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Le Doute d'Alain

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pour les détruire. Bref, la thèse d’Alain sur le doute comme conservateur de la connaissance semble totalement absurde. À moins que le doute dont il s’agit ne consiste pas simplement à hésiter.

En effet Alain précise de quel doute selon lui il ne parle pas. Il donne deux conditions de cet autre doute, à savoir qu’il survient soit après qu’on a été trompé, soit après qu’on se soit trompé. Autrement dit, c’est un doute qui arrive après une erreur qui provient d’un autre ou de soi. Or, cet autre doute n’est pas difficile selon lui, autrement dit, il n’exige aucun effort. Il précise qu’un tel doute ne permet pas d’avancer beaucoup. Qu’est-à-dire ? Le doute qu’il préconise sert à conserver les connaissances. Ce second doute quant à lui surgit après une erreur. Il n’est donc pas en position première mais en position seconde. C’est pourquoi Alain le nommant « un doute forcé », précise qu’il peut se comparer à une violence qu’on subie. Or par violence on entend généralement une force qui est exercée contre notre volonté explicite et implicite. Bref, ce doute n’est pas volontaire. On doit donc comprendre que le doute qu’il préconise est volontaire.

Il en déduit plusieurs conséquences. La première est que ce second doute est triste, autrement dit qu’il est un sentiment négatif. En effet, comme nous ne l’avons pas voulu, comme il vient contre notre volonté, il ne peut être ressenti que comme un mal. On peut donc penser que le doute qu’il vise est joyeux expression donc de l’exercice de notre volonté. La seconde conséquence est qu’il est l’expression de la faiblesse. En effet, qui subit une force contraire est faible. Il faut donc comprendre que le doute qu’il prône est un doute de force, à savoir la force de la volonté.

Il en déduit ensuite deux éléments de définition de ce doute. La première qu’il n’est rien d’autre qu’un regret d’avoir cru. On comprend donc que c’est la croyance, c’est-à-dire l’assentiment donné à une pensée sans fondement, qui s’est révélé une erreur et que le doute n’est rien d’autre que le fait de se reprocher d’avoir donné cet assentiment. Le second élément de définition est celui de la confiance trompée. Avoir confiance définit la foi. Qui voit sa foi contestée après coup se sent trompé.

Or, en quoi le doute pourrait-il être autre chose que le fait de se reprocher d’avoir pensé vrai quelque chose ? Et s’il peut être autre, en quoi peut-il fonder la connaissance et la vie pratique ?

On comprend donc enfin que douter n’est pas simplement hésiter. En effet, Alain oppose au doute de faiblesse deux exigences, ne jamais croire et examiner toujours. Qui ne croit pas ne donne pas son assentiment sans fondement. Au contraire, il cherche un fondement. Mais de quelque façon qu’il s’y prenne pour le découvrir, s’il s’arrête d’examiner, il retombe dans la croyance. Or, examiner, c’est chercher ce qui fonde, donc prendre en compte les objections possibles, les manques, les lacunes. Bref, douter, c’est non seulement comme Descartes, dans la quatrième partie du Discours de la méthode (1637), l’a proposé à titre de méthode, rejeter comme faux tout ce qui est simplement douteux pour découvrir si quelque chose est fondé, mais c’est surtout réitérer pour toutes les connaissances cette opération. Ce qui fonde une connaissance c’est la démarche qui y conduit. Et cette démarche puisqu’elle n’est pas croyance, est doute.

Alain pronostique alors que le doute qu’il nomme maintenant « l’incrédulité », terme qui évidemment indique l’opposition à la foi religieuse ou plutôt à la foi des églises n’a pas encore montré tout ce dont elle est capable. Autrement dit, la plupart des hommes s’en tienne à la croyance. Pourquoi ?

Il en donne une double explication. La première est que la croyance fait plaisir. Ce qui fait qu’on croit n’est pas la recherche. Dès lors, qu’est-ce sinon le désir, de sorte que nos croyances reflètent ce que nous désirons être vraies. La foi qui est promesse d’une vie meilleure en est la plus parfaite illustration. La seconde est que la croyance est une ivresse. En effet, l’ivresse, c’est ce qui fait que le sujet est hors de lui. Dans la croyance, le sujet n’a pas volontairement donné son assentiment sinon il se rendrait compte de l’absence de fondement.

Dès lors, Alain préconise de se priver de la croyance comme une ligue de vertu proposerait de se priver d’alcool. Car à partir du moment où on croit on rend notre esprit esclave, de nos désirs, voire de ceux qui peuvent agir sur nos désirs et que les Anciens nommaient des démagogues.

C’est ce qui explique finalement que le doute libère l’esprit. Et inversement, croire, c’est se rendre esclave. Par conséquent, la liberté politique elle-même suppose de ne pas croire aux politiciens, aux croyances sociales autrement nommées

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