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Arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation du 5 février 2002

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évoqué tacitement, et qu'il n'est pas prouvé qu'il ait eu connaissance de la révocation. Il estime ainsi être en droit de réclamer aux mandants le paiement de sa commission. Par ailleurs, le pourvoi se fonde essentiellement sur le fait que le contrat de mandat « était consenti à titre irrévocable » pour faire valoir que le mandat ne pouvait pas être révoqué avant l'expiration du délai pour lequel il a été conclu.

Mais quels sont exactement les effets et les limites d'une stipulation d'irrévocabilité du mandat ?

La Cour de cassation affirme solennellement que le mandat est toujours révocable, quand bien même il serait stipulé irrévocable, comme c'est le cas en l'espèce. Elle admet cependant que la responsabilité du mandant peut être engagée envers le mandataire révoqué, du fait de la violation de la stipulation d'irrévocabilité du mandat. La première chambre civile se repose sur l'appréciation souveraine des juges du fond pour décider que le mandat a été révoqué par les mandants, et que le mandataire a bien eu connaissance de sa révocation. Ainsi, l'agent immobilier n'a pas droit à sa rémunération.

Par cet arrêt de principe, la Cour de cassation fait de la libre révocabilité du mandat un principe absolu auquel on ne peut déroger contractuellement (I). Elle met cependant en place un régime protecteur, mais limité, instauré par la stipulation d'irrévocabilité au profit du mandataire révoqué (II).

La libre révocabilité du mandat, un principe absolu auquel on ne peut déroger contractuellement

L'article 2004 du code civil énonce le principe de la libre révocabilité du mandat par le mandant (A). Ce texte n'étant cependant pas impératif, il peut y être dérogé. La clause insérée au contrat de mandat par laquelle les parties décident que le mandat sera irrévocable pendant une certaine durée est donc parfaitement valable. Elle est cependant trompeuse, et d'effet très limité, dans la mesure où la Cour de cassation, dans cet arrêt rendu le 5 février 2002, confirme le caractère absolu de la révocation, en consacrant le principe de la révocabilité du mandat, en dépit d'une stipulation d'irrévocabilité (B).

A. Le principe de la libre révocabilité du mandat par le mandant

L'article 2003 du code civil énumère les circonstances en raison desquelles le mandat prend fin, parmi lesquelles figure la révocation du mandataire. Ainsi l'article 2004 du même code dispose que « le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble [...] ». En vertu de ce texte, le mandant est libre de révoquer à tout moment son mandat. Le mandat est en effet dit « révocable ad nutum», c'est-à-dire à la discrétion du mandant. Ce dernier dispose ainsi d'un droit potestatif.

Ce principe de libre révocabilité du mandat, affirmé tant par la loi que par la jurisprudence, et unanimement admis par la doctrine, repose sur deux fondements. Le mandat est un contrat qui se caractérise notamment par le fait qu'il repose sur la confiance du mandant en la personne de son mandataire, ce qui explique qu'il soit conclu intuitu personae, et qu'il est en principe consenti dans l'intérêt exclusif du mandant. En effet, en donnant mandat à un mandataire, le mandant lui confère le pouvoir de conclure des actes juridiques en son nom et pour son compte. La conclusion d'un contrat de mandat nécessite ainsi que le mandant ait une confiance absolue en la personne qu'il charge de le représenter, et il est dès lors parfaitement compréhensible qu'il puisse librement révoquer le mandataire dès l'instant où ce sentiment indispensable de confiance disparaît. Le principe de la libre révocabilité du mandataire relève donc de la nature même du contrat de mandat. Il est de son essence que le mandant dispose d'une faculté de révocation ad nutum du mandat.

