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Commentaire de l’arrêt de l’Assemblée plénière du 14 avril 2006.

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Par   •  16 Novembre 2015  •  TD  •  3 215 Mots (13 Pages)  •  2 623 Vues

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DROIT DES OBLIGATIONS

Commentaire de l’arrêt de l’Assemblée plénière du 14 avril 2006.

Le principe de responsabilité du fait des choses a pour effet de permettre, dans les conditions du droit commun, l’exonération totale du responsable du fait dommageable d’une chose, s’il démontre une cause étrangère, comme par exemple la force majeure. Tel est le cas dans cet arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 14 avril 2006.

Le corps sans vie d’une femme a été découvert entre le quai et la voie, dans une gare desservie par la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP). Une information ouverte sur le chef d’homicide involontaire a révélé que l’accident survenu lors du départ d’une rame était passé inaperçu, aucun témoin des faits ne s’étant fait connaître. L’époux de la victime agissant tant en son nom personnel qu’au nom de celui de ses enfants mineurs a demandé que la RATP soit condamnée à réparer le préjudice causé par cet accident.

La Cour d’appel de Paris, le 29 juin 2004 a débouté l’époux de sa demande au motif que la chute ne pouvait s’expliquer que par l’action volontaire de la victime, qui caractérisait une faute de celle-ci, cette faute qui présentait un caractère imprévisible et irrésistible exonérait de toute responsabilité la RATP. L’époux forme un pourvoi en cassation, qui est renvoyé devant l’Assemblée plénière de la Cour de cassation.

Selon le pourvoi, en vertu de l’article 1384, alinéa 1 du Code civil, la faute de la victime n’exonère totalement le gardien des responsabilités que si elle constitue un cas de force majeure. Or en l’espèce, le comportement de la victime n’a pas présenté les caractères de la force majeure pour la RATP et que par conséquent la Cour d’appel a donc violé les dispositions dudit article.

On se pose alors la question de savoir quels caractères doit présenter la faute de la victime pour constituer un cas de force majeur, susceptible d’exonérer totalement le gardien.

La Cour de cassation siégeant en Assemblée plénière affirme que : « si la faute de la victime n’exonère totalement le gardien qu’à la condition de présenter les caractères d’un évènement de la force majeure, cette exigence est satisfaite lorsque la faute présente lors de l’accident, un caractère imprévisible et irrésistible ». Aussi que les juges du fond en relevant que l’action de la victime n’était pas prévisible pour la RATP et qu’il n’y avait aucun manquement aux règles de sécurité imposées à l’exploitant a décidé à bon droit que la faute de la victime exonérait la RATP de toute responsabilité. Par conséquent, le moyen n’étant pas fondé, le 14 avril 2006, elle rejette le pourvoi.

Cet arrêt est important, car pris en Assemblée plénière, c’est un arrêt de principe qui établit que la faute de la victime constitue un cas de force majeure qui exonère totalement le gardien de sa responsabilité lorsqu’elle présente lors de l’accident un caractère imprévisible et irrésistible. Il met en évidence que le comportement de la victime peut caractériser une force majeure (I) et il en montre aussi les effets (II).

I) Le comportement de la victime caractérisant la force majeure

La Cour de cassation a admis la force majeure, nous verrons ses éléments constitutifs (A) et le fait que le comportement de la victime, fautif, l’a caractérisée (B).

A- Les éléments constitutifs de la force majeure

« La faute de la victime n’exonère totalement le gardien qu’à la condition de présenter les caractères de la force majeure, cette exigence est satisfaite lorsque cette faute présente un caractère imprévisible et irrésistible »

La force majeure peut être considérée sous différentes formes. Elle peut être un événement naturel ou anonyme, le fait d’un tiers ou la faute de la victime. Un évènement constitue un cas de force majeure lorsque d’une part, il a influencé la réalisation du dommage au point de rendre négligeable les éventuelles autres causes de sa réalisation, d’autre part, il a empêché une personne de respecter les devoirs s’imposant normalement à elle. Lorsque la preuve de la force majeure est rapportée, les juges en déduisent que l’accident est dû à celle-ci et qu’il n’y a pas de lien de causalité entre le fait générateur reproché au défendeur et le dommage subi par la victime.

