Le 9 janvier 2014, M. Dieudonné M'bala M'bala
Commentaire d'arrêt : Le 9 janvier 2014, M. Dieudonné M'bala M'bala. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Hinota • 21 Mars 2018 • Commentaire d'arrêt • 2 270 Mots (10 Pages) • 666 Vues
COMMENTAIRE D’ARRÊT :
Le 9 janvier 2014, le Conseil d’Etat doit se prononcer sur l’annulation par le juge des référés du TA de Nantes sur l’arrêté préfectoral interdisant un spectacle antisémite de M.Dieudonné M’Bala M’Bala pris par le préfet de Loire Atlantique.
En l’espèce, M. Dieudonné M’Bala M’Bala doit présenter un spectacle nommé « Le mur » le 9 janvier 2014 à Saint-Herblain.
Le préfet de Loire-Atlantique prend le 7 janvier 2014 un arrêté portant interdiction de ce spectacle au moyen que celui-ci contiendrait des propos antisémites incitant à la haine raciale ainsi qu’une apologie des crimes commis durant la seconde guerre mondiale. Le 9 janvier 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes suspend l’exécution de cet arrêté d’interdiction du spectacle. Le ministre de l’intérieur relève donc appel de l’ordonnance du 9 janvier 2014 prise par le TA de Nantes.
Nous pouvons nous poser la question suivante : « La décision du préfet d’annuler un événement futur se basant sur les antécédents du justiciable est-elle légitime ? »
Le CE répond par la positive à cette question au motif que les risques de troubles à l’ordre public sont réels, que les propos portent une grave atteinte à la dignité de la personne humaine et qu’il est de la mission de l’autorité administrative de prévenir les infractions pénales. Je cite le juge dans son sixième considérant : « Considérant que la réalité et la gravité des risques de troubles à l’ordre public mentionnés par l’arrêté litigieux sont établis tant par les pièces du dossier que par les échanges tenus au cours de l’audience publique ; […] qu’ainsi, en se fondant sur les risques que le spectacle projeté représentait pour l’ordre public et sur la méconnaissance des principes au respect desquels il incombe aux autorités de l’Etat de veiller, le préfet de la Loire-Atlantique n’a pas commis, dans l’exercice de ses pouvoirs de police administrative, d’illégalité grave et manifeste »
Il est important de notifier que l’une des missions de la police administrative est de prévenir les troubles à l’ordre public (I) et que dans cet arrêt el juge des référés a pris parti de faire primer la dignité de la personne humaine sur la liberté d’expression (II).
I. L’effectivité de la mission des autorités administratives : la prévention de l’atteinte à l’ordre public.
Dans cette première partie nous allons étudier que le pouvoir qu’a exercé le préfet Loire-Atlantique, pouvoir de police, a été contesté par les moyens de défense du justiciable, sa saisine du juge en référé (A). Nous verrons ensuite que ce pouvoir de police exercé avait l’essence de prévention à laquelle est destinée la police administrative (B)
A. Le pouvoir de police du préfet, relativement renversé par les moyens de défense du justiciable
Il est important de relever que le juge a établi un raisonnement qui est tel qu’il a vérifié dans un premier temps le caractère d’urgence de la demande du justiciable (1) et qu’il a cherché un illégalité grave et manifeste dans l’acte du préfet (2)
1- Une décision contrainte à un court délai justifiant le caractère d’urgence
Dans son tout premier considérant, le juge écrit que : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale »
Avant de traiter le litige en question, le juge des référés se doit de vérifier en effet deux conditions cumulatives. La première condition est la condition d’urgence. Dans tous les mesures qui sont prises en matière d'état d'urgence la condition d'urgence est en réalité présumée par le juge. On peut relever cependant que le délai étant court entre l’annulation du préfet et l’échéance du spectacle peut représenter en cela une urgence. Il avait été également retenu dans une autre ordonnance, ordonnance du Conseil d'Etat en section du 11 décembre 2015, Monsieur B et Ligue des droits de l'homme que l’atteinte grave à la liberté d’aller et venir était une condition d’urgence remplie.
Après avoir établi le caractère d’urgence, le juge va ensuite vérifier si la deuxième condition est remplie, c'est-à-dire celle d’une atteinte grave et manifestement illégale.
