Commentaire d’arrêt : Cass. civ. 1re, 3 nov. 2016, n° 15-25348.
Commentaire d'arrêt : Commentaire d’arrêt : Cass. civ. 1re, 3 nov. 2016, n° 15-25348.. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar babat • 30 Mars 2018 • Commentaire d'arrêt • 2 054 Mots (9 Pages) • 4 428 Vues
Commentaire d’arrêt : Cass. civ. 1re, 3 nov. 2016, n° 15-25348.
Il est ici question d'une compresse chirurgicale qui a été oubliée dans le corps d’une patiente, elle est retrouvée dans son abdomen au cours d’une opération du 4 décembre 2007 après deux autres interventions réalisées dans des établissements différents et par des chirurgiens différents.
Mme.X a vu sa demande rejetée devant le tribunal d'Aix-en-Provence, le16 octobre 2014, elle se pourvoit donc en cassation au motif que la cour d'appel a violé l'article 1315, et l''article L. 1142-1 du code de la santé publique.
La cour d’appel rejette sa demande au motif qu’elle n’établissait pas l’acte chirurgical au cours duquel la compresse avait été oubliée dans son abdomen. Elle retient l’existence d’une négligence fautive liée à l’oubli d’une compresse sur le site opératoire de l’une des interventions mais relève que rien ne permet de rattacher la présence de la compresse à l’un des deux interventions. En l’absence de démonstration de la faute personnelle de l’un des deux médecins ou établissements de santé, aucune responsabilité ne pouvait être engagée.
La victime forme alors un pourvoi en cassation. Elle avance qu’une fois la négligence fautive établie et en cas d’incertitude quant à l’auteur de cette faute, il revient aux professionnels de santé et aux établissements de prouver qu’ils ne sont pas à l’origine de la faute.
La cour de cassation devait se prononcer sur la possibilité d’établir ou non, une présomption de causalité en matière de responsabilité médicale lorsque le dommage et la faute sont reconnus mais qu’il y a une incertitude quant à l’identité précise du responsable en raison de la succession d’actes médicaux.
La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que les professionnels de santé ainsi que les établissements dans lesquels sont réalisés des actes de soins ne sont responsables des conséquences dommageables de ceux-ci qu’en cas de faute et qu’il au demandeur d’établir l’existence de cette faute et le lien de causalité avec le dommage qu’il a subi.
La Cour de cassation rappelle que la responsabilité médicale est soumise à la constatation d’une faute (I) et qu’elle ne peut prospérer à défaut d’identification personnelle de son auteur (II).
I. La responsabilité médicale soumise à la preuve d’une faute personnelle
Si la démonstration de l’existence d’une faute peut être est facilitée (A), le fardeau de son imputation pèse lourdement sur la victime (B).
A. La constatation facilitée d’une négligence fautive des médecins
Le pourvoi est rejeté au visa de l’article L. 1142-1, I, alinéa 1er, du Code de la santé publique, au motif que les professionnels de santé ainsi que les établissements dans lesquels sont réalisés des actes de soins ne sont pas responsables des conséquences dommageables de ceux-ci qu’en cas de faute et qu’il revient au demandeur d’établir l’existence de cette faute et le lien de causalité avec le dommage qu’il a subi. Ainsi, aucune responsabilité ne peut être engagée en l’absence de faute. En l’espèce la faute commise par le médecin est d’avoir oublié une compresse chirurgicale dans le corps du patient. L’exigence d’une faute est justifiée une obligation de moyen. La jurisprudence rappelle le principe : « la responsabilité du médecin est subordonnée à la preuve d’une faute commise dans l’accomplissement de l’acte médical ».
