Le decrochage scolaire
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Quand on évoque les décrocheurs, on pense à ceux qui ont abandonné le collège ou le lycée. Le programme Eduscol détermine le décrochage scolaire comme « un phénomène complexe qui fait qu’un élève rompt progressivement avec l’école ».La démobilisation scolaire, autre terme utilisé, apparaît comme un processus de rejet ou de renoncement aux règles de l’institution en lien avec l’estime de soi pouvant aller jusqu’à la déscolarisation sans pour autant déterminer ce qui engendre ce mouvement. L’élève peut aussi rester scolarisé, mais sans investir l’institution et avoir des difficultés d’apprentissage. Autre formule employée, mais dont le sens est quelque peu différent, la démission, signifiant un départ volontaire de l’élève. Marie Esterle Hedibel, maître de conférence à l’IUFM du Nord-Pas-de-Calais, préfère l’appellation de déscolarisation plus large, permettant de reprendre plusieurs hypothèses concernant les processus qui amènent hors du système scolaire des jeunes de moins de 16 ans : l’exclusion non suivie de reprise dans un autre établissement, le décrochage progressif signalé par un absentéisme important et grandissant, la rupture biographique (accident de santé, errance…).
D’après Dominique Glasman, professeur de sociologie à l’Université de Savoie, le phénomène de décrochage n’est pas aussi récent qu’on voudrait bien nous le faire entendre. Dans les années 70, environ 200 000 jeunes sortaient du système éducatif sans diplôme, parmi eux, des collégiens et des lycéens. Aujourd’hui, la nouvelle configuration scolaire offre à l’élève, au moins formellement, plusieurs voies « qui lui convienne ». Le « décrocheur » prend une figure hors norme, dont la responsabilité de son échec ne relève pas que de lui. Il devient selon Dominique Glasman « un cas singulier dont la singularité entraîne les parents sur la voie d’une mise en question individuelle (leurs enfants ou bien eux-mêmes) plus qu’une interrogation collective ; cas singulier que l’institution peut ériger en problème, surtout quand elle n’est plus tenue, au-delà de 16 ans, à l’obligation scolaire ».
Profil des décrocheurs
Les recherches menées au Québec (où le décrochage s’entend comme l’arrêt des études avant l’obtention d’un diplôme) apportent des analyses montrant la diversité des formes que peut prendre le décrochage : tous les décrocheurs n’adoptent pas des comportements déviants. Janosz, professeur à l’université de Montréal distingue quatre profils de décrocheurs selon la nature et l’intensité des difficultés rencontrées. Les « discrets », sont les élèves qui, malgré leur fort engagement et un comportement adapté, ont un rendement faible. Les « désengagés » n’aiment pas l’école, ont peu d’aspirations scolaires. Les « sous-performants », ont eux aussi une adaptation moyenne et un faible engagement mais leur rendement scolaire est faible. Enfin, les « inadaptés », sont les plus visibles : leurs résultats ainsi que leur engagement sont très faibles et leur degré d’inadaptation est élevé.
En parlant de décrochage, on pense à ces élèves qui ne se contentent pas de sécher ponctuellement une ou deux heures de cours, mais plus gravement à ceux qui s’éloignent de l’institution scolaire. D’abord constaté chez les lycéens, le décrochage scolaire commence à se répandre dans les collèges. Le décrochage, selon Dominique Glasman est « une prise en compte du fait que, l’échec conduit effectivement à un abandon de l’école, éventuellement par démobilisation sur place, par l’absentéisme larvé ou intense, et par sortie plus ou moins définitive ». Cette évolution est grave et pose différentes questions : à quoi cela est-il dû ? Que peut faire l’institution scolaire ? Pourquoi certains « résistent » et d’autres décrochent ?
Les déterminants
Les causes possibles du décrochage sont multiples mais peuvent se ramener quasi-systématiquement à un manque de confiance en l’avenir. Les difficultés qui cernent de toutes parts certains élèves, tant sur le plan familial (chômage, précarité…) que sur le plan scolaire (mauvais résultats, marginalisation) suffisent à éloigner de l’école les élèves concernées. Ce n’est pas tant de l’école qu’ils décrochent, mais plus largement de la vie sociale en général, avec toutes les conséquences induites.
