Commentaire de l'arrêt de la CIJ du 27 février 2007
Commentaire d'arrêt : Commentaire de l'arrêt de la CIJ du 27 février 2007. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar El hadef Amel • 8 Octobre 2017 • Commentaire d'arrêt • 2 220 Mots (9 Pages) • 1 037 Vues
L'article 1240 du Code civil dispose que « tout fait quelconque de l'Homme qui cause un dommage à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Cet article pose le principe de responsabilité civile visant à réparer la violation d'une obligation ou envers autrui en droit interne.
En droit international ce principe est transposé et existe également. On parle alors de responsabilité d'un Etat. Il existe en droit international la responsabilité d'un Etat pour fait illicite et la responsabilité pour acivités non interdites pas le droit international. On s'intéressera ici seulement à responsabilité d'un Etat pour fait internationalement illicite. Elle permet de garantir le respect des règles existantes en droit international, règles qui régissent les rapports entre les différents Etats.
Cependant il faut souligner que la mise en œuvre de la responsabilité d'un Etat est plus délicate que la mise en œuvre de la responsabilité civile car ne sont pas mises en cause seulement des personnes physiques mais des personnes morales, les Etats. Dans certains cas il est très difficile d'apprécier la responsabilité d'un Etat car celui-ci n'agit pas directement, parfois une personne ou un groupe de personne agit pout lui, sous ses ordres ou non.
La Cour Internationale de Justice va être confrontée à cela dans un arrêt du 27 février 2007.
En l'espèce, en 1995 un acte de génocide est commis par des forces serbes de Bosnie à Srebrenica en Bosnie-Herzégovine. D'autres actes de violences sont commis par ces groupes armés dans la région de Srebrenica.
Le 20 mars 1993, le Gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine (devenue, partir du 14 décembre 1995, la «Bosnie-Herzégovine») a déposé au Greffe de la Cour Internationale de Justice (CIJ) une requête introductive d’instance contre la République fédérale de Yougoslavie (devenue à partir du 3 juin 2006, la République de Serbie) au sujet de ces différends concernant d’une part des violations de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1948 et d’autre part diverses questions qui, selon la Bosnie-Herzégovine, seraient liées à ces violations.
La Bosnie-Herzégovine agit en qualité de demandeur et la République de Serbie en qualité de défendeur.
Le demandeur prétend que ces groupes ont agi sous le contrôle de la République de Serbie. Le défendeur affirme que les entités en question n'étaient pas des organes de la RFY.
Dans cet arrêt la Cour se pose deux questions. Tout d'abord elle cherche à savoir si le génocide a été commis par des personnes ayant le caractère d'organe de la RFY et si la République de la Serbie peut être responsable des actes d'un groupe armé.
Alors une question semble prendre sens en ces termes : des actes commis par un groupe de personnes n'ayant pas le caractère d'organe de l'état peuvent-ils engager la responsabilité de l'état?
La Cour commence par dire que le groupe armé ne peut pas être considéré comme organe de l'Etat, elle applique strictement les règles d'attribution et applique son critère du contrôle effectif ( I ). La Cour rend donc une décision contraire à celle du TPIY qui lui penche pour me critère du contrôle global, on peut penser que sa décision est davantage politique que juridique (II).
- La recherche de la responsabilité de l'état pour des faits commis par des acteurs non étatiques avec des conditions d'attribution strictes
La Cour internationale de justice doit rechercher si la République de Serbie peut être tenue responsable pour des crimes de génocide qui ont été commis par un groupe de personnes armées, pour cela elle applique des règles d'attributions strictes ( A) et un critère restreint, le critère du contrôle effectif ( B ).
A) L'application stricte des règles d'attribution conduisant à la reconnaissance d'acteurs non étatiques
Il convient tout d'abord de dire que la question de savoir si des crimes de génocide ont été commis à Srebrenica en Bosnie est une question très controversée sur la scène internationale. D'après l'article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 le génocide est un acte « commis dans l'intention de détruire ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Pour qualifier un acte de génocide il faut donc prouver l'intention de nuire des acteurs du crime (dolus specialis).
En l'espèce la Cour a conclu qu'il y avait bien eu un élément intentionnel pour les événement de Srebrenica.
