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Georges Orwell

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à ce dernier, qui ne rejoint définitivement sa famille qu'en 1911, après sa mise en retraite.

À cette époque, le jeune Eric Blair est déjà pensionnaire de la preparatory school3 de St Cyprien, qui lui inspire bien plus tard, dans les années 1946-1947, un récit, qu'il présente comme autobiographique, publié seulement après sa mort : Such, Such were the Joys. Il y décrit quel « épouvantable cauchemar4 » furent pour lui ces années d'internat5. Éric Blair est néanmoins un élève brillant et travailleur (il passe auprès de ses camarades pour un « intellectuel6 »), que ses maîtres motivent en lui rappelant que c'est à une bourse qu'il doit son admission à St Cyprien.

Signe de son excellence scolaire, Blair obtient une bourse au collège d'Eton, la plus réputée des public schools, où il étudie de 1917 à 1921. Orwell garde un assez bon souvenir de ces années, durant lesquelles il travaille peu, passant graduellement du statut d'élève brillant à celui d'élève médiocre, et faisant montre d'un tempérament volontiers rebelle (rébellion qui semble-t-il n'est aucunement liée à des revendications d'ordre politique ou idéologique). À cette époque, il a deux ambitions : devenir un écrivain célèbre (il écrit des nouvelles et des poèmes – médiocres7 – dans une revue du college), et retourner en Orient, qu'il connaît surtout par l'intermédiaire des souvenirs de sa mère.

Au service de l'Empire[modifier]

La (relative) prospérité de la famille Blair est étroitement liée à l'impérialisme britannique : outre son père, on peut citer l'arrière-grand-père paternel du futur George Orwell (propriétaire d'esclaves en Jamaïque) ou encore son grand-père maternel (marchand de teck en Birmanie). Aussi, même s'il s'agit d'une peu glorieuse conclusion à une scolarité effectuée dans d'aussi prestigieux établissements, est-ce donc tout naturellement que le jeune Eric Blair endosse l'uniforme et retourne aux Indes en 1922 pour devenir sergent dans la police impériale en Birmanie.

La situation sur place est à ce moment, sinon toujours explosive, du moins souvent tendue8 entre les Birmans et leurs colonisateurs : le nationalisme birman prend alors son essor, marqué par plusieurs mouvements de grève, en général violemment réprimés9. La mission des Britanniques est, selon le mot d'un ancien gouverneur adjoint de Birmanie, de « faire régner la loi et l'ordre dans des régions barbares »10.

Orwell qualifie plus tard son temps de service comme ayant consisté en « cinq années d'ennui au son des clairons »11. Après avoir effectué ses neuf mois réglementaires à l'école d'entraînement de la police, il connaît six lieux d'affectation différents, en général peu reluisants (notamment Moulmein). Il laisse l'image d'un grand jeune homme taciturne et solitaire, occupant la majeure partie de son temps libre à la lecture. Parmi les anecdotes concernant cette période, il aurait un jour assisté à une exécution capitale, ce qui lui inspire l'essai Une pendaison, « son premier écrit qui témoigne d'un style distinctif et du talent d'Orwell »12.

On ne connaît pas non plus avec certitude le détail de l'évolution intérieure qui le fait passer de l'ennui au dégoût de sa fonction comme rouage de l'administration coloniale. Mais il est permis de penser que ces propos de Flory, l'antihéros de Une histoire birmane, ne doivent pas être très éloignés de ce que pense le fonctionnaire de police Eric Blair vers 1927 : « Le fonctionnaire maintient le Birman à terre pendant que l'homme d'affaires lui fait les poches13. »

Quoi qu'il en soit, à la fin de l'année 1927, il jette l'éponge : arguant de raisons de santé (sur lesquelles nous ne savons rien), il rentre en Angleterre et donne sa démission. Il annonce alors à sa famille qu'il a décidé de se consacrer à l'écriture. Tout au long des vingt-deux ans qu'il lui reste à vivre, il reste un ennemi déclaré de l'impérialisme britannique.

Des débuts d'écrivain difficiles[modifier]

Eric Blair semble n'avoir guère eu de dons particuliers pour l'écriture, si l'on en croit le témoignage de ceux qu'il fréquente à l'époque14 : il travaille donc d'arrache-pied, écrit poèmes sur nouvelles et multiplie les ébauches de romans.

En parallèle, à l'automne 1927, il explore les bas-fonds londoniens, enquêtant sur les conditions de vie des plus démunis, les suit sur les routes et dans les sinistres asiles de nuit : il espère en tirer la matière d'un ouvrage sur les conditions de vie des pauvres. Il tente par là d'exorciser la culpabilité qui le ronge d'avoir « été l'exécutant d'un système d'exploitation et d'oppression15 » en Birmanie.

