DissertationsEnLigne.com - Dissertations gratuites, mémoires, discours et notes de recherche
Recherche

Penser c'Est Dire Non

Rapports de Stage : Penser c'Est Dire Non. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires
Page 1 sur 8

ent trois autres. En quoi le jugement peut-il être conçu comme étant un refus ? En quoi, toutefois, ne saurait-il s’y réduire ? Et, enfin, en quoi la pensée est-elle, somme toute, un processus relevant à la fois du refus et de l'adhésion ?

Pour bien voir en quoi le fait de penser peut consister en un refus, il est capital d'analyser les étapes de la formation d'un jugement. Intellectuellement parlant, nous ne sommes pas vierges. J'entends par-là qu'ayant déjà une certaine expérience de la vie, nous avons été amenés par la force des choses à avoir des avis sur ce qui nous entoure. Mais ces avis ne sont en fait que des opinions, des idées que nous tenons pour vraies sans en avoir réellement analysé la teneur et estimé la valeur.

Ainsi, quand nous nous efforçons de penser, c’est-à-dire ici de juger les choses avec justesse, deux choix s'offrent à nous : rejeter l'opinion ou en faire une authentique pensée en l'approfondissant et en la consolidant au moyen d'un raisonnement la justifiant. Nous refusons alors partiellement ou totalement de croire en cette opinion.

Pour illustrer ce propos, je ferai une fois encore référence à Alain, qui dans ses propos du 16 juin 1923 et du 24 décembre 1927 disait respectivement : « ne point douter avant de savoir, car douter de quoi ? » et « si l'on veut n'être pas esclave, il faut d'abord n'être pas dupe, et résister en détail. Refuser de croire est le tout ; et ce refus définit assez l'intelligence ». Le premier propos explique que l’on prenne l'opinion comme point de départ, tandis que le second incite à l’examiner avant soit de la rejeter soit de l’adopter. Mettons que l'on veuille par exemple juger avec justesse de ce qu'il convient de faire lorsque l'on est malade : deux opinions, qui sont communément défendues, s'offrent à nous. Nous pouvons nous dire qu'il faut rester chez soi et se soigner, ou bien aller tout de même ou travail ou, tout du moins, vaquer à nos occupations habituelles. Ces deux opinions ne sont pas plus fausses l'une que l'autre, mais nous sommes tenus de les tenir à distance pour les examiner. Après examen, on conclura aisément qu'il ne s'agit ni de se borner à l'une dans tous les cas de figure, ni de se borner à l'autre chaque fois que le choix se présentera. Tout dépendra par exemple du degré de gravité du mal dont on souffrira, des risques que l’on encourra de l’aggraver en ne s’arrêtant pas. L'examen accompli nous conduira avec bon sens à nous dire que chacune des deux solutions peut être valable, et que ce qui doit justifier notre choix n'est point l’adhésion à l'une ou à l'autre pour telle ou telle raison, mais plutôt notre état du moment. C'est là l’exemple d'un jugement réfléchi qui a, en fait, transformé en pensée les deux opinions qui lui avaient servi de point de départ.

Mais l'opinion peut se présenter sous plusieurs formes, soit, comme nous venons de le voir, sous la forme d’un avis, communément exprimé, mais aussi sous la forme d’un point de vue personnel qui nous est suggéré. Dans l’un et l’autre cas, nous devons résolument agir de la même façon. C'est-à-dire que, si quelqu'un nous présente son opinion en nous disant ce qu'il convient de faire dans telle ou telle situation, nous devons réagir comme suit : nous ne devons pas accorder plus de crédit à cette affirmation que nous n'en aurions accordé à une opinion plus « publique ». Mais nous devons analyser cette opinion, et nous pourrons nous l'approprier, en faire notre pensée, si nous sommes d'accord , après réflexion, avec le point de vue de notre conseiller. Si quelqu'un maintenant tente de nous convaincre, la situation est analogue, à ceci près que notre mentor nous guide dans les étapes de son raisonnement, ce qui n'était pas nécessairement le cas dans la situation précédente. Mais alors même qu’il tente de nous persuader, nous ne devons pas céder à la tentation de le laisser jouer sur nos affects et les laisser prendre le pas sur notre propre réflexion. Ainsi, comme dans le cas précédent, nous devons garder la tête froide et apprécier le plus objectivement possible la justesse de ses considérations.

Cependant si nous avons vu que la pensée peut consister en un refus total, partiel, ou temporaire de l'opinion, il est important de voir qu'elle relève également en partie de l’adhésion. Partant de l’idée première, de l'opinion, le fait de penser induit nécessairement un refus, mais ce refus, il est important de le préciser, est temporaire et garantit des bases solides dans l'élaboration de la pensée en ceci qu'il la préserve des préjugés arbitraires susceptibles de l’induire en erreur. Ceci souligne de nouveau l'importance d'un recul critique rendu possible par la réflexion. Nous pouvons d'ailleurs, à la lumière de ce que nous avons expliqué auparavant, dire qu'une pensée qui n'est pas critique relève de l'opinion.

Le refus est bel et bien induit par la réflexion comme nous l'avons montré plus haut, mais montrons maintenant son aspect temporaire sur un exemple. Si l'on veut savoir quel produit de vaisselle est le plus avantageux nous aurons affaire à un refus majeur, celui de nous laisser influencer par la publicité. Ce refus est d’ailleurs nécessaire : comment établir en effet quel produit est le meilleur à partir de la seule publicité présentant tous les produits comme étant les meilleurs ? Cet état de refus sera néanmoins temporaire, car une fois que nous aurons déterminé le bon choix à faire, nous ne serons plus dans un état de refus, nous nous contenterons de ne plus prêter attention aux publicités ou autres sirènes pour suivre nos propres choix, ce qui est différent du refus.

L'autre chose qui conduit à dire que penser, c’est aussi en quelque façon dire oui, adhérer et c'est ce à quoi la pensée s’efforce de tendre. En effet, lorsque l'on parvient à une pensée, n’y parvient-on pas sous forme d'affirmation ? Quand on a trouvé la solution à un problème, on la retient comme étant la bonne, et on y adhère. C'est ce qui fait qu’alors nous arrêtons de réfléchir, c'est-à-dire que nous mettons un terme à notre recherche. Reprenons notre raisonnement précédent. Lorsque l'on a finalement trouvé le meilleur produit de vaisselle, on arrête, cela va de soit, de le chercher ! Pourquoi ? Parce que l'affirmation suivante est présente en notre esprit : « C'est, tout bien considéré, le meilleur produit ». Le choix du produit témoigne de l'aboutissement de notre recherche, car l'aurait-on acheté si la pensée mûrement réfléchie que nous avons obtenue ne nous l'avait pas présenté comme étant le choix le plus judicieux ?

Maintenant que nous avons vu en quoi consistaient les actes de refus et d'affirmation constitutifs de la pensée, il faut examiner le rapport entre eux. Examiner le rapport entre ces deux attitudes, c'est expliquer le processus qui régit la pensée. Nous allons donc maintenant analyser ce processus.

La pensée consiste, nous l'avons vu tout d'abord, en un refus temporaire qui sert à s'affranchir de toute opinion

...

Télécharger au format  txt (11.9 Kb)   pdf (105.2 Kb)   docx (9.6 Kb)  
Voir 7 pages de plus »
Uniquement disponible sur DissertationsEnLigne.com