Pascal, EntrEtien Avec Mr De Sacy (1655), Ou, Les Rapports De La Philosophie Et De La Religion
Mémoires Gratuits : Pascal, EntrEtien Avec Mr De Sacy (1655), Ou, Les Rapports De La Philosophie Et De La Religion. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresx recueils seraient-ils parvenus tous les deux aux mains de Fontaine ? Fontaine disposait des papiers de Sacy (il était son secrétaire)
Nuit du Mémorial : 1654; en janvier 1655, P. est allé à Port Royal à la suite de la seconde conversion. Cf. Gouhier : le texte de P. serait le brouillon, la première ébauche, d’une conférence. Un projet, même, d’apologie. Initiative qui viendrait de P. et non de Sacy.
Pourquoi l’entretien porte-t-il sur Epictète et sur Montaigne ?
Cet entretien est un jugement sur l'utilité d'Epictète et de Montaigne au point de vue spirituel, ou religieux. Il s'agit donc aussi de s'interroger sur l’utilité de la philosophie pour la religion.
Ici, P. est un nouveau converti, ie, un chrétien fervent. Il cherche la signification pour le christianisme de la lecture d’Epictète et de Montaigne, et par là même des autres philosophes (cf. Descartes dans la bouche de Montaigne). Le rapport entre la philo et le christianisme n’est pas de nature externe mais le christianisme peut et doit reconnaître qu’Epictète et Montaigne expriment bien un aspect de la vérité. P. accorde la vérité qu’il reconnaît à chacun d’eux.
1) signification culturelle : pourquoi, en 1655, s’intéresser à Montaigne et Epictète ?
Montaigne est à l’époque un classique de l’éducation de l’honnête homme, et a imprégné le goût mondain (scepticisme libertin ou épicurien). Cf. Charron : les trois vérités (1593). Il se situe dans la filiation de Montaigne. Il est donc normal de s’intéresser à Montaigne.
D’autre part, au 17e, il y a un renouveau du stoïcisme. On trouve donc dans l’air du temps un épicurisme nourri de Montaigne et un néo-stoïcisme chrétien. P. s’est situé par rapport à Charron.
L’intérêt pour ces deux philosophes est habituel.Ce sont deux auteurs qui font autorité chez les honnêtes gens (ie, dans les milieux cultivés) –influence qui s’inscrit dans la filiation de l’humanisme de la Renaissance (affirmation de l’homme comme faible, mais l’homme est le point de référence). Il y a des accords ou des compromis entre le stoïcisme et le christianisme, ou entre le scepticisme et le christianisme. On retient surtout une morale, et non pas une réflexion métaphysique.
a) le stoïcisme : à propos du stoïcisme et du christianisme, on a relevé tout un éventail de positions, que l’on a ramené à 4 :
Le stoïcisme chrétien
L’humanisme chrétien
Le groupe des libertins
Le groupe des augustiniens et des jansénistes
association, mélange, de dogmes chrétiens et de morale stoïcienne à peine christianisée. Il est arrivé qu’Epictète et Sénèque soient classés parmi les saints. Leurs pensées s’harmonisent avec l’Evangile. Le destin stoïcien est interprété comme une providence personnelle. on fait un choix parmi les principes stoïciens. Théologie optimiste : la nature n’est pas corrompue. La grâce accomplit, parfait, la nature. Il est cohérent de chercher à christianiser le paganisme stoïcien. n’est pas attiré par le stoïcisme mais peut s’en servir contre le christianisme (stratégiquement, donc, pas du point de vue de la doctrine) les augustiniens sont opposés aux tendances humanistes et notamment au stoïcisme. Exaltation de l’homme à leurs yeux, qui est opposée à une conception de l’homme corrompu. Ainsi, chez Sacy, on trouve une condamnation sans appel du stoïcisme.
b) avec le rapport à Montaigne, il s’agit toujours d’un rapport à l’humanisme
Montaigne est protéiforme, et par là, insaisissable.
On a vu en lui le stoïcien, cf. fait qu’il a remis Sénèque à l’honneur.
Il est encore considéré comme un chrétien prudent et sage, un peu à la manière d’Erasme.
Il est encore considéré comme sceptique, cf. fait que P. critique Montaigne conjointement à Charron, qui est pyrrhonien (chrétien).
