La ZAC Martelly à Grasse: un projet de regénération urbaine voué à l'echec ?
Étude de cas : La ZAC Martelly à Grasse: un projet de regénération urbaine voué à l'echec ?. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Mhubin • 5 Mai 2020 • Étude de cas • 3 865 Mots (16 Pages) • 648 Vues
Présentation du Sujet : Grasse ville des parfums
En début d’année, je n’avais absolument aucune idée de ce sur quoi allait porter mon mémoire. Pour trouver l’inspiration je me rendais à la bibliothèque, je lisais des articles sur internet pour me renseigner sur des sujets qui m'intéressaient, mais en vain. Mes recherches restaient infructueuses et je venais à chaque séance de séminaire avec un nouveau sujet plus flou que celui de la dernière fois. Le souci était que je prenais le problème à l’envers : je cherchais une thématique alors que j’avais besoin, pour nourrir ma réflexion, d’un objet d’étude. Cet objet d’étude j’ai fini par le trouver juste avant les vacances de noël : la ville de Grasse.
Grasse est une commune du département des Alpes Maritimes situé à 12 km au nord de Cannes. Sous-préfecture des Alpes-Maritimes, Grasse est la quatrième ville du département en termes de population avec aujourd’hui plus de 51 000 habitants. La commune occupe un territoire de 4444 ha dont une grande partie est occupé par des réserves naturelles. La ville de Grasse à proprement parler est située sur un promontoire volcanique à la frontière avec le massif de l’Esterel et le Parc national des Préalpes d’Azur. Elle présente donc la particularité d’un fort dénivelé (soit environ 250 m positifs en 1 km parcouru entre le haut et le bas de la ville,) qui est maîtrisé par une stratification en restanques. Enclavée entre deux massifs montagneux, c’est aussi la seule ville importante de la ‘’côte’’ d’azur à ne pas être en contact direct avec le littoral. Ainsi, contrairement à ses voisins, Grasse ne profite pas du tourisme balnéaire qui fait vivre cette région depuis le XIXe siècle et, malgré les efforts de la municipalité pour améliorer la connexion entre Grasse et ses alentours, de par sa position géographique, Grasse est un vrai cul de sac.
Jusque dans les années 70, la ville de Grasse ne souffrait pas de ce désavantage car elle disposait d’un monopole quasi exclusif de la production de matière première brute et transformé dans l’industrie du parfum. En effet, doublement spécialisée dans la culture et la transformation des fleurs en essence depuis le XVIemesiècle, Grasse était une petite ville industrielle prospère. Au tournant du XIXe siècle apparaît la parfumerie de synthèse, où l’on utilise des produits non plus naturels mais issus de la chimie. Cette révolution dans la production va permettre, au sortir de la seconde Guerre Mondiale, de démocratiser ce produit initialement de luxe à un plus large public. Va naître à cette époque, dans le domaine de la parfumerie tout comme celui du prêt-à-porter, une tendance à deux vitesse: des produits plus économiques, industrialisés à grande échelle et un artisanat de luxe et d’exception.
Pour survivre, les industries Grassoises revoient complètement leur système de production et d’approvisionnement. Elles abandonnent en grande partie la production locale de matière première naturelle pour se diriger vers un marché mondialisé de produits synthétiques. Les entreprises familiales sont rachetées par de grands groupes et la production est largement délocalisée. Certaines usines se reconvertissent dans d’autres branches plus rentables telles que les arômes artificiels. Les conséquences pour Grasse sont drastiques: elle passe de 850ha de champs de fleur dans les années 60, contre seulement 37 ha aujourd’hui, transformant totalement le visage de cette petite ville industrielle autrefois fleurie. Qui plus est, les changements ne sont pas que paysagers, ils sont humains. Avec l’avènement de la parfumerie synthétique, la main d’œuvre, autrefois essentiellement ouvrière, est remplacée par de nouveaux emplois hautement qualifiés : les chimistes et les laborantins.
Après 30 ans de reconversion, l’industrie du parfum Grassoise reste aujourd’hui un pôle d’activité puissant : elle représente à elle seule 10 % du chiffre d'affaires mondial de cette filière et 50 % du chiffre d'affaires national. Aujourd’hui ce sont 10 000 grassois qui travaillent encore pour la parfumerie qui reste le secteur d’activité principal de la commune, juste devant le tourisme, lui aussi essentiellement liée aux grandes maisons de parfum, notamment Fragonard et Molinard.