2- L’absence d’illégalité grave et manifeste dans l’exercice du pouvoir de police administrative du préfet.
Dans son sixième considérant, le juge écrit que « le préfet de la Loire-Atlantique n’a pas commis, dans l’exercice de ses pouvoirs de police administrative, d’illégalité grave et manifeste ».
Il est écrit très distinctement que la deuxième condition requise à l’admission de ce référé n’est pas présente ce le juge. On aurait pu appeler ce référé « référé-liberté » car dénonçant une atteinte à la liberté d’expression de M. Dieudonné M’Bala M’Bala. Il y avait eu un cas similaire dans l’arrêt du Conseil d'état en ordonnance du 1er décembre2017, Commune de Dannemarie. Le CE dit d'abord que le principe d'égalité homme-femme ne fait pas parti des libertés fondamentales protégées par le référé-liberté. En revanche, il examine cette demande de référé-liberté sous l'angle de principe de la dignité humaine. Il considère que ces silhouettes ne constituent pas une image dégradante de l'image de la femme donc il n'y pas atteinte au principe de dignité et donc le référé-liberté n'est pas accordé.
Nous allons démontrer maintenant que le juge a opté pour une logique cohérente, celle d’une vision préventive aux infractions pénales.
B. La vocation implicite de la police administrative, la prévention des infractions pénales
Il est intéressant de voir que cet arrêt nous montre que la police administrative tend à favoriser la cohésion nationale (1) et qu’en cela elle détonne de la police judiciaire en ce qu’elle prend en compte les antécédents du justiciable, M. Dieudonné M’Bala M’Bala (2).
1- la police administrative, gardienne de l’ordre public favorisant la cohésion nationale
Le juge des référés nous apporte : « qu’au regard du spectacle prévu, tel qu’il a été annoncé et programmé, les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances tenues à Paris ne seraient pas repris à Nantes ne suffisent pas pour écarter le risque sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes »
L’argument avancé est que même si M. Dieudonné M’Bala M’Bala certifiait qu’il ne reprendrait pas les termes pouvant mettre en cause la cohésion nationale, le juge ne veut pas prendre le risque qu’une telle atteinte soit faite. C’est une volonté de prévention qui est ainsi inscrite. Le juge préfère préserver l’ordre public et donc la cohésion nationale en écartant les propos antisémites et racistes du justiciable.
Le juge appuie cet argument en rappelant que le justiciable a pourtant déjà été condamné plusieurs fois pénalement pour de tels faits.
2- Des antécédents du justiciable influençant une décision prise dans l’urgence : une logique différente de la police judiciaire.
Le juge écrit : « que l’arrêté contesté du préfet rappelle que M. Dieudonné M’Bala M’Bala a fait l’objet de neuf condamnations pénales, dont sept sont définitives, pour des propos de même nature ».
La logique est la suivante, M. Dieudonné M’Bala M’Bala a déjà était condamné, et ceci pénalement, pour de tels propos dans ce même spectacle, il est normal que la police administrative intervienne pour que cela ne se reproduise pas. En cela, il apparait clairement que la logique de la police administrative détonne de la police judiciaire. La police judiciaire, elle, intervient à la suite d’une infraction ou ne serait-ce qu’une tentative. Ici, le justiciable n’a même pas la chance d’essayer de faire son spectacle. La police administrative joue son rôle de prévention. On voit une différence également en ce que la justice administrative se réfère aux antécédents de M. Dieudonné M’Bala M’Bala, ne laissant pas place à la « présomption d’innocence » qui n’est pas de mise ici. On veut éviter tout risque de trouble à l’ordre public.
Nous avons pu voir dans cette première partie que la police administrative en rempli sa fonction de protection de l’ordre public en jouant son rôle de prévention, nous allons maintenant étudier le fait que le juge a décidé de prendre le parti de faire primer la dignité de la personne humaine sur la liberté d’expression.
II. La primauté de la dignité humaine sur la liberté d’expression, liberté dite fondamentale
Dans cette seconde partie nous allons étudier qu’en effet le juge des référés a favorisé la dignité de la personne humaine qui est une composante essentielle à l’ordre public (A) mais que pourtant elle est opposée à la liberté d’expression (B).
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