C’est vers 1640 que Montaigne est adopté par les libertins et qu’il devient un mécréant pour les chrétiens.
P. a un rapport très étroit à Montaigne. Il s’en est nourri, à tel point qu’il le connaît par cœur. La tentation sceptique est beaucoup plus forte que la tentation stoïcienne. Cf. fait que dans sa critique de Montaigne, on remarque une véritable fascination ; d’ailleurs, il a seulement besoin d’être corrigé. P. est du côté sceptique. Mais c’est un style de pensée qui intéresse P. : à savoir, une critique de la raison que peut reprendre le jansénisme. Peut-être est-il ainsi un sceptique chrétien. Il est par là un cas à part dans le mouvement janséniste.
2) Signification méthodologique : méditations sur la vie quotidienne
Démarche de type existentielle. Accord entre l’interrogation de P. et celles d’Epictète et de Montaigne. Certaines philosophies se trouvent délaissées. Par exemple, celle de Descartes qui était pourtant fortement reconnu chez certains membres de Port Royal. Cf. Arnauld.
3) On peut s’interroger sur le choix d’Epictète : pourquoi pas Marc Aurèle ?
Deux réponses :
- Epictète pouvait à lui seul représenter le stoïcisme. C’était le plus complet. L’œuvre d’Epictète est plus considérable que celle de Marc Aurèle
- La conception de la divinité chez Epictète a certains accents personnels. Sur ce point, Epictète est plus facile à mettre en rapport avec le christianisme
Plan du texte
Il se compose de trois interventions de P., et 2 de Sacy.
I) rapport au stoïcisme : deux lectures, l’une approbative, l’autre critique
II) rapport à Montaigne : ib. (intervention de Sacy contre Montaigne)
III) puis, établissement d’une position nouvelle, mais pas dialectique car on ne la tire pas d’une confrontation entre les deux (élaboration d’une thèse en fonction de St Augustin)
I) Le rapport au stoïcisme (292b-293b)
En 297, dans la troisième intervention de P., est résumée la lecture de Montaigne, puis, 4 lignes se trouvent rapportées à Epictète. Cette lecture est surtout un double recueil d’extraits à peu près textuels avec des emprunts littéraux. Deux inventaires recomposés par P. avec une transition qui les articule à Montaigne.
A- la positivité du stoïcisme
P. présente la thèse de l’auteur dans ce qu’elle a de plus favorable à son propre point de vue. Cf. première ligne : il est approbateur par rapport au devoir (moral). Tout ce développement est encadré par deux extraits du Manuel (§§ 31, et 53) qui sont relatifs aux devoirs de l’homme envers la divinité. Dans la présentation de P., il y a un choix : insister sur la validité des stoïciens sur ce point.
Les stoïciens distinguaient deux types de devoir : le devoir parfait, qui est le guide de l’attitude du sage, et les devoirs au sens habituel (ce qu’il est commandé aux sages de faire). La différence entre les deux acceptions est que dans le premier cas, c’est la notion de convenance, de cohérence, qui importe ; l’homme étant un élément du bel ordre du monde, il est correct que son action se conforme, s’identifie, à cet ordre. Dans le second cas, c’est l’idée d’impératif sur laquelle insiste P.
Ce rapport à Epictète est effectué par une traduction qui rend « Zeus » par « Dieu » (rapport au christianisme). Or, Epictète dit plutôt Zeus. C’est laisser entendre que le dieu des stoïciens est identifiable au dieu des chrétiens. Ce que le stoïcisme propose à l’homme, c’est une certaine manière d’être intérieure : il faut adhérer à ce qui est (l’ordre du monde est la volonté de Dieu).
Il faut avoir une double attitude à l’égard du monde :
détachement ou indifférence
d’où : assentiment, acquiescement, adhésion
ce qui est essentiel à l’homme est une relation intérieure avec la divinité ; les éléments du monde ne peuvent atteindre l’homme que superficiellement. L’individu n’est qu’un hôte de passage sur la terre. Mais l’attitude froide est à dépasser par une seconde (car ici, attitude de neutralisation du monde, de destruction de sa valeur)
j’ai à approuver l’ordre du monde car il n’y a pas de mal dans le monde ; s’il y a du mal (le défaut) c’est dans nos jugements.
Ces deux attitudes se conjoignent dans la métaphore
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