Les processus de déscolarisation interviennent souvent dans un contexte particulier ou les inégalités sociales perdurent au sein de l’école. François Dubet parle de « démocratisation ségrégative à l’interne » : les familles en situation de précarité, voire de pauvreté sont elles-mêmes dévalorisées et les parents, surtout les mères, principales interlocutrices des personnels scolaires, ne peuvent apporter une alternative aux processus de retrait ou d’éviction scolaire de leurs enfants. Cette idée est à raccrocher aux théories de Pierre Bourdieu, sociologue, qui affirme que l’influence du milieu socioprofessionnel et socioculturel familial induit l’échec scolaire qui résulte de la distorsion entre la culture familiale et la culture privilégiée par l’école vue comme celle de la classe dominante.
Elève qui arrive en retard à plusieurs reprises, lycéen qui ne suit que les cours qui l’intéresse, élève mal orienté qui ne se sent pas à sa place, adolescent mal dans sa peau, élève racketté, adolescent dépressif, phobie scolaire, cet inventaire non exhaustif montre à quel point les causes du décrochage sont nombreuses et peuvent se cumuler. Sans parler des « décrocheurs de l’intérieur », qui sont présents en cours mais ne se mobilisent pas dans les apprentissages. Pour Maryse Esterle-Hedibel, sociologue, le décrochage n’est pas un état mais « un processus multifactoriel » pouvant s’étaler sur plusieurs années. Selon elle, « l’école française sélectionne, catégorise et juge beaucoup les comportements. Ainsi, l’école pourrait-elle être considérée comme une « fabrique » de décrocheurs ? ». Pour Maryan Lemoine, « le collège et le lycée ont un fonctionnement industriel. Les enseignants visent l’efficacité pédagogique pour le plus grand nombre car ils ont un programme à boucler avant la fin de l’année ». Difficile, dans ces conditions, de proposer du « sur mesure » aux élèves tentés de décrocher.
Le décrochage scolaire : un symptôme à traiter
A. Mesure du phénomène
Une note récente de la Direction de l’Evaluation, de la Prospective et de la Performance (DEPPE) rappelle que si les sorties sans qualification n'ont cessé de baisser au cours des trente dernières années (passant de 25% en 1975 à 5% aujourd'hui), chaque année quelques 40000 jeunes quittent encore le système scolaire sans un niveau de qualification reconnu. Dans un contexte d'élévation générale du niveau d'études et de glissement des normes de qualification vers le haut le risque d'exclusion se trouve accentué. Un autre chiffre rappelé par la DEPP concerne les élèves en difficulté scolaire qui interrompent à un niveau ou un autre leurs études et sortent sans diplôme. Cette situation concerne 140 000 d'entre eux.
La mesure du phénomène au niveau national s'appuie sur différents indicateurs :
•Jeunes sans qualification : sont comptés dans les jeunes sans qualification les jeunes qui ont interrompu leurs études sans un niveau de qualification reconnu, c'est-à-dire au collège ou bien en première année de CAP ou de BEP.
•Jeunes sans diplôme : sont comptés dans les jeunes sans diplôme les jeunes qui n'ont obtenu aucun diplôme de second cycle de l'enseignement secondaire, c'est-à-dire n'ayant ni CAP, ni BEP, ni baccalauréat.
•Jeunes sortants précoces : sont comptés dans les jeunes sortants précoces les jeunes âgés de 18 à 24 ans qui ne poursuivent pas d'études ni de formation et qui n'ont ni CAP, ni BEP, ni diplôme plus élevé.
La complexité et le caractère polysémique du décrochage autorisent l'usage de différents indicateurs en matière de repérage qu'il semble cependant possible de regrouper selon les indications de Dominique Glasman en quatre familles distinctes : les indicateurs portant sur les apprentissages (résultats scolaires, motivations, intérêt, concentration en classes, investissement dans un travail personnel, difficulté à organiser et gérer son travail) ; les indicateurs portant sur le parcours scolaire (redoublement, orientation subie et vécue comme une relégation, etc.) ; les indicateurs portant sur le comportement social (absentéisme, indiscipline, troubles dans la sociabilité, agressivité, marginalisation ou déficit d'intégration dans le groupe) ; les indicateurs renvoyant à la psychologie et la personnalité du sujet (confiance en soi ou perte d'estime de soi, trouble relationnels, hyper activité, état dépressif, sentiment d'être incompris, etc…).
B. Les dispositifs mis en place
Erigée en priorité nationale depuis 2009, la lutte contre le décrochage scolaire est désormais « gravée dans le marbre ». La loi du 10 mars 2010 relative au service civique rappelle ainsi que tout jeune âgé de 16 à 18 ans sorti sans diplôme du système de formation
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