La jurisprudence a admis dans certains cas que la faute puisse être déduite de l’existence du dommage c'est le cas en l’espèce. Le fait d’oublier une compresse dans le corps de la patiente est vu comme une faute du praticien et le seul fait de la présence de la compresse permet de présumer sa responsabilité. Ainsi, la victime n’a pas eu à démontrer que cette omission constitue une négligence fautive. C'est ici conforme à une jurisprudence ancienne, fondée sur la notion de faute virtuelle. Un arrêt de principe de 1984, dit que l'oubli d’une compresse dans le corps du patient constitue par définition une négligence et une faute d’inattention. Ainsi le dommage subi ne peut résulter que d’une faute du médecin. La jurisprudence ultérieure a consacré la faute virtuelle et même une présomption de faute du médecin dans des cas comme celui-ci. On peut citer l’arrêt de la chambre civil du 17 janvier 2008 qui énonce que la victime bénéficie d’une « présomption d’imputabilité d’un dommage à un manquement fautif du praticien ». L’arrêt du 3 novembre 2016 confirme que la faute virtuelle est compatible avec la loi du 4 mars 2002.
L’oubli d’un objet dans le corps du patient permet de présumer la faute, en revanche du fait de la du nombre de chirurgiens la victime doit prouver quelle est l’opération à l’origine de cette faute, sinon aucune responsabilité ne peut être engagée.
B. L’obstacle du caractère personnel de la faute à l’engagement de la responsabilité
Avec cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que le seul oubli d’un corps étranger ne suffit pas à engager la responsabilité du médecin. Il faut démontrer l’existence d’une faute personnelle du médecin à l’origine du dommage.
Si la preuve de la faute est facilitée pour la victime, elle reste insuffisante pour engager la responsabilité des professionnels de santé. Il ne suffit pas que la faute existe, il faut que cette faute soit « personnelle ». Ainsi : « S’agissant d’une responsabilité personnelle, elle implique que soit identifié le professionnel de santé ou l’établissement de santé auquel elle est imputable ou qui répond de ses conséquences à défaut d’identification ». En l’espèce, l’existence d’une faute ne fait pas de doute. Les défendeurs ne contestaient pas la qualification fautive, mais l’absence d’imputabilité de cette faute. Conformément à l’article 1315 du Code civil (nouveau 1353), c’est à la victime de prouver à qui cette faute est imputable. Si la victime ne parvient pas a qualifier la faute de « personnelle » c’est-à-dire identifié précisément un responsable, elle ne peut prétendre à réparation. C’est précisément le cas ici. Elle ne parvient pas à désigner au cours de quelle opération la compresse a été oubliée, sa demande de réparation est donc écartée faute de démontrer le caractère personnel de la faute.
La solution est particulièrement sévère puisque la victime peut se trouver dans l’impossibilité de désigner avec certitude le responsable. La preuve de la première partie du lien de causalité est confirmé car il est certain que la faute découle du comportement de l’un des deux chirurgiens. La négligence résulte nécessairement de l’une des deux opérations, il n’y aucun doute sur ce point. La difficulté apparaît lorsqu’il s’agit d’établir la deuxième partie du lien de causalité. La victime prouve avec certitude le lien de causalité entre son dommage les deux chirurgiens, mais elle n’arrive pas à identifier précisément lequel est à l’origine de son dommage. Le preuve de la seconde partie du lien de causalité n’est pas donnée, il y a une incertitude quant au responsable. La victime n’a rien à se reprocher, une faute existe et pourtant la demande en réparation ne peut pas aboutir car la causalité n’est que partiellement établie. La faute du chirurgien demeure sans sanction, ce qui n’est pas satisfaisant. Mais l’arrêt est conforme aux textes, le professionnel de santé ou l’établissement de santé n’est pas identifié par la victime, les exigences de l’art L1142-1 du Code de santé publique ne sont pas remplies.
L’arrêt distingue entre l’existence de la faute et son imputabilité. Ce n’est pas en raison de l’absence de faute que les demandes de la victime sont rejetées mais en raison de l’absence d’imputabilité de celle-ci. La victime est dans l’impossibilité d’apporter cette preuve, elle tente ainsi de renverser la charge de la preuve, sans succès.
II. Le rejet de la présomption de causalité en cas d’incertitude quant au responsable
La Cour de cassation refuse d’utiliser une présomption de causalité pour condamner les défendeurs (A), cette solution va à l’encontre de l’évolution du droit de la responsabilité (B).
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