Lecture analytique détaillée Les Obsèques de la lionne de La Fontaine
Commentaire de texte : Lecture analytique détaillée Les Obsèques de la lionne de La Fontaine. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar gaisou • 29 Septembre 2015 • Commentaire de texte • 1 803 Mots (8 Pages) • 10 213 Vues
Introduction :
Auteur de douze livres de fables parus entre 1668 et 1694, La Fontaine s’attache dans ses récits à divertir son public tout en critiquant de façon plus ou moins détournée les mœurs et la politique de son temps. Proche de Nicolas Fouquet, destitué de sa fonction de ministre des finances par Louis XIV pour avoir eu l’audace de posséder un plus beau château que le roi, La Fontaine reste à l’écart de la Cour du Roi Soleil sur laquelle il porte un regard méfiant. Dans Les Obsèques de la Lionne, 14ème fable du Livre VII des Fables, le cerf, accusé injustement d’avoir ri lors de la cérémonie, se sauve habilement d’une mort certaine en mentant et en flattant l’orgueil du roi Lion. La Fontaine se livre donc dans ce récit à une satire plaisante du milieu de la Cour, lieu de tous les abus et de toutes les hypocrisies.
Comment le fabuliste dénonce t’il la comédie sociale qui se joue à la Cour de Louis XIV ? Nous montrerons que la narration est mise au service de la dénonciation des abus du pouvoir royal, mais aussi de l’attitude servile des courtisans.
- La satire du pouvoir royal :
A : Un pouvoir absolu
« Prince » (3), « ses Prévôts » (8), « maître » (21), « Monarque » (33), « roi » (v.29 et 31) | champ lexical de la royauté | Ces termes honorifiques qui désignent le roi marquent le respect dû à son rang qui le place au-dessus des autres. |
« tes membres profanes » désignant le cerf (35) versus « nos sacrés ongles » (36), « immolez » (37), « mânes » (38), « apothéose » | champ lexical de la divinité | Le statut divin du roi est ainsi mis en valeur (cf Louis XIV « le Roi Soleil » représentant de Dieu sur terre). Qui va à l’encontre des décisions du roi, va à l’encontre des décisions de Dieu. |
« sa Province » (6), « ses Prévôts » (8), | Adjectifs possessifs | Le roi est tout puissant et contrôle tout et tous. Tout lui appartient, territoire comme habitants, et ses sujets dépendent de sa bonne grâce. Il n’y pas de libertés individuelles. Rappel : sous Louis XIV, le roi détient l’ensemble des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire). |
« un tel jour, en tel lieu » (8) | Parallélisme | La cérémonie est organisée selon ses volontés, lui seul décide de la date et du lieu des funérailles. Le roi oblige tout son royaume à venir assister aux obsèques de sa femme, les courtisans ne peuvent s’y soustraire. |
« placer ; régler » ( v.9 ; 10) | Lexique de l’ordre | L’étiquette de la Cour devra être respectée : l’usage veut que les participants soient placés selon le rang hiérarchique qu’ils occupent dans la société des animaux. On peut donc imaginer que sont placés aux premiers rangs les animaux carnassiers (qui évoquent les nobles les plus puissants et influents de la Cour) et en dernier les animaux plus faibles (qui évoquent les gens du peuple, ou les petits nobles désargentés de province). La sécheresse du parallélisme évoque le ton abrupt des ordres du lion qui n’entend pas qu’on lui désobéisse ou qu’on le contredise. |
v.12-13 « Le Prince aux cris s’abandonna, et tout son antre en résonna » | Allitération en R | L’allitération évoque les rugissements terribles du roi-lion, symboliques de sa force et de sa puissance sur les autres animaux. |
B : Un pouvoir autoritaire, arbitraire et violent : les travers du pouvoir absolu
« Venez, Vengez, immolez » v 35-36 « la colère du roi » v.29 | 3 impératifs + verbes exprimant la violence | Le lion se montre autoritaire et violent. Il laisse éclater sa « colère » et fait usage de la force armée qu’il a à disposition, à savoir les « loups ». Il a donc droit de vie et mort sur ses sujets. Le lion utilise la force pour de mauvaises raisons : la force armée devrait servir à protéger le pays et ses sujets, au lieu de servir ses intérêts personnels. Le lion se fait donc respecter par la peur qu’il inspire à ses sujets. |
