Mémoire et justice
Dissertation : Mémoire et justice. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar inayat • 26 Mars 2024 • Dissertation • 1 406 Mots (6 Pages) • 222 Vues
Selon l'historien Pierre Nora, l'histoire a tendance à unir les individus, tandis que la mémoire a plutôt le pouvoir de diviser (Les Échos, juillet 2007). Par le terme "mémoire", on entend l'ensemble des souvenirs, qu'ils soient collectifs ou individuels, liés aux événements marquants du XXe siècle tels que les Première et Seconde Guerres mondiales, ainsi que la guerre d'Algérie, entre autres. Ces souvenirs sont souvent commémorés, mais ils peuvent aussi être à l'origine de revendications, souvent motivées par des enjeux idéologiques, politiques ou culturels contemporains. Le travail de l'historien consiste alors à minimiser les dimensions a ective et idéologique liées aux mémoires afin de rechercher avec objectivité et rationalité la vérité et la réalité des faits du passé. Ce travail est d'autant plus ardu pour les historiens, car les mémoires peuvent être a ectées par des amnésies, de la sélectivité, voire des mythes et des légendes. Entre opposition et complémentarité, nous examinerons dans cet essai les relations entre l'histoire et les mémoires des conflits. Nous commencerons par discuter de la manipulation de l'histoire pendant les conflits pour justifier la guerre et du défi que cela représente pour le travail historique. Ensuite, nous aborderons la prédominance de l'histoire des vainqueurs après les conflits, malgré l'émergence progressive de travaux historiques plus objectifs. Enfin, nous analyserons le processus de recherche de la vérité et de l'apaisement, marqué par des débats historiques en évolution.
Dès le début des conflits, les gouvernements manipulent le récit historique pour attribuer la responsabilité des hostilités à l'ennemi, légitimant ainsi leurs actions militaires. En 1914, la France se présente comme la victime de l'agression allemande, tandis que l'Allemagne a rme mener une guerre préventive contre une menace russo-française. Le révolutionnaire russe Lénine accuse le système impérialiste et capitaliste, suggérant que la guerre aurait été orchestrée par les puissants pour accroître leur domination. Pendant la Grande Guerre, chaque camp cherche à déplacer la responsabilité sur l'autre : Paris insiste sur le fait que l'Allemagne a déclaré la guerre, tandis que Berlin souligne le début de la mobilisation russe une semaine avant sa propre déclaration de guerre, attribuant ainsi l'embrasement général à l'action russe. En temps de guerre, les explications simplistes remplacent souvent les analyses complexes pour attiser la haine envers l'ennemi.
Pendant les conflits, les autorités exercent un contrôle strict sur l'information et propagent une propagande qui entrave le travail des historiens sur les événements en cours. Ces derniers manquent souvent de recul et d'accès aux archives nécessaires pour mener à bien leurs recherches. Chaque pays cherche à promouvoir la version qui lui est favorable. Par exemple, lors de la Première Guerre mondiale, l'Empire allemand se
présente comme étant encerclé par des ennemis et justifie ainsi son intervention pour contrer cette menace perçue. De son côté, la Russie met en avant son devoir d'assistance envers la Serbie, tandis que le Royaume-Uni souligne que l'Empire allemand a violé la neutralité belge.
Pendant la guerre d'Algérie, les opposants français au conflit font l'objet de répression, comme le journaliste communiste Henri Alleg, enlevé en juin 1957 et soumis à la torture par l'armée française. Son ouvrage, "La Question (1958), est interdit. De plus, la presse est soumise à un contrôle strict et les informations défavorables aux intérêts français sont censurées.
Peut-on, à la fin des conflits, rédiger une histoire impartiale tout en permettant l'expression des mémoires conflictuelles ?
Après la fin des conflits, les vainqueurs ont souvent le pouvoir d'imposer leur interprétation des événements. Par exemple, suite à l'armistice du 11 novembre 1918, l'Allemagne, bien que profondément a aiblie, est contrainte de reconnaître sa responsabilité dans le déclenchement de la guerre, ainsi que celle de ses alliés, en vertu de l'article 231 du traité de Versailles signé le 28 juin 1919. Toutefois, malgré la ratification du traité, l'opinion publique allemande ne comprend pas la sévérité des termes du traité et le perçoit comme un diktat. De même, après la guerre d'Algérie, le Front de Libération Nationale (FLN) se présente comme le principal architecte de l'indépendance algérienne, occultant la contribution à la lutte contre la France d'autres mouvements nationalistes tels que le Mouvement National Algérien (MNA) dirigé par Messali Hadj.
Ensuite, ce sont les historiens qui entament leurs premières études. Par exemple, l'historien et ancien combattant Pierre Renouvin se penche sur les causes principales de la guerre. Dès 1925, dans son ouvrage intitulé "Les origines immédiates de la guerre", ce spécialiste des relations internationales explore ce qu'il désigne comme les "forces profondes" ayant mené au conflit. Il met particulièrement en lumière le puissant complexe militaro-industriel en Allemagne, mais également son influence en France et en Grande-Bretagne, suggérant ainsi l'existence d'une responsabilité collective dans le déclenchement de la guerre.
L'enseignement du conflit revêt également une importance capitale. Alors que les jeunes Allemands sont éduqués dans un esprit de revanche à l'égard du traité de Versailles à partir de 1983, en France, l'historien Jules Isaac prend conscience de l'impérieuse nécessité de ne pas inculquer aux jeunes Français une haine envers l'Allemagne. Il
souligne que bien que les responsabilités soient inégalement réparties, elles sont néanmoins partagées, et que la France doit assumer sa part de responsabilité aux côtés des empires allemand et austro-hongrois
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