En l'espèce, le contrat litigieux est un mandat d'agent immobilier. Le contrat qui lie le propriétaire d'un bien qu'il souhaite vendre ou mettre en location à un agent immobilier est expressément qualifié de mandat par le législateur. En effet, la loi dite « Hoguet » du 2 janvier 1970 et son décret d'application du 20 juillet 1972 réglementent la profession d'agent immobilier, au titre des mandats spéciaux. Il est cependant permis de se demander s'il s'agit d'un véritable contrat de mandat, dans la mesure où la mission d'un agent immobilier consiste en principe, et c'est le cas en l'espèce, à « rechercher et présenter un acquéreur » au mandant. L'agent immobilier n'a donc pas le pouvoir d'engager le mandant, puisqu'il n'est amené à conclure aucun acte juridique en son nom et pour son compte. Cette spécificité devrait conduire à rejeter la qualification de mandat, au profit de celle de contrat d'entreprise, étant donné que le contrat de mandat nécessite la conclusion d'actes juridiques par le mandataire au nom et pour le compte de son mandant, et non de simples actes matériels, comme c'est pourtant le cas dans le cadre d'une relation unissant un propriétaire et un agent immobilier. C'est ainsi que la Cour de cassation qualifie habituellement ce contrat de « mandat d'entremise » (par exemple dans l'arrêt civ. 1ère, 8 juillet 1986). Cependant, un tel contrat étant qualifié de mandat d'agent immobilier par la loi, la Cour de cassation n'a pas à le requalifier. Puisqu'il s'agit d'un contrat de mandat, il est régi par les règles du droit commun du mandat, sauf sur certains points où la réglementation professionnelle y déroge. En ce qui concerne la révocation, le mandat d'agent immobilier bénéficie du même régime que le mandat ordinaire. Le principe de sa libre révocabilité par le mandant lui est dès lors applicable, en vertu de l'article 2004 du code civil.

Mais la jurisprudence confère par ailleurs à cet article un caractère supplétif. Il est donc possible d'y déroger par une stipulation expresse émanant des parties. Ainsi, dans un arrêt rendu le 9 juillet 1885, la chambre des requêtes a reconnu la validité d'une clause contraire à l'article 2004 du code civil et donc à la libre révocabilité du mandat. Le mandant peut en effet renoncer à son droit de révocation ad nutum du mandataire, ou en soumettre l'exercice à des conditions déterminées. Un mandat stipulé irrévocable doit cependant, pour être valable, être spécial, c'est-à-dire limité à une affaire, et temporaire. Dès lors, la clause par laquelle, dans l'espèce donnant lieu à l'arrêt du 5 février 2002, les parties ont stipulé que le mandat serait irrévocable pendant une durée et pour une mission déterminées, est parfaitement licite. Mais elle ne produit cependant pas les effets auxquels le mandataire pouvait légitimement s'attendre.

B. La révocabilité du mandat, en dépit d'une stipulation d'irrévocabilité

Pour fonder sa prétention au paiement de sa commission, l'agent immobilier invoque le fait que le mandat « était consenti à titre irrévocable» pour une certaine durée, et qu'il a mené sa mission jusqu'à son terme, dans la mesure où il a présenté un acquéreur aux vendeurs pendant ce délai. Soutenant que le mandat ne pouvait pas être révoqué au moment où il a exécuté son obligation, l'agent immobilier estime avoir agi en vertu d'un mandat valable, ce qui justifie son droit à rémunération.

Mais la Cour de cassation en juge tout à fait autrement, posant le principe selon lequel « le mandat même stipulé irrévocable, de rechercher un acquéreur en vue de la vente d'un bien, ne prive pas le mandant du droit de renoncer à l'opération », c'est-à-dire du droit de révoquer le mandat quand bon lui semble.

La jurisprudence antérieure avait déjà admis la faculté du mandant de révoquer un mandat conclu pour une durée déterminée avant l'arrivée du terme. Ainsi, dans l'arrêt rendu le 27 avril 1988, la troisième chambre civile a jugé la révocation du syndic de copropriété par les copropriétaires valable, au motif que « malgré la durée prévue, le mandat de syndic peut être révoqué à tout moment ». Plus récemment, il en a été jugé pareillement par la première chambre civile le 28 janvier 2003.

En revanche, dans l'arrêt du 5 février 2002, la Cour de cassation consacre solennellement et sans ambiguïté, pour la première fois, le principe de la libre révocabilité du mandat par le mandant, en dépit de la stipulation d'irrévocabilité du mandat.

La clause par laquelle les parties décident de rendre leur mandat irrévocable est donc très trompeuse, dans la mesure où elle ne produit pas les effets escomptés. En effet, elle ne rend pas le mandat irrévocable, puisque la Cour de cassation reconnaît la validité de la révocation intervenue au cours du délai pendant lequel le mandat était censé être irrévocable. Cette décision peut s'expliquer par le fait que la liberté de révocation relève de l'essence même du contrat de mandat. Par conséquent, ni une stipulation contractuelle, ni même la loi, ne peuvent le rendre irrévocable. Le mandat même stipulé irrévocable est donc soumis au régime du mandat classique.

La Cour de cassation fait ainsi du principe de la libre révocabilité du mandat

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