La distinction entre partis politiques et mouvements sociaux
Dissertation : La distinction entre partis politiques et mouvements sociaux. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar MC82 • 5 Janvier 2021 • Dissertation • 3 543 Mots (15 Pages) • 630 Vues
La distinction entre partis politiques et mouvements sociaux
Les 25 et 26 mai 2019, lors des élections européennes, les Gilets Jaunes, mouvement
pourtant opposé à toute reprise politique de ses revendications, ont tenté de basculer de la rue
aux urnes. Deux listes ont donc été créées : “alliance jaune” et “évolution citoyenne” et trois
autres ont essayé de revendiquer une affiliation au mouvement avec des candidats issus de ce
dernier, dont : “les patriotes”. Cependant, les faibles résultats obtenus (aucune liste ne
dépassant les 1%) montrent une importante hostilité à la formation d’un parti. Cela s’explique
par l’existence d’un clivage constant entre les partisans convaincus qu’institutionnaliser le
mouvement est un aboutissement et ceux considérant cela comme un échec. Les avis divergent
donc quant à la relation que doivent entretenir partis et mouvements.
Or, “La palette des relations mouvements partis est remarquablement complexe”
explique Erik Neveu. Selon lui, un mouvement social est une intervention collective destinée
à transformer les conditions d'existence des acteurs, à contester des hiérarchies ou des relations
sociales et à générer pour cela des identités collectives et des sentiments d'appartenance. Alors
que les partis politiques se définissent comme des organisations durables et institutionnalisées
ayant pour vocation de mobiliser le peuple avec pour objectif la conquête du pouvoir politique.
Il semble alors que ces deux notions soient distinctes l’une de l’autre.
Néanmoins, étymologiquement parlant, le terme “distinction” entend une séparation
nette entre deux sujets. Pourtant, on assiste ces dernières années à l’émergence croissante de
parti-mouvement, tel que LREM ou MAS (mouvement vers le socialisme) en Bolivie, qui se
définit comme n’étant « pas un parti politique, mais un instrument des mouvements sociaux ».
Il y aurait donc des liens, des collusions ou bien encore des emprunts entre partis et
mouvements. Il semblerait, alors, que ces catégories soient inters pénétrables et de ce fait que
la vision dichotomique classique opposant celles-ci ne soit pas totalement juste.
Une certaine complexité semble donc sous-jacente aux définitions de ces deux notions.
Il serait alors légitime de s’interroger sur ce qui unie un parti et un mouvement, sur l’éventualité
d’un basculement d’un mouvement vers un parti.
Et finalement, puisque la notion d’opacité entre ces deux termes n’apparaît pas si
évidente, dans quelle mesure peut-on parler de confusion entre parti politique et
mouvement social ?
Il est possible de constater une certaine interpénétration entre ces deux notions pourtant
distinctes (I), de plus le mouvement social peut se trouver happé par la légitimité dont bénéficie
le parti politique dans la sphère publique (II).
I/ Une forte interpénétration de deux notions distinctes
a. Deux “idéaux-types” en théorie différents
Les notions de partis politiques et de mouvements sociaux ont été longtemps étudiées
séparément dans le champ académique. On peut noter plusieurs différences entre partis
politiques et mouvements sociaux ne pouvant instituer une convergence entre les deux.
Cependant, nous postulons de fait, l'idée que ces différences constituent deux idéaux-types ne
permettant pas de rendre pleinement compte de la réalité effective des liens unissant ces deux
organisations.
Tout d'abord, ils entretiennent un rapport différent au pouvoir. En effet, dans la définition même
de ce qu'est un parti politique apparaît la participation à la compétition politique, donc la
volonté de prendre le pouvoir. Cette caractéristique essentielle, qui se traduit d'un point de vue
organisationnel par la formation de candidats, la participation à des élections constitue une
donnée absente des mouvements sociaux. Ces derniers se forment plutôt en opposition aux
gouvernants. Ils ont la volonté d'influencer le pouvoir politique, non pas de le conquérir. En
protestant, en montant des actions, les mouvements sociaux entendent interpeller les pouvoirs
publics sur une question qui, a leur sens, n'est pas bien prise en charge. Une différence
fondamentale entre ces deux serait que les partis politiques s'appuient sur l'Etat et les
mouvements sociaux sur les citoyens lambda, la société civile, l'opinion publique.
Les attentes envers ces deux organisations sont aussi différentes. Selon Manuel Azcarate,
ancien dirigeant du parti communiste d'Espagne : « Le rôle spécifique du parti politique est
d’élaborer une alternative globale, aujourd’hui pour sortir de la crise, en général pour aller
vers une nouvelle société, alors que les mouvements sociaux tendent à avoir une vision partielle
». Ainsi, ces deux organisations auraient un rôle totalement différent. La nécessité d'un parti
d'avoir un projet global lui demanderait d'être plus consensuel, d'intégrer plus de facteurs
différents dans sa prise de décision. A l'inverse, est attendu d'un mouvement social, puisqu'il
défend un intérêt particulier, qu'il soit plus radical dans ses revendications. Cependant, cette
distinction académique traditionnelle ne trouve pas résonance chez tous les chercheurs. Alain
Touraine voit la nécessité de renverser le « rapport classique entre partis politiques et
mouvements sociaux ». Il donne l'exemple du mouvement antinucléaire dont les revendications
dépassent le simple cadre de l'utilisation de l'énergie nucléaire pour questionner les thèmes plus
larges du type d'industrialisation, de développement économique que devrait entreprendre la
société.
Un rapport différent à la professionnalisation, la bureaucratie peut être évoqué. En effet, ces
caractéristiques peuvent être considérées comme inhérente au parti politique, en atteste la loi
d'airain de l’oligarchie de Roberto Michels. Par sa forme d'organisation, un parti finit toujours
par engendrer une élite professionnelle, une hiérarchisation et une organisation extrêmement
structurée due à son institutionnalisation. Cela n'est à l'inverse pas l'essence d'un mouvement
social. Il convient pourtant de nuancer cela puisque certains mouvements se retrouvent très
organisés et hiérarchisés. Dès qu'ils commencent à prendre de l'ampleur, ils forment des pôles
différents au sein du mouvement et certains individus pérennisent leur engagement au sein de
ce mouvement, certains en devenant même salariés. Ce qui peut être liés au processus
s'enclenchant dans un parti politique.
La production des élites, la formation d'un leader est devenue une caractéristique prégnante des
partis politiques, sous la Ve République notamment. La présidentialisation du régime a
provoqué chez les partis politiques la tendance à former un leader présidentiable, capable de
représenter le parti. Or, certains mouvements s'opposent à cela, ils refusent la représentation
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