Pour être heureux, faut-il donner libre cours à tous nos désirs ?

Pour être heureux, faut-il donner libre cours à tous nos désirs ?

                   La quête du bonheur est quelque chose de commun à toute l'humanité, c’est le but ultime de l’existence. C’est pourquoi les philosophes cherchent à nous conduire vers le bonheur. Dans cette question philosophique, on retrouve la formule « faut-il » qui permet de se demander s’il y a un lien nécessaire entre deux termes, ici entre le bonheur (être heureux) et les désirs. On assimile le fait d’être heureux au bonheur qui est un état stable durable et homogène qui dépend d’un équilibre intérieur, garantit par la raison. Le bonheur n’est pas sujet à des variations d’intensité, c’est pour quoi on le distingue du plaisir et du bien-être. Le désir quant à lui est un sentiment qui nous pousse à rechercher quelque chose qui nous paraît être source de plaisir, il naît de la représentation d’un manque. C’est quelque chose de personnel et subjectif.

On peut donc se demander si l’assouvissement de tous nos désirs est nécessaire pour que l’homme atteigne ce bonheur tant recherché.

Les désirs sont censés nous satisfaire donc si tous nos désirs sont accomplis, il serait logique que cela nous rende heureux, mais est-ce réellement le cas? C’est ce que l’on va voir dans la première partie. Ensuite, nous verrons le cas contraire, est-ce qu’il faut renoncer totalement à ses désirs ? Enfin, dans une dernière partie nous verrons le cas où l’on renonce partiellement à ses désirs en les maitrisant.  

                  Tout d’abord, on peut considérer que le désir est source du bonheur. En effet, Aristote a notamment dit « tout ce que nous désirons, nous le désirons afin d’être heureux ». Cela montre que tous nos désirs nous permettent d’être heureux. Cependant, en regardant l’étymologie du mot « désir », on retrouve la notion de manque car il est issu du verbe latin « desiderare » ce qui signifie constater l’absence. En effet, le désir est la recherche de quelque chose qu’on n’a pas, il y a donc une satisfaction lorsque l'on obtient l'objet de notre désir.

Donc, si l’on considère que le désir se porte sur l’obtention de quelque chose qui nous manque alors le fait de satisfaire ses désirs nous rend heureux.

De plus, on peut également considérer que le simple fait de désirer mène au bonheur comme le développe Rousseau. En effet celui-ci dit que c’est le désir, accompagné généralement de l’imagination de l’homme, qui nous rend heureux. Selon lui, c’est l’espérance et l’illusion autour de nos désirs qui nous mène à ce bonheur.

On peut alors considérer que donner libre cours à tous nos désirs nous rend heureux. Cependant il faut alors se demander si cela est réellement réalisable.  Malheureusement, réaliser tous ses désirs semble impossible pour plusieurs raisons. Tout d’abord, certains désirs impliqueraient, pour être satisfaits, que la personne s’affranchisse des lois et des normes sociales. Ainsi, si chacun vit en suivant tous ses désirs, ce qui implique parfois le viole des lois, la vie en société deviendrai impossible. De plus, si le désir se porte sur quelque chose que l’on n’a pas, le désir se porte alors toujours sur autre chose. En effet, lorsque l'on satisfait un désir, un autre désir apparaît rapidement, donc le manque persiste toujours. Il y a donc plus d’insatisfaction que de satisfaction dans ce cas. On devient alors un éternel insatisfait. Il y a également des désirs tout simplement impossible à assouvir comme le désir de ne pas vieillir ou de ne pas mourir.

                   Cependant, au-delà du fait qu’il est impossible de satisfaire tous nos désirs, la satisfaction de ceux-ci peut avoir l’effet inverse que celui désiré, c’est-à-dire le malheur.  La première raison de cela est l’insatisfaction que le désir lui-même peut provoquer. En effet, lorsque l’on désire quelque chose ce n’est pas l’objet que l’on veut mais les éléments affectifs que l’on projette sur lui. Ainsi, on développe tout un scénario imaginaire autour de l’objet ce qui provoque une déception lorsque cela ne reflète pas la réalité. L’obtention de l’objet du désir est donc souvent décevante car nous avons embelli l’objet de notre désir par notre imaginaire.

De plus, nos désirs proviennent généralement du désir des autres. En effet, la théorie des désirs mimétiques de René Girard montre cela. La théorie des désirs mimétiques développe l’idée que les désirs viennent en réalité des désirs des autres, qu’ils sont juste une imitation de ce que l’on voit au sein de la société. C’est une idée également développé par Rousseau qui a montré que les désirs apparaissent avec les premières formes de vies sociale. Donc, obtenir l’objet de notre désir reviendrai à obtenir l’objet du désir de quelqu’un d’autre ce qui mène généralement à la déception.

La seconde raison pour laquelle nos désirs pourraient également nous mener au malheur est que le désir implique le manque et la souffrance, en particulier si l’on considère que le désir se porte sur l’obtention de quelque chose que l’on n’a pas.

Le désir est satisfait que pour un court moment, donc, le reste du temps on ressent un manque. On est alors satisfait sur des courtes périodes avant d'être à nouveau insatisfait. Ces moments d’apaisement peuvent être assimiler au plaisir qui est une sensation ou un sentiment agréable mais éphémère et qui est sujet à des variations d’intensité contrairement au bonheur. L’hédonisme est une conception du bonheur où il est obtenu par la recherche du plaisir. Cependant, la satisfaction du désir n’est pas durable contrairement au bonheur, donc cela semble incompatible.

On peut donc dire que satisfaire un désir permet l’apaisement ponctuel au manque qui est créé par le désir lui-même. Cela s’oppose au bonheur qui est caractérisé par un équilibre intérieur.

Donc, si l’objet de notre désir est difficilement accessible, alors ce désir nous plonge au contraire dans le malheur. Afin de ne plus ressentir ce malheur, il faudrait logiquement supprimer la source de celui-ci qui est les désirs.

On pourrait donc penser que renoncer à tous ses désirs serait source de bonheur. Cependant, en renonçant à nos désirs, on fait perdre tout sens à notre existence. Le renoncement de la totalité de nos désirs serait synonyme de perte de raison de vivre. En effet, le désir joue un rôle essentiel car il donne à la vie un élan, un objectif. C’est grâce au désir que l’on peut se projeter dans le futur et donc donner un sens à la vie. On peut d’ailleurs s’appuyer sur la phrase de Spinoza «le désir est l’essence même de l’homme » pour illustrer cela. Donc, sans désir la vie humaine ne serait faite que de malheur et serait un supplice.