Au printemps 1928, il décide d'aller s'installer à Paris (où vit l'une de ses tantes) pour écrire. Il y reste dix-huit mois, au cours desquels nous ne savons pas grand-chose de sa vie16, si ce n'est qu'à l'automne 1929, à court d'argent et après avoir donné quelques leçons d'anglais, il fait la plonge durant quelques semaines dans un hôtel de luxe de la rue de Rivoli. Durant cette période, il publie épisodiquement des articles dans des journaux communistes (tel que Monde, revue fondée et dirigée par Henri Barbusse17). De la quasi-totalité de ses écrits de cette période, il ne reste rien. Il retourne en Angleterre en décembre 1929, juste à temps pour passer les fêtes de Noël avec sa famille. Fauché, n'ayant rien publié de prometteur, sa santé mise à mal par une pneumonie contractée l'hiver précédent, l'équipée parisienne apparaît comme un fiasco intégral.

Il reprend son exploration des bas-fonds de la société anglaise au printemps suivant, partageant la vie des vagabonds et des clochards, tantôt quelques jours, tantôt une semaine ou deux18. Mais il est contraint de mettre un terme à ses expéditions quelques mois plus tard : il n'a plus les moyens financiers de poursuivre ses vagabondages.

Il se décide à accepter un poste d'enseignant dans une école privée, dans une petite ville où il s'ennuie (Hayes, dans le Middlesex). Il en profite pour achever Dans la Dèche à Paris et à Londres, qui paraît au début de l'année 193319. C'est à cette occasion qu'il prend le pseudonyme de George Orwell20. Même si les critiques sont bonnes, les ventes sont médiocres. Qui plus est, l'éditeur d'Orwell (Victor Gollancz) craint le procès en diffamation pour Une histoire birmane dont la rédaction est achevée à l'automne 1934 et qui, pour cette raison, est tout d'abord publié aux États-Unis puis, avec quelques changements de noms, en Angleterre en 1935. À cette période, Orwell s'enthousiasme pour l'Ulysse de James Joyce et contracte une nouvelle pneumonie, qui l'oblige à abandonner sa charge d'enseignant (ou plutôt, qui l'en libère).

À la rencontre du prolétariat[modifier]

À la fin de l'automne 1934, Orwell termine dans la douleur la rédaction de son deuxième roman, Une fille de pasteur, dont il se montre peu satisfait : « C'était une bonne idée, explique-t-il à un de ses correspondants, mais je crains de l'avoir complètement gâchée »21. Là encore, la précision des références à des lieux et des personnages réels fait craindre à Victor Gollancz que l'ouvrage ne soit poursuivi en diffamation. Il se décide toutefois à le publier, assorti de corrections mineures, au début de l'année 193522.

Entre temps, Orwell s'est installé à Londres, où il trouve un emploi à la librairie « Booklover's Corner », dans le quartier d'Hampstead, « qui était, et demeure, un quartier d'intellectuels (réels ou prétendus) »23. Il rencontre Eileen O'Shaugnessy, qu'il épouse en juin 1936. Orwell a auparavant publié un autre roman, « le dernier de ses livres consciemment "littéraires" », selon Bernard Crick24, Et vive l'Aspidistra ! Il se rend aussi dans le nord de l'Angleterre où, pour honorer une commande que lui a passée Victor Gollancz, il étudie les conditions de vie des mineurs des régions industrielles. Il tire de ce reportage un livre, Le Quai de Wigan, qui sera publié alors qu'Orwell est en Espagne. Très polémique dans sa seconde partie, dans laquelle l'auteur analyse les raisons de l'échec de la gauche à gagner les classes laborieuses à la cause socialiste25, il paraît avec une mise au point hostile de Victor Gollancz qui, initiateur du projet, se désolidarise de son aboutissement.

Cette rencontre avec le prolétariat des régions minières marque surtout la « conversion26 » d'Orwell à la cause socialiste. Celle-ci survient brutalement, comme une évidence, face au spectacle de l'injustice sociale et de la misère du prolétariat anglais27.

Orwell en Espagne[modifier]

Fin 1936, alors que fait rage la Guerre d'Espagne qui met aux prises les républicains avec la tentative de coup d'État militaire menée par le « Caudillo » Francisco Franco, Orwell et son épouse rejoignent, par l’intermédiaire de l’Independent Labour Party (ILP), qui leur a remis des lettres de recommandation28, les milices du POUM29, après un bref détour par Paris, où Orwell rend visite à Henry Miller

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