C’est au tournant des années 2000, que va se produire un changement considérable pour la ville de Grasse. Les Trois sœurs Costa, héritières de la maison Fragonard, vont développer l’entreprise familiale en créant de nouvelles gammes de produits : linge de maison et ameublement, prêt-à-porter et jouets pour enfants. Le succès de ses boutiques de luxe se multiplient dans la région et montent jusqu’à Paris, offrant une nouvelle vitrine sur Grasse. Dans le même temps, la maison Fragonard finance l’extension du musée international de la parfumerie attraction phare de Grasse qui attire une nouvelle vague de touristes. C’est donc grâce à la notoriété croissante de la maison Fragonard que le parfum va prendre une place centrale dans la ville de Grasse : plus qu’un produit de luxe artisanal, il va devenir une icône de marketing touristique. Si on veut, dans une moindre échelle, le parfum est à Grasse, ce que le vin est pour Bordeaux.
Les élus successifs de la ville de Grasse s’empressent de médiatiser cet atout majeur à travers des événements culturels (Expo Rose, Fête du jasmin, Concours des villes et villages fleuries) afin d’étendre la notoriété de cette « capitale du parfum » au grand public et aux autorités du ministère de la culture. En 2003, la ville de Grasse obtient ainsi le label « ville d’art et d’histoire », puis, grâce au travail acharné du Sénateur et ancien Maire Jean Pierre Leleux, le savoir-faire lié au parfum en Pays de Grasse est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en novembre 2018. Comme l’indique cette organisation : « l’inscription d’un site sur la Liste du patrimoine mondial entraîne une plus grande sensibilisation du public au site et à ses valeurs exceptionnelles, ce qui renforce les activités touristiques sur le site. Bien planifiées et organisées conformément aux principes du tourisme durable, celles-ci peuvent être une source majeure de fonds pour le site et l’économie locale ».
C’est bien sur cet adage que le nouveau maire de Grasse, élu en 2014, M. Jérôme Viaud, souhaite redynamiser la ville. Pour cela, il élabore avec sa municipalité une stratégie à la fois politique, économique et urbaine.
Il commence par créer, en 2015, la communauté d'agglomération du Pays de Grasse dont il est élu président. L’union de ces 23 communes forme un important territoire de 490km² avec plus de 100 000 habitants. Cette nouvelle échelle offre aux communes autrefois isolées une plus grande visibilité aux yeux des investisseurs mais aussi et surtout auprès des touristes. En effet, grâce à ses 400km² d’espace naturel et ses nombreux partenariats, le « Pays » de Grasse diversifie son offre touristique, autrefois essentiellement culturelle, aux domaines des loisirs extérieurs. Dernier point, mais non des moindres, la communauté d’agglomération permet un partenariat fiscal entre les municipalités qui voient cette époque les subventions de l’Etat diminuer à grande vitesse. La ville de Grasse en particulier, compte entre autre sur ce nouvel appui financier pour entreprendre les grands travaux envisagés par M. Viaud. Celui-ci affirme que la redynamisation de Grasse doit passer par un renouveau de son paysage urbain et une réorganisation de son territoire en général.
Ces grandes idées se matérialise sous la forme d’une révision du Plan Local d’Urbanisme (PLU) publiée par la mairie en 2017 : Le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD).
Ce PADD vise essentiellement à réorienter le développement de Grasse vers celui d’une « Campagne Habitée », à savoir limiter le grignotage du territoire agricole provoqué par la spéculation immobilière pour préserver le terroir provençal et son paysage, ou du moins ce qu’il en reste. Ce document coloré et imagé n’a rien du texte rébarbatif énonçant les règles d’urbanisme à respecter : c’est une sorte brochure publicitaire qui traite les grands axes du projet de rénovation de Grasse. Il fait un joli inventaire de tous les enjeux à la mode depuis la loi Grenelle II : « Reconnaître l’eau comme une ressource capitale pour demain », « Développer une matrice verte et bleue pour une ville méditerranéenne durable », «Faire de Grasse une ville énergétique et innovante ». Cependant, derrière tous ces titres allécheurs, il y a surtout la volonté de médiatiser l’image d’une ville « écolo friendly » et de renforcer l’imaginaire perdu de cette ancienne ville entourée de fleur. Au cours d’une interview télévisée, le maire met l’accent sur le regain de terre agricole dédiée à la floriculture. En réalité, ce regain ne représente qu’un faible pourcentage de l’espace agricole présent, un geste symbolique donc, où l’objectif sous-jacent n’est pas de stimuler la filière agricole, mais bien de reconstruire une identité urbaine qui fait vendre.
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