On pourrait être tenté de penser que la largesse de son domaine faciliterait sa reconnaissance. Il n’en est rien, la force majeure est un moyen d’exonération largement théorique tant ses conditions sont conçues étroitement.

La phrase précitée, retenue dans l’arrêt nous montre que l’Assemblée plénière a mis en avant deux critères constitutifs de la force majeure : l’imprévisibilité et l’irrésistibilité.

L’imprévisibilité : un événement est jugé imprévisible lorsqu’il n’y aucune raison particulière de penser qu’il se produirait..

L’irrésistibilité : l’événement doit être irrésistible dans sa survenance et dans ses conséquences. Il y a force majeure dès lors que l’évènement a été insurmontable ou inévitable. Quant à l'individu, il faut qu'il lui ait été impossible, pendant l'événement, d'agir autrement qu'il ne l'a fait. C'est une appréciation in abstracto de son comportement par référence à un individu moyen placé dans la même situation.

Classiquement, on attribuait à la notion de force majeure, trois caractéristiques. En plus de l’imprévisibilité et de l’irrésistibilité retenues, la troisième caractéristique qu’on attribue généralement à la force majeure est l’extériorité.

L’extériorité signifie que l’évènement ne doit pas être imputable au défendeur, qu’il doit être hors de la sphère d’activité de celui-ci et hors de la chose elle-même.

La jurisprudence minimise parfois cette condition, admettant que la maladie du débiteur, irrésistible, constituait un évènement de force majeur bien que n’étant pas extérieur à celui-ci (Cassation 1ière chambre civile du 10 février 1998).

L’assemblée plénière, retient deux des trois critères de la force majeur, l’absence de référence à la condition d’extériorité n’est pas surprenante, si on considère que le comportement de la victime, fautif ou non, est toujours extérieur au défendeur.

La notion de force majeure est sujette à un débat doctrinal, selon plusieurs auteurs, l’extériorité n’est pas un critère pertinent car il ne permet pas d’évaluer le comportement de la victime face à l’événement, et l’imprévisibilité peut être considéré comme un indice et non comme un critère de la force majeure. Par conséquent, l’irrésistibilité peut être suffisante pour constituer la force majeure.

Pour la jurisprudence, les différentes chambres de la Cour de cassation n’étaient pas en accord sur la définition de la force majeure.

Alors que les deuxième et troisième chambres civiles restaient fidèles à la conception traditionnelle exigeant le cumul de l’imprévisibilité et de l’irrésistibilité de l’événement comme le montre les arrêts de la deuxième chambre civile du 13 juillet 2000 et celui de la troisième chambre civile du 15 novembre 2006 ; la première chambre civile et la chambre commerciale ont peu à peu renoncé à prendre en compte ces deux critères en jugeant dans leurs arrêts respectifs du 6 novembre 2002 et du 1er octobre 1997 que « la seule irrésistibilité de l’événement caractérise la force majeure ».

Cet arrêt de l’Assemblée plénière du 14 avril 2006 met fin aux différentes dissonances dans la définition de la force majeure, qui pouvait être sources d’insécurité juridique. Il est difficile d’admettre que l’analyse d’un même événement puisse reposer sur des éléments de qualifications qui diffèrent selon la chambre de la Cour qui traite le cas. Dans son principe, la solution est claire et générale, la force majeure est un événement non seulement irrésistible mais aussi imprévisible. Il réaffirme la nécessité de ces deux critères classiques.

L’arrêt relève que la victime a commis une faute qui a toutes les caractéristiques de la force majeure.

B- La faute avérée de la victime constituant la force majeure

La Cour de cassation a énoncé que pour retenir une faute de la victime totalement exonératoire, les juges doivent relever que l’accident était dû à une cause étrangère au gardien revêtant pour lui un caractère imprévisible et irrésistible.

Les juges n’ont pas énoncé que l’imprévisibilité et l’irrésistibilité étaient nécessaires pour qualifier une faute de la victime d’évènement de force majeure, mais plutôt que la faute de la victime devait présenter les caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité constitutifs de la force majeure.

L’arrêt énonce que « La chute de la victime ne peut s’expliquer que par l’action volontaire de celle-ci ».

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