St Exupéry, Le Petit Prince
Commentaire de texte : St Exupéry, Le Petit Prince. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Le V • 2 Avril 2024 • Commentaire de texte • 3 702 Mots (15 Pages) • 209 Vues
Commentaire composé
Introduction (trois sous-parties)
Préambule :
L'ouverture du Petit Prince doit immédiatement être mise en relation avec la fin. Ouverture spectaculaire, avec ce serpent qui avale sa proie, et qui doit relue à la lumière du dénouement : le serpent « avale » le petit prince ou tout au moins le pique et le fait disparaître de l'espace de la page. Cette entrée en matière est ici au sens propre et au sens figuré une mise en bouche. Ici, un fauve avalé par un serpent.
On commencera par dire que Le Petit Prince est un texte clos, un texte circulaire et que cette ouverture fait écho directement à la chute du texte.
- Au début du chapitre 1er, l'auteur écrit « Lorsque j'avais six ans », et à la fin du Petit Prince, il note au dernier chapitre, le chapitre 27, « ça fait six ans déjà ». 6 ans, une vie d'enfant avant d'entrer dans l'âge de raison (7 ans), un chiffre symbolique qui pose l'enfance comme moteur même du texte.
- Image récurrente du serpent (je vous rappelle qu'il existe un serpent mythologique qui se mord la queue (l'ouroboros, qui représente le cycle éternel de la nature). Dans Le roi lion, c'est le grand cycle de la vie. Dans le Petit Prince, c'est ce serpent avec la gueule ouverte et qui la referme sur le protagoniste éponyme.
On insistera dans notre introduction sur la fameuse anecdote ou parabole du chapeau et de l'éléphant et du boa. On connaît tous cette ouverture du Petit Prince qui invite à une lecture problématique du texte : le dessin de la page 9 (apparemment une forme de chapeau) est vu différemment en fonction de ses lecteurs. Un adulte verra tout simplement un chapeau ; un enfant verra un serpent boa avalant un éléphant. C'est déjà toute la réflexion ontologique du roman qui est à l'œuvre plus tard dans la fameuse phrase du renard : « On ne voit bien qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible pour les yeux ». Ce qui est apparemment visible (un chapeau) est une apparence, et seuls les enfants verront au cœur même du dessin parce qu'ils ont un sens en plus, une finesse, une émotion supplémentaire.
Problématique :
Cette ouverture répond-elle à sa fonction de présentation ? Peut-on déjà lever le voile des apparences et découvrir le message caché par l'auteur sous le chapeau ?
Annonce de plan :
L'annonce de plan commence à répondre à ces questions.
Cette ouverture pose les trois grandes questions qui occupent l'œuvre de Saint Exupéry, et qui feront nos trois grandes parties :
- La présentation du narrateur de l'histoire, un personnage décalé entre l'imaginaire et la réalité.
- La question du double destinataire et de la double lecture, la question de la dichotomie enfant/adulte, une manière de lire Le petit Prince.
- L'iconotexte : la question du texte et de l'image : travail sur les trois dessins et les sous-titres. Le monde du Petit Prince in medias res
I. Présentation du narrateur
Il faut commencer par faire un point sur ce « je » qui se dévoile dans le texte, et dont le statut est assez ambigu.
a. Un récit à la P1
- « Je » omniprésent, qui raconte son histoire. Narrateur homodiégétique et intradiégétique. Dans la diégèse et c'est son histoire qu'il raconte. (On travaille là sur les catégories de Gérard Genette dans Figures III)
- « Je » adulte, qui raconte une histoire passée : récit rétrospectif « Lorsque j'avais 6 ans ».
- Défilé de toute la vie du narrateur en une page : il raconte ses souvenirs d'élève (géo, histoire, calcul, grammaire), puis ses études, et une carrière de peintre avortée très tôt (à 6 ans). Faut-il déjà voir dans cette page des résonances tragiques (un bruit court selon lequel au moment de sa mort, on voit toute sa vie défiler) ?
