travers Théramène, crée un récit théâtral pour mettre en valeur un héros épique qu’il enferme dans un univers tragique.

Ce récit permet de sauvegarder la bienséance, une des règles du théâtre classique théorisé par Boileau, consiste à ne montrer sur scène que ce qui conforme à l’opinion publique. La bienséance impose notamment de ne pas représenter sur scène des actes violents ou choquants. Si Racine avait décidé de tout de même représenter l’action de la scène 6 de l’acte V, celui-ci aurait très certainement heurté la sensibilité du des spectateur du XVIIème siècle. En effet, « l’effroyable cri », la « voix formidable », le « monstre sauvage » ainsi que le « généreux sang » sont autant d’épisodes que l’on ne peut représenter sur une scène de théâtre au XVIIème siècle. La tirade de Théramène est donc une tirade avec un but narratif afin de contourner le problème posé par la bienséance. On peut d’ailleurs y identifier les caractéristiques traditionnelles du récit. En premier lieu, la situation initiale s’étalant sur huit vers. L’élément perturbateur est amené par le « cri effroyable » du monstre. S’en suivent les péripéties, que comporte les mouvements du monstre, la fuite des habitants de Trézène, le combat d’Hippolyte contre le monstre et enfin, son corp trainé par les chevaux. Par la suite, l’élément de résolution est le pardon d’Hippolyte, qui se solde par sa mort, la situation finale.

Mais le récit de Théramène a aussi une profonde dimension théâtrale. Le récit passe de l’imparfait « nous sortions » au passé composé « a troublé le repos », puis au présent de narration « répond en gémissant » ce qui accentue l’effet dramatique que la scène devient actuelle et se déroule sous nos yeux. Cette dramatisation est dédoublée par l’émotion que communique Théramène, allant jusqu’à interrompre son récit pour exprimer sa peine « Excusez ma douleur. Cette image cruelle/Sera pour moi de pleurs une source éternelle ». Racine met donc en perspective la douleur du personnage comme s’il revivait le spectacle de la mort d’Hippolyte.

Non seulement la tirade de Théramène est un récit théâtral, elle a aussi une dimension épique.