vers 26-27 | Rejet de l’adjectif « étranglé » | La cruauté du pouvoir royal est rappelée à travers le geste de la lionne. On apprend en effet que celle-ci a étranglé la femme et le fils du cerf. L’horreur du geste est mis en valeur par la place de l’adjectif « étranglé » qui, par le rejet, se retrouve en tête de vers : puisqu’il n’est pas précisé qu’elle a sacrifié ces deux animaux afin de pouvoir se nourrir, cette reine paraît avoir massacré la famille du cerf sans raison, de façon gratuite, juste pour le plaisir de chasser et de tuer. |
« chétif hôte des bois » (v.32) | périphrase | L’adjectif « chétif » évoque la faiblesse et l’infériorité physique du cerf face au lion. C’est un animal couramment chassé (référence aux chasses à courre, loisir privilégié des nobles). Le roi se montre humiliant car il est conscient de son pouvoir et du fait que nul ne peut l’atteindre. |
vers 34-37 | rythme rapide du fait de vers de 6 syllabes : hexasyllabes | Le procès est vite expédié car le roi cherche moins à rendre justice qu’à assouvir son désir de vengeance. De plus, le verdict rendu est injuste car il est fondé sur un mensonge (« un flatteur l’alla dire et soutint qu’il l’avait vu rire » v.28-29) et non sur des faits objectifs. Le jugement royal se montre donc arbitraire et profondément injuste, le procès est bâclé. |
II : La satire de la Cour et de ses usages :
A : Des êtres hypocrites qui cherchent à plaire au roi :
« aussitôt »v.2 « Jugez si chacun s’y trouve » v.11 | Adverbe temporel marquant la simultanéité | Les courtisans s’empressent de venir présenter leurs condoléances au roi. Ils abandonnent toutes affaires courantes afin de rejoindre le roi, ce qui montre leur parfaite soumission. Tous les courtisans, sans exception aucune, sont présents par peur de déplaire au roi. |
« surcroit » v.5 | Adverbe | Les courtisans font semblant d’éprouver eux aussi du chagrin et de la douleur, mais bien sûr, comme il paraît impossible de regretter un si méchant personnage, toutes ces marques de condoléances ne sont que plaintes hypocrites. |
« Peuple caméléon, peuple singe du maître » v.21 « à son exemple » v.15 | répétition du terme « peuple » et juxtaposition du terme avec des animaux connus pour leur capacité d’imitation | Le caméléon est un animal capable de s’adapter à son environnement afin de se cacher de son prédateur. Le singe est un animal qui a la capacité d’imiter les gestes de l’homme. Les courtisans deviennent donc de simples pantins dont les ficelles sont tirées par le roi, des marionnettes qui jouent un rôle afin de plaire au souverain. |
« Tristes, gais, prêts à tout, à tout indifférents » vers 18 | le chiasme et antithèse | Même idée : les courtisans calquent leur humeur sur celle du roi, ils peuvent rapidement passer d’une émotion à une autre. Ils sont capables d’endosser n’importe quel masque émotionnel. En réalité, les courtisans sont indifférents aux réels sentiments du roi, ils n’ont aucun scrupule et sont prêts à mentir et à dissimuler afin d’arriver à leurs fins. |
(v 19-20) « être » « paraître » | Verbes d’état mis à la rime | Etre, c’est assumer sa vraie nature et respecter sa personnalité propre, tandis que paraître, c’est faire semblant d’éprouver un sentiment ou adopter un comportement que l’on ne partage pas. Le parfait courtisan est donc celui qui ne montre aucun signe d’individualité. A leur décharge, à la Cour il ne faut jamais montrer sa véritable nature (sauf en ce qui concerne le lion) car la franchise et la sincérité sont rarement récompensées. |
« simples ressorts » 23 | Les courtisans sont si dénués d’âme qu’ils ressemblent à des machines, des pions que le roi contrôle. L’image du ressort fait référence à leur adaptabilité constante aux humeurs du roi, un ressort étant capable de s’adapter selon la pression exercée. |
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