En droit international l’État agit par des organes (personne ou groupe de personnes habilités à agir pour le compte de l'Etat) et la responsabilité de l’État peut être mise en cause à partir du moment où une personne a agi en tant qu'organe de l’État. On dit que le fait commis par l'organe de l’État est attribué à l'Etat. Les principes applicables à l'attribution sont définis dans le projet de la Commission du Droit International (CDI) et c'est plus précisément l'article 4 du projet qui définit ce qu'est un organe de l'Etat et son comportement attribuable à l'Etat. L'article 4 énonce que « le comportement de tout organe de l'état est considéré comme un fait de l'Etat d'après le droit international, que cet organe exerce des fonctions législatives, exécutives, judiciaires ou autres, quelle que soit la position qu'il occupe dans l'organisation de l'Etat, et quelle que soit sa nature en tant qu'organe du gouvernement central ou d'une collectivité territoriale de l'état ».
Cet article pose donc une conception unitaire de l'Etat puisque les démembrements de celui-ci peuvent engager sa responsabilité.
En l'espèce, la question est de savoir si les actes de génocide à Srebrenica ont été commis par des personnes ou entités ayant le caractère d'organe de la République Fédérale de Yougoslavie (RFY) devenue la République de Serbie en vertu du droit interne de l'Etat en vigueur à ce moment.
La CIJ répond par la négative en disant que « aucun élément ne permet de répondre affirmativement à cette question. Il n'a pas été établi que l'armée de la RFY ait participé aux massacres , ni que les dirigeants politiques de cet Etat aient participé à la préparation, à la planification ou à quelque titre que ce soit, à l'exécution des massacres ». La CIJ fait une application stricte de ce qui est énoncé dans le projet de la CDI, elle applique simplement et strictement les règles d'attribution.
La CIJ dit qu'il existe de nombreuses preuves d'une participation mais qu'il n'est pas établi que cette participation ait eu lieu dans le cadre des massacres de Srebrenica.
Le mécanisme de preuve qu'utilise la CIJ peut être critiquer car elle considère qu'une partie qui avance un argument doit le prouver mais ici la Serbie considère que ce n'est pas à elle de prouver l'établissement d'un crime de génocide car le défendeur peut refuser de donner des éléments de preuve, la Cour refuse cela alors que d'autres juridictions internationales comme la CEDH l'accepte et conclut hâtivement que le demandeur n'a pas pu prouvé les intentions du défendeur.
B) L'application du critère du contrôle effectif par la CIJ
La Cour dit « une personne, un groupe de personne ou une entité quelconque peuvent être assimilés – aux fins de la mise en œuvre de la responsabilité internationale – à un organe de l' Etat même si une telle qualification ne résulte pas du droit interne, lorsque cette personne, ce groupe ou cette entité agit en fait sous la « totale dépendance » de l'Etat ».
La Cour vient dire ici que même si une personne ou groupe de personne n'est pas reconnu comme organe de l'Etat par le droit interne de celui-ci, elle peut l'être si cette personne ou groupe de personne a agi sous un contrôle de l'Etat.
Ce principe n'est pas un principe que la Cour pose nouvellement dans cet arrêt. Elle ne fait que reprendre sa jurisprudence « Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua » de 1986.
L'arrêt Nicaragua de la Cour Internationale de Justice a établi le principe selon lequel l’Etat n’engage sa responsabilité pour le fait d’acteurs non étatiques que si l’Etat a ordonné que les actes illicites ou si l’Etat avait le contrôle sur ces acteurs lors de la commission de ces actes illicites.
Dans cet arrêt la CIJ pose le critère du contrôle effectif. Dans cette affaire la Cour devait déterminer si les États-Unis pouvaient être reconnus responsables pour les violations du droit international humanitaire commises au Nicaragua par les contras, guérilla révolutionnaire financée, équipée, et soutenue logistiquement par les Etats-Unis. Mais il n’a pas été prouvé que les États-Unis avaient donné l'ordre de ces crimes, ni qu’ils exerçaient un contrôle effectif sur les contras au cours des opérations où ces crimes avaient été commis, la Cour n'admetta pas la responsabilité des Etats-Unis pour les actions des contras. Toutefois la Cour a retenu la responsabilité des États-Unis pour usage illicite de la force et violation de la souveraineté et l’indépendance politique du Nicaragua. Des années plus tard le TPIY se trouva confronté à une question similaire en 1999 dans l'affaire Tadic. Mais l’application du critère du contrôle effectif posé dans l'arrêt « Nicaragua » par la chambre de première instance fut renversée par la chambre d’appel, qui adopta le critère différent du « contrôle global ». L’application de ce nouveau critère bouleverse le droit international.
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