- Ici le narrateur a eu un accident d'avion : tout cela relève-t-il des hallucinations d'un mourant ? C'est peut-être surinterprété le texte, mais l'hypothèse mérite d'être posée. // On ne peut s'empêcher de faire le lien avec la vie de Saint Exupéry et l'accident mortel de Saint Exupéry.
N.B. La précision selon laquelle le narrateur a arrêté très tôt sa carrière de peintre est extrêmement importante : rappel biographique. Saint Exupéry est ici auteur ET illustrateur. Il dessine. Il parle de ses propres dessins. Cela s'appelle de la mise en abyme. Et si on veut être précis, quand on décrit une œuvre d'art, cela s'appelle une ekphrasis. // Et d'autre part, on trouve chez Saint Exupéry ce même sentiment selon lequel l'âge enfantin bascule très vite : le narr de Saint Exupéry renonce à sa carrière de peintre à 6 ans, et Barrie écrit dans PP : « Deux est le commencement de la fin » (entendons 2 ans)...
b. Une vie qui bascule entre réel et imaginaire : de l'autobiographie réelle à celle qu'on s'invente
L'autobiographie est un exercice à part dans la littérature.
Pour faire une auto-bio-graphie, il faut du bio, de l'auto et de la graphie. Les trois sont indispensables, mais fonctionnent (comme dans le conte de fée) sur un pacte de lecture.
On croit qu'on va dire la vérité ou on dit qu'on va dire la vérité, et en fait, on s'invente, on se fait passer pour un autre, on construit sa légende, on parle de soi pour se faire aimer, et on gomme certains aspects de soi. Ici, ce n'est pas une autobiographie à proprement parler, mais comme dans une autobiographie, le narrateur nous plonge de l'enfance à son univers adulte et ce qu'il raconte a beaucoup à voir avec l'écrivain qu'il est et il faut bien marquer les liens entre personnage fictif et personnage réel.
∙ Le narrateur qui n'a pu devenir peintre a ensuite voulu devenir pilote : « j'ai appris à piloter des avions », et « J'ai volé un peu partout dans le monde ».
∙ Il est un géographe brillant, qui maîtrise les cartes à la perfection. (ce qui n'était pas exactement le cas de Saint Ex qui avait la manie de se perdre dans le ciel, mais entre la légende et la réalité, on peut bien imaginer qu'il était un excellent pilote (qui s'est sorti plus d'une fois de situations délicates avec sang-froid et il maîtrisait parfaitement la carte du ciel)
Deux informations donc :
- Précisions d'ordre biographique : Saint Exupéry aimait découvrir le ciel et de nouveaux horizons
- Clins d'œil à l'intertexte, et notamment Vol de nuit : « C'est très utile si l'on s'est égaré pendant la nuit ».
- Clin d'œil au personnage du géographe dans Le Petit Prince. Voir le chapitre 15, qui doit/peut entrer en résonance avec notre chapitre.
Conclusion/ Annonce de la partie suivante :
Bref, ce narrateur est un adulte qui a la nostalgie de l'enfance et qui sait revenir dans l'imaginaire de l'enfant, dans les territoires perdus de l'enfance. Cette double tendance entre une lecture pour l'enfant et une lecture plus philosophique et à plus large portée fonctionne dans ce passage et c'est ce que nous allons étudier à présent.
II. De la double lecture
Dans ce texte fonctionne ce qu'on pourra appeler un « complexe du boa », et pour en parler, on s'appuiera sur les théories de Umberto Eco dans Lector in fabula. (un texte qui doit guider votre travail d'étudiant de lettres, voilà pourquoi j'insiste un peu...)
a. Le problème des compétences en matière de littérature de jeunesse
Umberto Eco est le premier à avoir posé clairement le problème de la lecture en termes de compétences - celles du lecteur - : la lecture n'est pas un exercice simple, elle nécessite des compétences qui permettent de découvrir les signifiés justes, qui permettent de comprendre les structures globales et locales de l'histoire, les intrigues. Le lecteur, au cours de sa lecture, met en jeu différentes compétences : linguistiques, bien sûr, qui lui permettent de comprendre le texte, mais aussi encyclopédiques, qui ressortissent aux connaissances générales du lecteur.
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